La Révolution numérique à la française, mythe ou réalité ?

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Par Fabrice Haccoun Publié le 25 juillet 2018 à 5h01
Numerique France Secteur Transition Profits
53,9 milliards d'eurosL'industrie numérique française représentait 53,9 milliards d'euros en 2017.

Notre secrétaire d’État au numérique déclarait récemment que la France était prête à devenir la nouvelle championne du numérique. Une bonne nouvelle, d’autant que la 2e révolution, qui s’amorce autour de la donnée, offre une opportunité unique à notre pays de rattraper son retard dans ce domaine. À condition, toutefois, de s’attaquer aux problèmes de fond, qui freinent aujourd’hui les PME innovantes…

L’industrie du numérique au cœur de la croissance française

Le numérique est ce qui transforme un produit brut (l’informatique, les serveurs, les progiciels, les logiciels…) en un produit à valeur ajoutée. Parler de secteur est donc par trop réducteur. Le mot à utiliser est bien celui d’industrie, avec ses métiers, son écosystème, ses spécificités... Et celle-ci est florissante. En France, elle représentait 53,9 milliards d’euros en 2017, tandis que sa croissance devrait se situer à 3,6% en 2018 : du jamais vu depuis 2011 ! Surtout, elle est créatrice d’emplois, puisque 26 800 entreprises regroupaient 447 000 salariés en 2016. Un chiffre lui aussi en augmentation pour la 7e année consécutive, avec d’importantes intentions de recrutement en 2018.

Il s’agit d’un véritable moteur de croissance pour le pays, impactant tous les secteurs et tous les métiers. D’autant que le développement du numérique est porté par deux grands enjeux, communs à toutes les entreprises françaises : continuer d’exister et être les meilleures, en générant de nouveaux businesses et services, en anticipant mieux les besoins comme les risques.

Amorçage : OK. Croissance : peut mieux faire…

Comment se fait-il alors qu’aucun Facebook, Amazon ou Google ne soit français ? Qu’Israël compte 30 entreprises cotées au Nasdaq, alors que 3 seulement sont hexagonales ? Que le Portugal attire massivement les pépites du monde entier ? Sur le papier, la France du numérique semble pourtant avoir toutes les cartes en main pour décoller : formations réputées en ingénierie, taux record de création de start-up, marché intérieur de 65 millions d’habitants… Malgré cela, la DGSI vient de confier l’analyse massive de données de sécurité nationale à Palantir, une start-up américaine, alors même que l’on connaît les liens qui unissent souvent ces entreprises aux cellules de renseignement de leur pays d’origine !

Si notre terreau est propice à faire germer les jeunes pousses, il semblerait donc qu’il soit stérile dès lors qu’il s’agit d’en faire de belles et grandes plantes. Passé le cap des 10 salariés, les voici engagées dans la « vallée de la mort », où elles se heurtent à l’environnement général des affaires, pour le moins défavorable à la plupart des entreprises et donc aussi à celles du numérique.

Lever les freins pour profiter pleinement des atouts du numérique

Amorcer cette traction économique du numérique, c’est donc d’abord lever les freins connus de longue date (fiscalité trop lourde, instabilité réglementaire et sociale chronique), alors même que les PME ont besoin de visibilité, de flexibilité et de stabilité. Les charges qui pèsent sur les entreprises innovantes rognent sur leurs marges et les empêchent de se constituer les fonds propres nécessaires pour assurer leur pérennité. Mais c’est aussi rétablir l’ordre public sur tout le territoire, car l’insécurité (réelle ou perçue, peu importe) fait aujourd’hui fuir de nombreuses sociétés étrangères, qui préfèrent installer leurs sièges européens dans d’autres pays plus « safe ». Enfin, c’est doter notre pays d’une véritable politique industrielle en la matière et, sur ce point, nous sommes malheureusement encore très loin du compte. En effet, depuis des années, les pouvoirs publics confondent « utilisateurs du numérique » avec « acteurs du numérique ». Dans le même registre, les cours d’informatique à l’école sont en réalité plutôt de la bureautique. Or, le réel enjeu est bien la maîtrise de la technologie. Algorithmie, Machine et Deep Learning, Intelligence Artificielle, réalité mixte, Big Data, Blockchain, etc. Cette dimension est totalement ignorée par les pouvoirs publics, qui se focalisent sur la petite partie émergée de l’iceberg. D’ailleurs, et c’est symptomatique, pour illustrer l’innovation en France, on répond BlaBlaCar et Le Bon Coin…

Le Big Data, une nouvelle révolution à ne surtout pas manquer

La 2e phase de la révolution numérique, dans laquelle nous sommes entrés et qui s’organise autour de l’exploitation des données, nous offre pourtant une chance unique de voir l’innovation à travers un nouveau prisme et de rattraper notre retard. Il s’agit d’un véritable enjeu en termes d’innovation pour nos entreprises et de croissance pour notre pays. Les grands groupes sont dans l’obligation d’exploiter au mieux leurs données pour exister, résister, mais aussi croître. Or, les sociétés les plus innovantes en la matière sont les PME. Il faut donc favoriser les échanges entre ces deux univers, ainsi qu’entre les PME et les services publics.

La profusion d’innovations technologiques citée ci-dessus rend à peu près tout possible. Les grands groupes sont challengés sur le business par leurs concurrents historiques comme par ceux qui émergent. L’économie, ainsi que la souveraineté nationale dépendent désormais du numérique. Le secrétaire d’État a donc raison quand il affirme que la France doit devenir un champion du numérique. Mais la vraie question à se poser est la suivante : Est-elle prête à mener les réformes structurelles nécessaires pour lui permettre de devenir ce champion ?

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Fabrice Haccoun est PDG d’Advanced Schema.

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