Barack Obama va-t-il inventer la « reprise qui désendette » ?

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Par Jean-Paul Betbèze Modifié le 9 novembre 2012 à 5h22

C'est toute la question. Les Français n’ont jamais beaucoup cru à l’élection de Monsieur Romney.

Il se trouve que les marchés financiers non plus, ou alors ils se sont dit que les choses n'allaient pas beaucoup changer. Mais maintenant, on dirait qu’ils se ravisent et s’inquiètent. La "falaise fiscale" approche (the fiscal cliff), et ils se demandent si des tensions et des blocages nouveaux ne vont pas apparaître. C’est plus compliqué.

D’un côté, la situation économique est en train de se redresser lentement, la bonne nouvelle étant que les prix de l’immobilier américain se mettent à remonter. Mais le taux de chômage reste élevé, ce qui est bien la preuve de la sévérité de la crise, pour ne pas dire qu’il s’agit là d’une crise d’une autre nature, structurelle, de mutation industrielle et sociale, après une trop longue phase d’endettement. Voilà qui inquiète – ce n’est pas surprenant.

Pour les mois à venir, les marchés financiers vont ainsi regarder dans deux directions. La première est chinoise, compte tenu du fait que la Chine était soucieuse d’une arrivée de M. Romney. Il ne s’agissait pas seulement d’un nouveau venu, mais de quelqu’un qui avait constamment souligné le fait que ce pays manipulait, selon lui, sa monnaie, en freinant sa hausse par rapport au dollar. La deuxième direction va être celle du climat du Congrès, avec la "falaise fiscale", ce temps où des coupes automatiques devraient être décidées. Coupes d’une telle ampleur qu’elles pourraient mettre le pays en récession.

Comme on le voit, l’essentiel est à venir, dans la façon dont M. Obama se donnera plus de marges de manœuvre, internes et externes. Il est indispensable de les obtenir. La politique monétaire ne peut en faire plus. Les entreprises se sont désendettées et sont prêtes à investir, mais elles attendent des signaux plus clairs. Pour l’heure, ils ne sont pas assez présents. Eviter une guerre des changes avec la Chine et une guerre au Congrès est donc un prérequis.



Au mieux, ceci pourrait donner 1,5 % de croissance pour l'économie américaine, qui commencerait ainsi sa cure de désendettement public. Cette cure est indispensable, mais d'autant plus facile que la reprise serait spontanément plus forte. Ceci paraît une évidence, mais pose assez vite les conditions de la "reprise qui désendette". Nous savons qu'il ne s'agit pas seulement d' "austérité" par la seule réduction des coûts publics, a plus forte raison de baisses de salaires dans le privé, mais d’innovations plus importantes et plus encore d’une meilleure exploitation de leurs potentialités.

Les ordinateurs ne sont pas encore assez dans la croissance. En même temps, si on comprend la stratégie américaine d'une moindre dépendance énergétique par rapport au pétrole, en fait par rapport au Golfe, on ne comprend pas son retard à mener une transition énergétique, vers des voitures plus propres et de moindre cylindrée notamment. La sortie de crise n'est pas, en effet, une "simple" affaire de nouveau policy mix, économies dans la dépense publique et soutien à la croissance privée. Elle doit ouvrir une nouvelle phase de croissance. Elle doit, à la fois, être celle de l'économie de l'information et celle de la coopération internationale.

Telle est peut-être la nouvelle donne qui s'ouvre, quand on a vu les risques auxquels mène la crise aux Etats-Unis depuis cinq ans, celle que connaît actuellement la zone euro, et le simple "ralentissement" que vit la Chine, paraît-il. La "reprise qui désendette" est ce que tout le monde cherche. Les Etats-Unis sont les premiers à s’approcher de la solution, mais il ne faut pas qu’ils s’illusionnent : il n’y aura plus cette croissance boursouflée qu’ils avaient vécue.

Et ce nouveau dosage, à obtenir et à expliquer en interne, dépend aussi de ce qui doit se passer ailleurs. Au fond, quand les marchés s’inquiètent de cette falaise fiscale, c’est bien parce qu’ils se disent que le Japon y est déjà tombé, que la zone euro en est proche, que la Chine doit changer de modèle, sauf à nous pousser tous, encore. Rien n’est donc facile : les élections passées, le vrai travail commence.

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Jean-Paul Betbèze est PDG de Betbèze Conseil, membre de la Commission Economique de la Nation et du Bureau du Conseil national de l'information statistique (France), du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Professeur d'Université (Agrégé des Facultés, Professeur à Paris Panthéon-Assas), il a été auparavant chef économiste de banque (Chef économiste du Crédit Lyonnais puis Chef économiste & Directeur des Etudes Economiques, Membre du Comité Exécutif de Crédit Agricole SA) et membre pendant six ans du Conseil d'Analyse économique auprès du Premier ministre. Il est l'auteur des ouvrages suivants:· "Si ça nous arrivait demain..." aux éditions Plon, Collection Tribune Libre· "2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France" aux Editions PUF, 2012.. "Quelles réformes pour sauver l'Etat ?" avec Benoît Coeuré aux Editions PUF, 2011.. "Les 100 mots de l'Europe" avec Jean-Dominique Giuliani aux Editions PUF, 2O11. "Les 100 mots de la Chine" avec André Chieng aux Editions PUF, 2010. Son site : www.betbezeconseil.com

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