Une chasse de tête pour recruter notre Président ?

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Par Stéphane Beder et Frédéric Descrozail Publié le 21 novembre 2016 à 5h01
Costume
155 millions d'eurosUne élection présidentielle a un coût de 155 millions d'euros pour l'État.

Et si on laissait aux experts du recrutement le soin de… recruter « LE » talent de demain ? Voici notre contribution pour dénicher le futur Président de la République. Et pour commencer, voici le profil du poste.

Présentation

Cinquième puissance mondiale, réputée dans de nombreux domaines, de la gastronomie au luxe, en passant par la culture et le sport, recherche son Président de la République. Exerçant une forme de fascination par notre double capacité à séduire et agacer, notre pays suscite alternativement admiration et consternation chez nos partenaires.

Dans l’espoir de renforcer notre rang et le développement de notre économie, nous recherchons notre prochain chef de l’état, H/F. Poste basé à Paris (France).

Mission :

Responsable directement devant nous, vous prenez en main pratiquement tout ce qui nous concerne en tant que citoyens. Pour peu que la majorité élue au Parlement vous soit favorable, vous détenez plus de pouvoirs que les plus puissants des rois de France.

Vous agissez tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières en définissant vous-même la politique que vous conduisez, idéalement en conformité avec celle sur laquelle vous vous êtes engagé(e) en tant que candidat(e).

A ce poste unique, il serait de bon ton d’écrire quelques-unes des plus belles pages de notre histoire.

Profil

Homme ou femme de formation supérieure (Bac + 5 à 10)… ou pas, vous disposez d’une première expérience de l’exercice d’un mandat électif et / ou d’une responsabilité gouvernementale au rang de Ministre.

Vous êtes par exemple député, député-maire, Président ou membre d’un Conseil d’Administration d’entreprise ou d’une organisation associative, ancien Ministre voire Premier Ministre, et vous êtes nationalement connu(e) pour vos idées, vos prises de position et le nombre de gens qui croient en vous et en votre avenir politique.

Au-delà de votre expérience et de vos compétences, votre personnalité fera la différence : charisme, leadership, combativité, esprit d’équipe, sens du dépassement de soi, esprit de service, orientation « résultats », force de conviction, qualités d’écoute, empathie.

Nous vous offrons :

• Une responsabilité globale particulièrement enrichissante et valorisante,
• Un environnement de travail extrêmement stimulant, parmi les plus prestigieux du monde,
• Une mise en relation avec les plus grands décideurs internationaux : politiques, sport, culture, people,…
• Le poste est basé à Paris, de nombreux déplacements sont à prévoir en France et à l’international. Un avion privé est mis à votre disposition
• CDD de 5 ans, renouvelable, sans période d’essai.

La méthode old school de désignation ne fonctionne plus !

Imaginons le client : « France. » Par quel prestataire passe-t-elle pour recruter son prochain Président de la République ?

Réponse : par les Partis politiques qui organisent des Primaires, et indirectement par les « grands électeurs » qui soutiennent, ou non, les candidats hors Primaires. Or, ces procédés ne donnent pas satisfaction.

Premier obstacle. Ces procédés ne permettent pas de sélectionner le meilleur potentiel. « Potentiel », précisément : il n’est pratiquement pas évalué. Nous choisissons entre des candidats dont la crédibilité réside dans leur expérience passée. Nous prenons donc, chaque fois, le risque de choisir quelqu’un qui a déjà donné le meilleur de lui-même… alors qu’il serait bien plus judicieux de choisir quelqu’un qui se révélerait, littéralement, dans la fonction.

Second obstacle. La survalorisation de la personnalité apparente. Nous choisissons sur la base de shows, d’effets de tribune, de répartie, d’impact immédiat. Le charisme est important, certes, mais pour bien recruter, il faut aller au-delà de ce qui apparaît. Il faut sonder ce qui est derrière, au fond, à l’intérieur : les traits de personnalité qui seront en adéquation, ou pas, avec les exigences de l’environnement et de la mission. Et pourtant, nous le savons bien : les qualités personnelles qui font un bon candidat (impact, pouvoir de séduction, maîtrise de l’expression, intelligence de situation…) ne sont pas du tout celles qui font un bon élu (engagement, sincérité, capacité à se remettre en cause, loyauté, intégrité intellectuelle et morale…).

Troisième obstacle. Le caractère confiscatoire du premier critère de la sélection, celui de la motivation préalable. Nous ne choisissons que parmi des candidats qui se déclarent : nous départageons des prétentions. Or, nous passons ainsi à côté de formidables profils qui ne se sont pas positionnés, pour une myriade de raisons, et qui pourraient se découvrir une vocation si nous prenions le temps de les solliciter, de les faire se projeter dans la mission.

Quatrième obstacle. En nous focalisant sur le choix d’un individu, nous oublions que nous allons lui demander de constituer une équipe efficace. Nous sommes aveuglés par des questions de prestance, de pouvoir de séduction, d’autorité apparente : nous n’avons aucun indice qui nous permette de juger de sa capacité à réunir et animer une équipe solidaire, engagée et performante.

Et si on passait par les méthodes d’une « chasse de tête » pour recruter notre Président !

Nous ferions bien de réfléchir à une amélioration de notre méthode de recrutement.

Des Primaires, soit, mais pas pour n’en retenir qu’un(e) : pour sélectionner une short-list, celle des « pourquoi pas ? ». Sur cette base, des professionnels indépendants procéderaient à une évaluation des personnalités en présence, et de leur adéquation avec le poste à pourvoir. Les profils seraient rendus publics, avec pour chacun(e) les lignes de force et les points de vigilance.

Cette adéquation supposerait, d’ailleurs, de s’interroger un peu plus intelligemment sur l’essentiel : un Président de la République est censé définir une stratégie, porter une vision… or, depuis une paire de mandats, il est au mieux question de management et de gestion, au pire d’arrangements et de combinaisons tactiques. A tel point que l’action politique devient illisible, l’engagement politique discrédité.

Approfondir cette question de la mission à conduire permettrait de procéder à une « chasse » et de de faire participer quelques forts potentiels, n’ayant pas la prétention des traditionnels « ego » plus ou moins boursoufflés qui émergent chaque fois.

On peut évoquer une crise de régime, critiquer le mode de scrutin, s’interroger sur l’enjeu constitutionnel mais plus simplement introduire des éclairages professionnels dans un choix majeur :

Le choix est définitif et pour ce poste, pas de période d’essai !

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Stéphane Beder et Frédéric Descrozaille sont consultants chez Selescope, un cabinet de conseil en recrutement et en évaluation des personnels. Ses consultants sont spécialisés et interviennent sur plusieurs domaines allant de l'informatique, au high-tech en passant par les services aux entreprises ou les transports. Les fondateurs de Selescope sont convaincus que la personnalité et le potentiel de la personne, bien plus que sa formation ou son niveau d'expérience, déterminent la réussite d'un individu à son poste.

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