Loi Duplomb : le Conseil constitutionnel met une claque au gouvernement et censure

Derrière la décision du Conseil constitutionnel, une véritable onde de choc politique et écologique. La loi Duplomb, censée moderniser le cadre agricole, a buté sur une ligne rouge juridique.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 8 août 2025 5h57
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parkinson-crise-france-europe-refusent-encore - © Economie Matin
370 MILLIONS € Les « coûts cachés » des pesticides s'élèveraient de 370 millions à plusieurs milliards d'euros par an pour la France.

Le 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a censuré l’une des mesures phares de la loi Duplomb, relative à la réintroduction d’un pesticide interdit. Portée par des parlementaires soucieux de répondre aux inquiétudes du monde agricole, cette disposition avait suscité une mobilisation inédite dans l’opinion publique.

Acétamipride : un pesticide tueur d’abeilles au cœur de la controverse environnementale

Présentée à l'Assemblée nationale sous le nom de proposition de loi n°50819, la loi Duplomb ambitionnait de "moderniser les pratiques agricoles" en révisant certaines interdictions anciennes. Son point le plus controversé : l’article autorisant temporairement la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide néonicotinoïde interdit en France.

Officiellement, cette dérogation visait à protéger les cultures de betterave, notamment en Île-de-France et dans les Hauts-de-France, face à une recrudescence de pucerons. Mais pour les opposants, il s’agissait d’un recul majeur en matière de protection de la biodiversité. De nombreux députés écologistes ont dénoncé « un habillage technique qui dissimule une entorse grave aux engagements environnementaux », relaye Le Monde.

Une pétition citoyenne, intitulée “Pas de retour en arrière sur les néonicotinoïdes”, a recueilli plus de 2,3 millions de signatures, un record pour une mobilisation environnementale en France et même un record tout court pour une pétition à l’Assemblée nationale. Et la pression semble avoir joué son rôle.

Le Conseil constitutionnel tranche : la loi Duplomb partiellement censurée

Le Conseil constitutionnel a tranché : l’article réintroduisant l’acétamipride est “contraire à la Constitution”. Dans sa décision, le Conseil a invoqué la méconnaissance du principe de précaution, inscrit à l’article 1er de la Charte de l’environnement, adossée au bloc de constitutionnalité depuis 2005.

Mais au-delà du fond, la forme a également été censurée. Le Conseil a pointé “une procédure irrégulière”, estimant que l’amendement réintroduisant ce pesticide constituait un “cavalier législatif”, c’est-à-dire une disposition sans lien direct avec l’objet initial du texte, en violation de l’article 45 de la Constitution, explique Le Monde. La formulation est sévère. Le texte, rédigé en commission, avait été adopté en lecture accélérée, sans évaluation d’impact environnemental indépendante, une faille que les juges constitutionnels n’ont pas laissée passer.

Une claque pour la majorité, une victoire pour les autres

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Sur les bancs écologistes, la décision a été saluée comme “un garde-fou salutaire contre les dérives législatives opportunistes”, relaye 20 Minutes.. Sur Franceinfo, la députée Clémence Delrue s’est dite "très soulagée", qualifiant la tentative de réintroduction du pesticide de "totalement inacceptable et incompréhensible"

En revanche, au sein de la majorité présidentielle, l'embarras est palpable. Si Emmanuel Macron a “pris acte de la décision” du Conseil et a promis de “promulguer la loi dans les meilleurs délais, expurgée des articles censurés”, selon Le Figaro, plusieurs parlementaires de la majorité reconnaissent en privé une erreur.

Quel avenir pour l’agriculture française sans acétamipride ?

Cette censure soulève une question structurelle : comment concilier sécurité alimentaire et impératifs écologiques ? Pour les syndicats agricoles, le rejet de l’article sur l’acétamipride laisse un vide réglementaire, voire une impasse phytosanitaire. La FNSEA, qui a largement fait du lobby en faveur du texte sans succès, redoute que “certaines filières soient mises en péril sans alternative rapide”, selon les propos rapportés par BFMTV. Mais les associations environnementales, elles, exhortent l’État à accélérer la recherche sur les alternatives biologiques, en particulier dans le cadre du Plan Écophyto. Elles rappellent qu’en 2022, une réintroduction similaire du thiaclopride, un autre néonicotinoïde, avait déjà été censurée, ouvrant la voie à une jurisprudence claire.

En censurant cette disposition, le Conseil constitutionnel envoie un signal fort : la législation environnementale n’est pas négociable, même face aux pressions sectorielles. Selon l’analyse de Toute l’Europe, cette décision s’inscrit dans une série de censures récentes renforçant la portée de la Charte de l’environnement, désormais placée sur un pied d’égalité avec les autres normes constitutionnelles. Plus largement, cette affaire pourrait faire jurisprudence en matière de sécurité environnementale.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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