Montebourg achève la recomposition du débat politique en France

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Par Eric Verhaeghe Publié le 25 août 2014 à 11h59

En décidant de passer à l'offensive, ce week-end, en compagnie d'un improbable compagnon de fortune appelé Benoît Hamon, Montebourg a posé à gauche un acte majeur déjà posé à droite (par le Front National) depuis plusieurs années : la recomposition de son camp autour de l'identité nationale.

Jusqu'ici, la thématique de la France en Europe, notamment face à l'Allemagne, n'avait été posée que par Jean-Luc Mélenchon. Et encore sur un mode profondément marqué par la tradition marxiste : Mélenchon se voyait en prophète d'une grande révolution prolétarienne internationale, où la France comme l'Allemagne n'étaient que des théâtres de circonstance.

Avec Montebourg, le problème est posé autrement. Il ne s'agit de préparer une grande union des prolétaires, mais d'affirmer clairement que le destin français passe forcément par une réinvention de l'Europe. Au cœur de cette réinvention, le recalibrage du couple franco-allemand, leit-motiv de la pensée unique bobo, est devenu une thématique majeure.

Dans cette stratégie, l'alliance avec Benoît Hamon est évidemment totalement opportuniste et éphémère. D'abord, il est de notoriété que les deux hommes se détestent, et qu'ils ne portent de toute façon pas le même phénotype. Hamon est un apparatchik du Parti Socialiste, issu du syndicalisme étudiant, et abonné aux circonvolutions propres à son parti. Montebourg n'appartient pas à la nomenklatura d'Etat. Il est ce qu'on peut appeler un bonapartiste de gauche, et il faut lui rendre ce qui lui appartient : il a fait le choix de dévoiler ce bonapartisme sur les ruines laissées par feu le chevénementisme, et dans le couloir abandonné par Mélenchon.

Il est très symbolique de voir, d'ailleurs, que l'aveu de Montebourg se fasse au moment même où Mélenchon annonce une prise de recul. La question de la place de la France en Europe est désormais posée au cœur même de la gauche.

Avec cet événement majeur, la gauche a donc achevé le mouvement que Marine Le Pen a accompli à droite, à cette différence près que Marine Le Pen n'est pas parvenue à « contaminer » clairement l'UMP, alors que Montebourg a installé le débat dans le parti majoritaire.

Désormais, la fracture idéologique en France ne passe plus sur la faille de l'Etat ou du marché, comme certains archontes antiques des partis dominants tentent de le faire croire (probablement parce qu'ils ont fait toute leur carrière dans ce débat-là). La faille sismique est aujourd'hui celle de la France, de son rayonnement international, de sa puissance au fond, notamment face à l'Allemagne.

C'est un particularisme français : en période de prospérité, le débat politique se structure autour des questions économiques. En période de crise, le débat politique revient toujours (c'est une constante depuis 1789) autour de la puissance et du rayonnement.

Montebourg a un mérite : il a dévoilé l'existence de la crise et de sa profondeur, à gauche, et il en révèle le nouveau schisme. Une France qui dominera l'Europe, ou une France qui meurt. La balle est désormais dans le camp des prussophiles.

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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