Métaux rares : Pékin desserre l’étau, Washington reste dépendant

Le 9 novembre 2025, Pékin a annoncé la suspension pour un an de l’interdiction d’exporter plusieurs métaux rares vers les États-Unis, dont le gallium, le germanium et l’antimoine, essentiels aux technologies de pointe. Cette décision, prise après plusieurs mois de tensions commerciales, réaffirme le rôle central de la Chine dans le commerce mondial des métaux rares et place le secteur au cœur de la diplomatie mondiale.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 10 novembre 2025 6h36
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Métaux rares : Pékin desserre l’étau, Washington reste dépendant - © Economie Matin
90%La Chine contrôle entre 85% et 90% de la capacité mondiale de raffinage des terres rares

Pékin suspend ses restrictions dans l’exportation des métaux rares

La décision chinoise a été publiée par le ministère du Commerce (MOFCOM) : elle suspend jusqu’au 27 novembre 2026 l’interdiction d’exporter vers les États-Unis certains « articles à double usage » liés au gallium, au germanium et à l’antimoine.

Ce geste, annoncé quelques jours après un échange entre Xi Jinping et Donald Trump, s’inscrit dans un compromis plus large entre les deux puissances. Selon la Maison-Blanche, « la Chine émettra des licences générales valables pour les exportations de terres rares, de gallium, de germanium, d’antimoine et de graphite au bénéfice des utilisateurs finaux américains et de leurs chaînes d’approvisionnement ».

L’accord prévoit également l’achat par la Chine de 12 millions de tonnes métriques de soja américain d’ici fin 2025, signe que ce rapprochement dépasse le cadre minier. Pékin ne lève donc pas complètement ses contrôles : elle les suspend tout en conservant le droit d’ajuster ses licences, selon Rare Earth Exchanges.

Une suspension stratégique : apaisement diplomatique et calcul industriel

Cette volte-face apparente s’explique par la volonté chinoise d’éviter l’escalade commerciale tout en préservant son levier stratégique. Pékin contrôle environ 90 % du raffinage mondial des métaux rares, rappelle Rare Earth Exchanges, et son influence s’étend bien au-delà de la simple production : c’est tout l’écosystème technologique qui dépend de ses exportations.

Pour les États-Unis, cette suspension offre un répit crucial. Les métaux rares concernés — gallium, germanium et antimoine — sont indispensables à la fabrication de semi-conducteurs, de LED, de fibres optiques et d’équipements militaires. Les restrictions avaient déjà ralenti la production de composants stratégiques, provoquant des perturbations dans l’automobile et la défense. La mesure préserve également les échanges nécessaires à la transition verte : le gallium entre dans les panneaux solaires, le germanium dans les capteurs optiques, et l’antimoine dans certains alliages de batteries.

Commerce et technologie : Les Etats-Unis sujets à une dépendance durable aux métaux rares chinois

Pour les grandes industries technologiques, la suspension des restrictions est perçue comme un ballon d’oxygène. Les groupes américains de semi-conducteurs et d’énergies renouvelables redoutaient un ralentissement prolongé de leurs chaînes d’approvisionnement. Selon Mining.com, les entreprises concernées « pourront reprendre les importations sous licence générale », mais devront encore justifier l’usage final de chaque produit. Cette exigence illustre la stratégie chinoise : rester le fournisseur incontournable des métaux rares tout en renforçant le contrôle administratif sur les exportations. Pékin combine ainsi souplesse diplomatique et surveillance commerciale, maintenant la pression sur les États-Unis sans renoncer à ses objectifs de souveraineté.

Dans les faits, les restrictions demeurent pour plusieurs catégories sensibles, notamment les aimants à base de terres rares et certains oxydes utilisés dans les systèmes de défense. Le MOFCOM a confirmé que ces segments resteraient soumis à autorisation spécifique. L’ambiguïté du dispositif crée une zone grise : chaque ajustement futur pourra servir de levier dans les négociations commerciales.

Un équilibre instable : Pékin garde la main

Si la suspension actuelle apaise les tensions, elle n’éteint pas la rivalité. L’accord, valable un an, court jusqu’au 27 novembre 2026 ; il pourrait être renouvelé ou interrompu selon l’évolution politique entre les deux pays. La Chine conserve la possibilité d’imposer à nouveau des quotas à tout moment, tout en surveillant les usages finaux des métaux exportés.

Pour Washington, la période qui s’ouvre est donc une fenêtre de réorganisation : relocaliser certaines capacités, renforcer les alliances avec l’Australie ou le Canada, et financer de nouveaux projets d’extraction. Mais la chaîne de valeur du raffinage, elle, demeure concentrée en Chine — un déséquilibre que ni les investissements ni la diplomatie ne pourront corriger à court terme.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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