Consommer n’est pas en soi un acte économique

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Par Dominique Michaut Publié le 12 janvier 2017 à 5h00
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Le verbe « consommer » désigne bien évidemment un acte économique quand il est utilisé pour nommer le fait d’acheter un service ou un bien.

Ce sens n’en est pas moins qualifié de « spécialisé » par les lexicographes – lesquels y vont au passage de leur obole à la sanctuarisation de la théorisation néoclassique en ajoutant que consommer ainsi entendu a pour raison d’être la satisfaction de besoins. C’est au sens premier d’utiliser, et partant en bien des cas de détruire par l’usage, que « consommer » et « consommation » désignent des faits qui ne sont pas à proprement parler économiques.

Pierrot et Mariette

Pierrot et Mariette entretiennent une dizaine d’arbres fruitiers entre lesquels ils cultivent des légumes et des fleurs. Dans un premier temps, ils ont consommé une part de leurs récoltes et ils ont donné l’autre part. Devons-nous considérer que, déjà sur la première part, Pierrot et Mariette se sont comportés en agents économiques ? Sans aucun doute, ils ont satisfait le besoin d’une activité de plein air et, à raison de la deuxième part, le besoin de rendre bénévolement service. Sans aucun doute, ils se sont donné de la peine et en ont tiré du plaisir. Mais considérer que besoins, peines et plaisirs de Pierrot et Mariette ou de qui que ce soit sont le propre des activités économiques conduit à étendre ces dernières à tout dans la vie de Pierrot, de Mariette et de tout un chacun.

Dans un deuxième temps, Pierrot et Mariette ventilent leurs récoltes en trois parts. Tout en continuant à consommer une part et à donner une autre part, ils se sont mis à vendre des fruits, des légumes et des fleurs de leur jardin. Cette nouvelle activité est de façon incontestable économique. Ce n’est toutefois ni à cause des motivations de Pierrot et de Mariette, ni à cause des considérations très variées des chalands qui prennent pour habitude de se rendre chez Pierrot et Mariette pour leur acheter des fruits, des légumes et les fleurs. C’est tout simplement parce que Pierrot et Mariette se sont mis à vendre pour arrondir leurs revenus. La part de récolte qu’ils ont continuée dans le deuxième temps à donner reste, comme il l’a été dans le premier temps, un transfert économique parce qu’il porte sur des biens ayant une valeur d’échange marchand. Quant à leur consommation d’une part de leurs récoltes, elle a en économie objective le même statut que leur consommation d’oxygène par leurs corps : elles font partie de l’indispensable multitude des actes non économiques.

L’impasse de la société de consommation

Le refus de circonscrire formellement la science économique à ce qui est spécifique à une catégorie précise d’échanges et de transferts sociaux maintient dans une impasse. Les satisfactions et les insatisfactions de besoins, les recherches de plaisirs, les acceptations et les fuites de peines sont indéniables. Toutefois elles ne sont pas propres à la pratique des échanges et des transferts économiques. Sur elles, la théorie économique n’a rien à ressasser qui soit plus éclairé et bienfaiteur que les meilleures synthèses sur la condition humaine.

Les civilisations se régénèrent en exploitant et croisant différents possibles, faute de quoi elles périclitent. La science de la mécanique spécifique aux échanges économiques est appelée à collecter les règles logiques dont l’application tend à rendre les termes de ces échanges égaux, tant par-dessus les frontières qu’au sein chaque zone monétaire. En vue de ces accomplissements, l’économie politique subjectiviste est une impasse, tant par construction qu’au vu de ses résultats destructifs d’autre part. Ce n’est pas parce que le foisonnement de duperies et d’usurpations est inhérent à l’économie de marché. C’est bien, en revanche, parce que le refus de circonscrire la science économique à l’objet qui lui est propre détourne des distinctions et des élucidations sans lesquelles la citoyenneté et la politique demeurent dans l’état que nous leur connaissons. La citoyenneté repose sur une conception de l’économie trop appauvrie en considérants objectifs. La politique économique est mal instruite, le réformisme vire à la bougeotte et au maniement de miroirs aux alouettes. Transmettre aux générations montantes les manques de perspicacité qui ont condamné les générations précédentes à mal soigner ces maux fait partie du pire que nous ayons à léguer.

Le chemin du retour à la confiance dans le futur

Probablement au moins encore pendant des décennies et des décennies, les recherches et les débats sur l’empreinte environnementale et l’empreinte culturelle de l’industrialisme consumériste vont aller grand train. Aujourd’hui où la communication de masse est devenue le bras propagandiste de la consommation de masse, les empreintes qui viennent d’être dites sont d’autant plus inquiétantes qu’elles sont infectées par l’affairisme financier et la propension au gigantisme qu’il excite.

Dans ces conditions, on voit mal comment la mentalité collective parviendra à reprendre confiance dans son futur sans que de plus en plus d’écologues, d’autres technologues puis de journalistes et de politiciens s’appliquent à comprendre quel est le périmètre logique de la science économique de base (Économie Matin du 29 décembre 2016).

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Le champ de l’économie définie ne comporte que deux productions et aucune consommation.

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).

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