Marchés émergents : une capitulation salutaire ?

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Par Michaël Levy Modifié le 27 mars 2014 à 4h20

Avec les récentes tensions qui ont pesé sur les marchés émergents, ces derniers, dont le comportement haussier amplifiait auparavant celui des pays développés, sont désormais en rupture. Cette nouvelle configuration devrait permettre un assainissement des marchés émergents, mais aussi soutenir le transfert de flux vers les marchés matures.

En début d’année, les marchés émergents ont assisté impuissants à des sorties massives de capitaux. Ce mouvement a eu un effet désastreux sur certains pays dont les comptes courants, déjà déficitaires, s’enlisent encore plus. La Turquie et l’Afrique du Sud ont, par exemple, des déficits de la balance courante proches de 6 % du PIB. Corollaire immédiat, les devises émergentes sont dans la tourmente. Depuis le début de l’année, le peso argentin, le rand sud-africain, le peso chilien ou la lire turque sont également sous forte tension, même en dépit d’actions énergiques des banques centrales.

Conséquence, l’indice MSCI Emerging Market est à la peine depuis la première annonce de « tapering » de Ben Bernanke, à l’été dernier. Les flux sortants ont été massifs : selon EPFR Global, les marchés actions émergentes ont souffert d’une décollecte globale de 12,2 milliards de dollars sur le seul de janvier. Pourtant, une analyse des mouvements relatifs entre les différents indices montre que les marchés, qui ont toujours connu des crises de devises émergentes, ont récemment adopté un comportement fort intéressant pour l'avenir proche : nous devrions assister à davantage de discrimination dans les choix d'allocation.

Il y a quelques années encore, la corrélation était très forte entre l'indice des actions émergentes et celui des actions mondiales. Le régime était tel que, quels que soient les moteurs du marché, les actions émergentes offraient une exposition à fort beta aux investisseurs. Dit plus simplement, nous avions été habitués à ce qu'un investissement en actions émergentes permette d'être plus fortement exposé aux actifs risqués internationaux. Le changement de régime est perceptible depuis les plus bas atteints en septembre 2011 et s'est effectué en deux mouvements. Dans un premier temps, la corrélation est restée intacte (les indices ont continué d'évoluer dans le même sens) mais avec une forme d’asymétrie : les marchés émergents ont connu des baisses de plus forte amplitude et des hausses plus modérées, que celles de leurs homologues des pays développés. Dans un second temps, les choses se sont accentuées avec des périodes de baisse des émergents même dans des contextes de hausse mondiale (mars et décembre 2013).

L'explication la plus souvent avancée pour cette rupture est le "tapering" amorcé par Ben Bernanke : une perspective de taux plus élevés aurait un impact négatif direct sur les investissements les plus risqués. Mais la logique n'est pas évidente, puisque les taux bas permettent au contraire de s'exposer davantage à moindre coût sur des actifs risqués à meilleure visibilité, tels que les actions américaines par exemple. D'ailleurs, celles-ci ont largement surperformé l'ensemble des zones géographiques, à l'exception du Japon, pendant la période de "quantitative easing".

Il semblerait plutôt que le rôle des "BRICs" comme moteurs de l'économie mondiale se soit progressivement estompé et que les politiques des banques centrales ont eu de plus en plus d'influence sur les mouvements. Constatant le résultat de cette dé-corrélation qui s'est traduite par une baisse des émergents en 2013, année globalement positive, les investisseurs qui étaient présents sur les marchés émergents pour de mauvaises raisons, c’est-à-dire sans vision structurelle, se sont précipités vers la sortie.
Comme toujours lorsque nous sommes en présence de pertes en série, il est important de rester prudent, mais cette rotation est plutôt une bonne nouvelle. Le régime qui subsistait par habitude plutôt que pour des raisons fondamentales est en train de changer. Cela devrait avoir des effets temporaires favorables aux obligations d’états. A plus long terme, cela rend d’autant plus intéressantes les opportunités sur les actions européennes et américaines.

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 Associé - Gérant de FLEX 360 - Responsable de la Multigestion chez 360 AM.

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