Comment l’IA et le machine learning redéfinissent la santé

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Par Florian Douetteau Publié le 27 novembre 2018 à 5h43
Intelligence Artificielle Machines Humain
1 MILLIARD €Le Leem, syndicat des entreprises du médicament, évalue à 1 milliard d'euros la production d'une nouvelle molécule.

Demain, la fréquence à laquelle on découvrira de nouveaux médicaments sera décuplée. Les produits pharmaceutiques seront de mieux en mieux ciblés, les médecins assistés dans leur prescriptions, et nous serons capables d’identifier les candidats parfaits parmi les volontaires aux essais cliniques. Et cela coulera de source : Big Data, machine learning et intelligence artificielle redessinent les contours de la médecine et de l'e-santé.

Si l’industrie pharmaceutique du XIXème et XXème siècle doit son évolution à l’empirisme, celle du XXIème la puisera dans les données et l’IA. Innovations moléculaires, essais cliniques, distribution et prescription médicale, sont autant de domaines transformés par le machine learning. Grâce à la puissance des algorithmes et à l’abondance des données du secteur de la santé (bases de données, comptes rendus de médecins, objets connectés, études scientifiques, rapports de laboratoires, brevets, données démographiques, environnementales, toxicologiques, pharmacologiques) la pharmacologie est à l’aube d’une nouvelle révolution.

L’industrie pharmaceutique se métamorphose en profondeur

Le machine learning investit le terrain des découvertes moléculaires. Ainsi en croisant des molécules qui, sans le big data et l'IA, n’auraient jamais été associées entre elles, les professionnels trouvent par sérendipité des médicaments qu’ils n’auraient jamais découverts.

Autre grand domaine : les essais cliniques. Toute innovation médicale doit être validée par des essais thérapeutiques longs et coûteux. Le Leem, syndicat des entreprises du médicament, évalue à 1 milliard d’euros la production d’une nouvelle molécule. Or aujourd’hui tous les industriels pharmaceutiques évoquent leurs difficultés à trouver des volontaires satisfaisants cliniquement les critères de sélection et s’engageant sur la durée du protocole. Souvent, ils abandonnent les essais cliniques générant alors des retards de commercialisation des produits et des dépassements de coûts colossaux pour les départements de R & D. Selon l'ISR (Industry Standard Research) à chaque jour de test dépassé, l'entreprise perd jusqu'à 600 000 dollars de ventes pour les médicaments les plus simples et jusqu'à 8 millions de dollars pour les plus complexes. Une étude du Centre Tufts révèle que plus d'un tiers des essais cliniques n'atteignent pas leurs objectifs de recrutement et 11% ne parviennent pas à attirer un seul participant.

Dans un tel contexte, le big data et l’IA constituent un moyen efficace d’identifier des profils ad hoc. Ainsi le traitement automatique du langage naturel extrait des informations issues de rapports médicaux, d’articles, de brevets, d’études, et permet aux entreprises de repérer des profils sous-représentés dans les essais cliniques. Le laboratoire Pfizer utilise cette technologie pour analyser plus d'un million d'articles publiés dans des revues médicales, 20 millions d'abrégés d'articles de revues et 4 millions de brevets pour alimenter sa plateforme analytique dédiée à la recherche en immuno-oncologie.

Une distribution optimisée

Ces technologies sont aussi de puissants outils pour repérer où sont les patients. Expédier des médicaments coûte cher, notamment lorsque les plus onéreux exigent des conditions très spécifiques de transfert (température, rapidité, mode de conservation..). En 2012, la valeur totale du fret pharmaceutique était de 269 milliards de dollars, le fret aérien représentant à lui seul 213 milliards de dollars. Aussi collecter et traiter les données sur les types de pathologies présentent dans le monde permet d’anticiper la demande des produits et de les distribuer de façon ciblée.

Autre application : le réapprovisionnement. Afin de définir le volume de réassortiment nécessaire pour couvrir la demande, les entreprises ont pour habitude de consulter l’historique de leurs ventes et de prévoir la demande en intégrant de nouveaux paramètres (épidémies, variation de température, évènements…). Dans un système traditionnel ces calculs reposent généralement sur des données faussées comme un stock initial insuffisant incitant les acheteurs à se rabattre sur des produits similaires ou des promotions et ne reflétant donc en rien le volume de vente qui aurait pu être réalisé sans rupture de stock. Pour éviter ces dérives, le machine learning s’appuie sur un stock théorique infini, modélise l’impact des promotions, intègre toute une masse de données et, via des algorithmes, calcule le volume de réapprovisionnement pour satisfaire la demande clients.

Le grand bond de l’aide à la prescription médicale

Le machine learning est aussi une aide précieuse à la prescription médicale. Ainsi des algorithmes peuvent révéler l’incompatibilité de deux médicaments prescrits par un médecin, la dangerosité d’une molécule en cas de pathologie chez un patient, ou le dépassement d’une posologie. Le big data et le machine Learning ont également permis de constater en croisant des données que certaines molécules destinées à guérir une maladie pouvaient s’avérer efficaces dans d’autres pathologies.

Enfin, on peut imaginer que le machine learning permette dans le futur plus ou moins proche une pharmacologie personnalisée, c’est à dire des médicaments adaptés à la génétique des patients. Mais cette santé personnalisée ne sera techniquement possible qu’avec de grands volumes de données, des algorithmes performants et une forte puissance de calculs.

Avec l’ampleur du volume de données sur le secteur de la santé, l’industrie pharmaceutique est sans nul doute l’un des domaines moteurs du machine learning. L’industrie pharmaceutique du XXI ème siècle sera orientée données.

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Florian Douetteau est CEO et co-fondateur de Dataiku. Diplômé de l'Ecole Normale Supérieure, il débute sa carrière chez Exalead, qu'il rejoint en 2000 pour mener une thèse sur le développement du langage de programmation Exascript. Il y restera jusqu'en 2011, occupant successivement plusieurs postes de direction et de vice-président dans les domaines de la recherche, du développement et du management de produits. Après un passage chez Is Cool Entertainment en tant que Chief Technology Officer, il intègre Criteo pendant quelques temps comme Data Scientist freelance, avant de se lancer dans l'aventure Dataiku en 2013.

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