Le patron d’Apple tente d’expliquer pourquoi des milliards de dollars échappent au fisc américain

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Par Laure De Charette Modifié le 22 mai 2013 à 4h04

"Think different" dit le slogan, qui sonne visiblement faux aux oreilles des sénateurs... C'est à présent le Sénat américain, sous la forme d'une Commission parlementaire, qui aimerait mettre son nez dans les comptes des multinationales américaines qui paient si peu d'impôts malgré leurs bénéfices record. A commencer par Apple, soupçonnée d'avoir mis en place des « stratégies de grande ampleur » pour éviter des impôts. Son PDG, Tim Cook, a donc été auditionné hier pour expliquer notamment comment son groupe a pu engranger la modique somme de 30 milliards de dollars dans l'une de ses filiales à l'étranger... sans jamais payer d'impôts aux Etats-Unis ?

Le patron de la marque à la pomme a expliqué qu'« Apple n'utilise pas d'artifices fiscaux » et « n'a pas de compte bancaire aux îles Caïmans ». Suffisant pour convaincre la Commission, échaudée à l'idée que des milliards puissent échapper au fisc américain, et donc aux Américains eux-mêmes ? Pas encore.

« Apple est probablement le plus gros contributeur de l'impôt sur les sociétés aux Etats-Unis, avec près de 6 milliards de dollars versés au Trésor pour 2012 », soit 2,5 % de la collecte totale, avait expliqué le groupe avant l'audition dans un document. Elle paie en outre 30% d'impôts sur le revenu déclaré aux Etats-Unis, soit pas très loin des 35% du taux officiel de l'impôt sur les sociétés. Soit ! Mais le vrai problème, et Apple le sait parfaitement, ce sont les sommes colossales d'argent gagnées à l'étranger et dont les Etats-Unis ne voient pas la couleur ! Au total, Apple détiendrait une centaine de milliards d'euros dans des comptes à l'étranger et aurait évité de payer 74 milliards de dollars d'impôts au fisc américain entre 2009 et 2012.

En fait, le système mis en place par le géant des nouvelles technologies est simple, et parfaitement légal : il s'engouffre dans les « failles » existant dans les juridictions américaine et étrangères. Par exemple, le groupe a installé son siège européen en Irlande tout en conservant la direction en Californie. Pourquoi ? Car l'Irlande ne fait pas payer d'impôts aux entreprises dirigées en dehors du pays, et les Etats-Unis ne font pas payer d'impôts aux entreprises non installées sur leur territoire. En somme, de nombreuses filiales d'Apple n'ont de résidence fiscale... nulle part !

Et c'est ainsi qu'une holding baptisée Apple Operations International n'a pas fait de déclaration d'impôts depuis cinq ans, alors que ses revenus totalisaient 30 milliards de dollars entre 2009 et 2012.

Reste, comme l'a souligné le sénateur républicain et ancien candidat à l'élection présidentielle John McCain, à réformer de manière globale la loi fiscale américaine et internationale... Pas une mince affaire !

Apple fait partie, aux côtés d'Amazon, Google, Microsoft ou même Starbuck's, des multinationales américaines les plus critiquées pour leurs stratégies d'optimisation fiscale, à l'heure où les Etats ont plus que jamais besoin de faire rentrer de l'argent dans leurs caisses.

Récemment, l'OCDE, qui rassemble une trentaine de pays développés, s'est fendu d'un rapport sur l'évasion fiscale des multinationales. D'après l'institution, elle pose de graves problèmes. Ainsi la stratégie d'évitement de l'impôt poussée à l'extrême par certaines entreprises à succès, qui embauchent les meilleurs experts pour domicilier une partie de leurs activités dans des paradis fiscaux, « fait peser des risques réels sur les recettes, la souveraineté et l'équité fiscales » du monde.

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Journaliste depuis 2005, Laure de Charette a d'abord travaillé cinq ans au service France du quotidien 20 Minutes à Paris, tout en écrivant pour Economie Matin, déjà. Elle est ensuite partie vivre à Singapour en 2010, où elle était notamment correspondante du Nouvel Economiste et où elle couvrait l'actualité politique, économique, sociale -et même touristique !- de l'Asie. Depuis mi-2014, elle vit et travaille à Bratislava, en Slovaquie, d'où elle couvre l'actualité autrichienne et slovaque pour Ouest France et La Libre Belgique. Elle est aussi l'auteur de plusieurs livres, dont "Chine-Les nouveaux milliardaires rouges" (février 2013, Ed. L'Archipel) et "Gotha City-Enquête sur le pouvoir discret des aristos" (2010, Ed. du Moment). Elle a, à nouveau, rejoint l'équipe d'Economie Matin en 2012.

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