Accord commercial américano-chinois : trop beau pour être vrai ?

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Par Sébastien Galy Publié le 2 mai 2019 à 6h15
Chine Donald Trump Commerce 2
@shutter - © Economie Matin

L'accord commercial entre la Chine et les États-Unis devrait être conclu vers le mois de mai ou juin et il sera normal de s’en réjouir, mais il est peu probable que cet accord soit durable car les objectifs des deux pays sont trop divergents. Cet accord sera intégré dans les cours de bourse avant même sa signature, mais il est à craindre que des doutes surgissent ensuite quant à son éventuelle remise en cause un ou deux ans après son entrée en vigueur. Ce risque incite à se concentrer sur les titres défensifs pour protéger les portefeuilles.

Concurrents stratégiques : États-Unis et Chine

Bien que les États-Unis et la Chine se dirigent vers un accord commercial, il est peu probable que cet accord perdure longtemps car aucune des deux parties ne s'accorde sur la place de l’autre sur l’échiquier mondial, chacune se considérant comme dominante.

La Chine semble reproduire son modèle mercantile du XVIe siècle, mais dispose par ailleurs de peu de temps pour se développer et faire face au vieillissement de sa population. Cette évolution démographique rappelle que le pays devient progressivement une économie avancée et va faire face à une croissance plus lente à l’avenir. À l'échelle mondiale, en plus des Etats-Unis, la Chine a un second partenaire économique important, la Russie, ainsi que de nombreux alliés sur les marchés émergents, notamment via son projet de « nouvelles routes de la soie ».

Tout comme dans un contexte de guerre froide, chacune des deux parties s'efforcera de conserver un avantage dans chaque domaine (par exemple avec Huawei face à Apple), et les rivalités comme les décisions de coopération passeront par des séries d’accords temporaires. Par exemple, les États-Unis seraient en train de convenir que la Chine augmenterait ses importations de produits américains d’ici 2025. On l’aura compris : dans ce contexte de rivalité, l'impératif économique devrait généralement continuer à l'emporter sur les autres motifs.

Quand y a-t-il une incitation à coopérer ?

Les pays ont généralement tendance à coopérer entre eux dans certains cas précis : lorsque l’absence de coopération est pire, lorsque leurs cycles économiques sont étroitement liés ou lorsqu'ils souhaitent se regrouper pour former une région économique intégrée (par exemple, l'Union européenne). La coopération ne peut perdurer que lorsque chacun pense que les autres parties resteront elles aussi impliquées dans cette coopération et que les gains qu’elles en tireront dépasseront ceux de toute autre stratégie. En revanche, si les gains mutuels disparaissent, les probabilités de déviation sont alors très élevées, ce qui pourrait être ici le cas de la Chine.

Par ailleurs, la Chine développe son économie domestique en s’appuyant sur la force de sa recherche et de sa technologie, à l'instar du Japon et de la Corée du Sud avant elle. La différence est que la Chine dispose d’un vaste marché intérieur pour pouvoir s’en sortir seule. Il est donc peu probable que la Chine s'éloigne réellement d'une politique fondée sur la création de champions nationaux.

La Chine présente toutefois une vulnérabilité majeure face aux États-Unis : son déséquilibre commercial important et croissant. Les négociations devraient aboutir à une réduction du fort excédent commercial de la Chine. Or, en théorie, plus l'excédent est élevé, plus la devise nationale est forte. Une réduction de cet excédent commercial devrait donc se traduire par une contraction du yuan face au dollar, tout au moins en théorie.

En somme, malgré leur rivalité et le risque d’une déception vis-à-vis de l’accord commercial actuellement négocié, les États-Unis et la Chine devraient continuer à passer entre eux divers accords à l’avenir. La nécessité aura toujours tendance à ramener les partenaires à la table des négociations, d'autant plus que la croissance potentielle s'affaiblit progressivement en Chine.

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Sébastien Galy est macro-stratégiste senior chez Nordea Asset Management. Il analyse les tendances macroéconomiques et financières.  Sébastien a travaillé pour la Deutsche Bank et UBS.  Il détient un doctorat en finance de l'Université Concordia ainsi qu'une maîtrise et un bachelor en économie de l'Université Laval. 

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