Manuel Valls, millionnaire masqué, expert en optimisation politico-fiscale #BESTOF

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 22 juillet 2019 à 17h28

"Manuel Valls, un ministre endetté sans réel patrimoine" titraient nos confrères du Figaro en juin dernier, lors de la publication de la déclaration de patrimoine de Manuel Valls à son arrivée à Matignon. Selon ce document (absent au moment ou nous avions publié cet article, voir plus bas), le Premier ministre ne revendiquait que 93 000 euros d'actifs, le plaçant dans le "peloton de queue" sur le plan patrimonial du gouvernement Valls I.

Avec la nomination du nouveau gouvernement (Valls II) et même si la plupart des ministres sont restés à leur poste, toutes les déclarations de patrimoine ont été retirées du site de la Haute Autorité pour la Transparence de la vie publique, et seront republiées prochainement (https://www.hatvp.fr/pages_nominatives/valls-manuel.html) . Ce qui ne signifie pas pour autant, normalement, que les "anciennes" déclarations, vieilles de quelques mois à peine, étaient fausses. En revanche, à en croire Charlie Hebdo paru jeudi 9 octobre, certaines étaient habilement (et parfaitement légalement) rédigées ! Ainsi, sur celle de Manuel Valls, outre les 93 000 euros d'actifs déclarés (déduction faite de ses dettes, des emprunts), le Premier ministre déclarait posséder un appartement de 88 m2 à Evry, et un autre de 44 m2 à Paris. C'est dans cet appartement parisien du XIe arrondissement (Bastille) que Manuel Valls vit avec son épouse, la violoniste Anne Gravoin. Un premier ministre dans un F2, cela laisse songeur...

Il y avait évidemment un truc, que Charlie Hebdo a révélé dans son édition papier du 1er octobre puis mis en ligne sur son site Internet un peu plus tard : Marié sous le régime de la séparation de biens, Manuel Valls ne possède qu'une seule part de la SCI Homère qui détient l'appartement du XIe arrondissement. Les 99 autres parts (sur 100) sont détenues par son épouse. Mais surtout, la SCI Homère ne détient pas un simple studio de 44 m2, mais 16 lots de copropriété, pour un total de 210 à 250m2, le tout étant valorisé entre 1,6 et 2 millions d'euros !

On se pince à lire le descriptif des lots sur le plan de cadastre. Outre les 4 chambres, ce qui est tout à fait normal sur cette surface, il y aurait également 5 salles d'eau ou salles de bains (soit une par chambre, ce qui est déja assez luxueux) mais aussi.... 7 pièces de sejour, ainsi que 5... cuisines et 2 terrasses ! On imagine aisément que certaines pièces décrites comme "cuisine" dans le cadastre aient pu depuis changer d'affectation. Charlie Hebdo se souvient que Le Point avait qualifié le logement de "bohème". Il n'empêche, le F2 se transforme tout d'un coup en un somptueux appartement (duplex ?) de 11 pièces, 15 si l'on considère qu'une seule cuisine suffit au couple Valls, et que les 4 autres ont été transformées en bureau, salon télé, dressing ou encore buanderie... "On en connaît d'autres qui adoreraient vivre dans une telle bohème" dixit Charlie Hebdo.

La part de Manuel Valls dans la SCI montée avec son épouse ne vaut donc en effet que quelques milliers d'euros, en fonction du montant de l'emprunt probablement contacté par la société civile pour acheter les 16 lots de copropriété. La déclaration de patrimoine de Manuel Valls raconte donc l'histoire d'un homme politique "sans réel patrimoine" comme le disait le Figaro, ce qui est comptablement exact. En revanche, même sous le régime de la séparation de biens, les époux sont solidaires pour un certain nombres de choses, à commencer pour les impôts qui taxent les revenus et les biens du couple, quel que soit le contrat de mariage auquel ils ont souscrit.

Alors, Manuel Valls et Anne Gravoin devraient il payer l'ISF ? A priori, non, s'ils ne possédent absolument rien d'autre (de valeur), ou encore, s'ils sont (lourdement) endettés par ailleurs. L'appartement logé dans la SCI est certes valorisé autour de 1,25 million d'euros (abattement de 30% sur la résidence principale déduit), soit juste sous la limite des 1,3 million, déclenchant l'ISF. Mais la SCI s'est certainement endettée en 2010 pour en faire l'acquisition : Cette dette vient en déduction de l'actif taxable, ce qui "laisse de la place" dans le patrimoine des époux Valls pour posséder d'autres biens. Justement, Manuel Valls a déclaré un appartement de 88 m2 à Evry, dont on ne connaît pas la valeur, mais cela représente tout de même quelques centaines de milliers d'euros, puisque situé en banlieue parisienne (Sud). En fait, pour que les époux Valls ne soient pas soumis à l'ISF en 2015, il faut que leurs dettes (dans la SCI ou ailleurs) soient équivalentes au montant de leurs autres actifs, en dehors de l'appartement du XIe. S'ils possédent pour 600 000 euros d'autres biens immobiliers, , la SCI (ou eux-mêmes directement) doivent être endettés à hauteur du même montant, pour ne pas dépasser le seuil ISF des 1,3 million d'euros.

Au final, la déclaration de patrimoine transmise par Manuel Valls lors de son arrivée à Matignon (et avant, quand il était ministre de l'Intérieur) était manifestement réguliére, mais en revanche, tout sauf sincère ou loyale. Cacher 99 % des parts d'une SCI détenant un actif de près de 2 millions d'euros, en les mettant au nom de sa femme, pour ne pas avoir à en déclarer le montant ou l'existence en tant qu'homme politique est certes permis par la loi. les juges aux affaires familliales connaissent cependant la chanson : lors de la dissolution d'un mariage, on recherche toujours l'origine des fonds ayant servi à l'acquisition des biens detenus en indivision. Anne Gravoin, violoniste, payerait avec ses cachets 99 % des mensualités de l'emprunt de la SCI, et aurait apporté 99 % de l'apport initial? Peut-être... ou peut-être pas. Tout laisse cependant penser qu'il s'agit d'une manoeuvre destinée à "blanchir" Manuel Valls d'une etiquette de bourgeois nanti. C'est sûr qu'il est plus difficile de demander aux français de se serer la ceinture quand on est millionnaire, voire multimillionaire, que lorsque l'on déclare un "patrimoine" de 93 000 euros à 52 ans !

Le patrimoine de François Hollande aussi a été ausculté (pour ce qui en est connu) afin d'estimer s'il aurait du s'acquitter de l'ISF, tant avec Ségolène Royal que Valérie Trierweiler. Plus récemment, c'est Emmanuel Macron dont on s'est demandé pourquoi les 2 millions d'euros (bruts) touchés chez Rotschild ne l'avaient pas soumis à l'ISF les années suivantes... Mais l'intéresssé a expliqué avoir fait d'énormes travaux de rénovation dans sa maison du Touquet. Oubliant cependant au passage que ces travaux, sauf si la maison menaçait de s'effondrer et qu'il s'agissait de la sauver, ont fort logiquement créé de la valeur, et augmenté celle de la maison aux yeux du fisc... Sauf à admettre que ces deux millions d'euros ont été investis dans la maison à fonds perdus.

Déjà publié le 10 octobre 2014

Frederic Legrand / Shutterstock.com

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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