Chômage : (léger) repli en 2013 selon l’INSEE, une fausse bonne nouvelle

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 7 mars 2014 à 0h11

C'est la le drame des statistiques : on peut tout leur faire dire mais surtout, si l'on regarde les chiffres trop rapidement, on passe bien souvent à côté de la véritable information. Selon l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) le taux de chômage aurait légérement baissé en France en 2013 passant de 9,9 à 9,8 % (10,2% avec les DOM-TOM). Alleluia ! voici que la fameuse courbe du chômage qui devait s'inverser en fin d'année a tenu ses promesses !

Mais il y a un loup, et même, un double ou un triple loup. D'abord, premier loup, les chiffres dont l'on parle ici sont ceux de... l'Insee. Or les chiffres qui sont commentés tous les mois sont ceux... de Pôle Emploi. La différence ? L'INSEE pond des statistiques sur tout, c'est son boulot, mais pour cela se comporte un peu comme le gardien de phare qui observe à la longue vue les navires par gros temps. Pôle Emploi, c'est le cargo dans la tempête, qui sait combien de tonnes d'eau il embarque à chaque grosse vague. L'écart entre les chiffres de l'Insee et de Pôle Emploi est de près de 50 000 chômeurs au 4e trimestre 2013. D'un côté, de la statistique, donc, de l'extrapolation à partir de données parcellaires sur la base de 100 000 personnes sondées par trimestre, de l'autre, les données collectées par les centaines d'agences Pôle Emploi à travers le pays, et compilées par la Dares, la direction de l'animation de la recherche des études et des statistiques du ministère du Travail. On comprend qu'il y ait un écart, mais difficile de ne pas donner plus de crédit aux chiffres de Pôle Emploi, le navire dans la tempête.

Le deuxième loup est également statistique : Pôle Emploi et L'Insee ne mesurent tout bonnement pas... la même chose, car leur définition du chômeur n'est pas la même ! Pour l'Insee, un chômeur doit ne pas avoir travaillé dans la semaine, chercher activement un emploi et être disponible pour en occuper un dans les deux semaines. Pôle Emploi recense de son côté les personnes inscrites sur ses registres, et, pour les chômeurs de catégorie A, ceux dont on parle tous les mois, ne travaillent pas à temps partiel, peu importe qu'ils soient disponibles pour occuper un job dans un bref délai, ou encore qu'ils soient tout le temps en recherche active.

Mais le troisième loup est de loin le plus embêtant : L'Insee procédant par sondage interroge tous les jours, toutes les semaines, tous les mois, des centaines de français en âge de travailller. Des jeunes, des moins jeunes, des vieux, des hommes, des femmes... Or, après cinq années de crise continue, et de chômage qui monte, qui monte, qui monte, de plus en plus de sondés répondent qu'ils ne cherchent plus un emploi, car ils n'espèrent plus en trouver un. C'est ainsi le cas pour les seniors arrivés en fin de droit de chômage, qui décident de se débrouiller avec le RSA (revenu de solidarité active) en attendant que leur retraite prenne le relais. C'est encore le cas des femmes qui ont travaillé un temps, puis, perdu ou quitté leur emploi, et renoncent ou n'arrivent pas à en trouver un mais qui vivent en couple avec un conjoint qui peut faire bouillir la marmite, d'autant plus facilement quand les enfants ne sont plus à leur charge. C'est enfin le cas des jeunes sans diplôme qui n'arrivent pas après plusieurs années de galère à trouver un emploi stable, et on décidé de verser définitivement dans la débrouille et le travail au noir.

Pour faire simple, sans réelle reprise économique, avec des chiffres de Pôle Emploi, au plus près des chômeurs, qui ne baissent pas, voir les chiffres de l'Insee indiquer une très légère baisse du chômage est surtout le signe que le travail dissimulé, la débrouille, prennent le relais. Exactement comme en Espagne ou en Grèce, ou les taux de chômage ont dépassé les 25 %, ce qui ne veut pas dire que le pays porte à bout de bras 25 % d'inactifs. Simplement, ils se débrouillent autrement...

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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