Les microplastiques des pneus envahissent les océans, et la voiture électrique n’y échappe pas

Les microplastiques, ces fragments infimes de polymères, colonisent l’ensemble de la planète. Leur origine ? Loin d’être exclusivement liée aux sacs ou bouteilles abandonnés, une proportion massive de cette pollution provient… des voitures. Le 30 juillet 2025, un article de Science et Vie révélait que près de 50 % des microplastiques présents dans les océans sont issus du trafic routier. En cause, l’usure des pneus, dont le frottement sur l’asphalte libère continuellement des particules invisibles, mais redoutables.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 30 juillet 2025 18h00
Les microplastiques des pneus envahissent les océans, et la voiture électrique n’y échappe pas
Les microplastiques des pneus envahissent les océans, et la voiture électrique n’y échappe pas - © Economie Matin

Chaque rotation de roue génère des résidus polymériques qui, emportés par les vents ou les pluies, se retrouvent piégés dans les sols, les rivières, puis les océans. Selon la revue Regional Studies in Marine Science, 2,26 millions de tonnes de ces particules sont dispersées chaque année dans l’environnement. Soit environ 28 % de la pollution plastique globale. Un chiffre qui, bien loin des clichés sur les déchets plastiques flottants, révèle une contamination invisible et omniprésente.

Les particules de pneus : un poison pour l’air, l’eau et les chaînes alimentaires

Chaque voiture devient ainsi une source constante de dispersion. Cette forme de pollution ne se limite pas aux océans, elle affecte aussi l’air que nous respirons. Dans les zones urbaines densément circulées, les particules d’usure en suspension exposent les riverains à une inhalation chronique. Une étude menée en Chine a mis en évidence la présence de 6PPD-quinone, un dérivé toxique issu des antioxydants des pneus, dans les urines d’enfants et d’adultes. Ce composé est désormais reconnu comme particulièrement nocif pour les organismes aquatiques.

Les particules, enrichies en zinc, plomb, et autres métaux lourds, s’accumulent jusque dans la microcouche de surface marine, ce film biologique à la jonction entre l’eau et l’air. Cette couche, selon des travaux publiés dans Environmental Science & Technology, concentre les microplastiques, qui deviennent ensuite une porte d’entrée vers les chaînes alimentaires marines. Mollusques, poissons, crustacés, planctons… tous les niveaux trophiques sont affectés. L’impact ne reste pas théorique : en Amérique du Nord, plusieurs populations de saumons coho ont vu leur taux de mortalité dépasser 50 % lors de leur migration, en lien direct avec cette contamination.

Voiture électrique ou thermique : même combat contre les microplastiques

Contrairement aux idées reçues, l’avènement du véhicule électrique n’apportera aucune solution à cette pollution. Car l’origine du problème ne réside ni dans le carburant, ni dans le moteur, mais dans le poids du véhicule et le contact des pneus avec la route. Or, les voitures électriques sont souvent plus lourdes que leurs équivalents thermiques, en raison des batteries.

Leur usure de pneus est supérieure, ce qui peut même aggraver les émissions de particules plastiques. Selon l’association Agir pour l’environnement, qui a publié une enquête en octobre 2024, « l’opacité industrielle empêche toute régulation stricte » sur les composants toxiques des pneus. L’absence de normes mondiales et la diversité des compositions chimiques rendent les mesures complexes. Sans réglementation spécifique, le 6PPD reste massivement utilisé malgré sa dangerosité.

Filtrer plutôt que guérir : des solutions encore marginales

Face à ce défi, des initiatives émergent. L’université du Mississippi a développé un système de filtration à base de biochar et de copeaux de bois, placé à la sortie des caniveaux. Jusqu’à 90 % des particules d’usure piégées lors des épisodes pluvieux. L’approche est simple, peu coûteuse, mais reste limitée à l’échelle expérimentale. Sa généralisation dépendra d’essais sur des zones urbaines à fort trafic.

Mais sans alternative au 6PPD, et en l’absence d’un cadre normatif international, ces solutions ne peuvent compenser une pollution dont l’ampleur reste largement sous-estimée. Dans de nombreuses régions du monde, notamment dans les pays en développement, aucune donnée fiable n’est encore disponible.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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