Et si nos politiques s’accordaient sur le cas des fonctionnaires ?

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Par Jean-Paul Gomez Publié le 30 janvier 2014 à 5h30

Hollande a affirmé lors de sa dernière conférence de presse qu’il convenait de diminuer le cout de l’état et des administrations « Trop lent, trop lourd, trop cher ». Quelques jours plus tard, Valérie Pécresse, dans une interview à RTL, affirmait "Nous considérons qu'il faut qu'on dépense moins d'argent et augmenter le pouvoir d'achat. Cette proposition des 39 heures payées 37 heures et demie permettrait d'augmenter le temps de travail de 10 % dans la sphère publique".

Que signifient ces deux propos et sont-ils convergents ? Ces deux propos expriment en fait la même chose : « le rapport entre le coût de l’administration et le service rendu aux citoyens se dégradent et il convient de le rectifier ». Derrière, se dissimule le même constat : l’inégalité de traitement des salariés travaillant dans les sphères publiques et privées. Effectivement sous-jacent aux deux affirmations rentrent un ensemble d’éléments qui aboutissent à un sentiment d’injustice pour les salariés du secteur privé par rapport à ceux du secteur public : le régime de retraite, le temps de travail, montant des retraites par rapport aux montants cotisés, la problématique de la rentabilité et de la compétitivité de ces activités au regard de l’évolution des techniques mises à disposition, etc..

Sachant que c’est l’argent gagné et redistribué par les entreprises du secteur privé qui permet de financer l’activité des administrations et des services publics, François Hollande et Valérie Pécresse ne nous disent pas moins qu’il convient de remettre de l’ordre dans le rapport d’équité et de traitement de rémunération globale des salariés des deux secteurs. De même, les services rendus par les administrations et leur cout et la rentabilité entre les deux secteurs doivent être comparables. Voilà ce que nous disent ces deux acteurs politiques. L’un président de la République, l’autre membre du principal parti d’opposition.

Les fonctionnaires Français sont-ils si mauvais ou si fainéants que cela ? Qui se cache en fait derrière les fonctionnaires ? Les fonctionnaires sont 5 493 200 salariés du secteur public qui gère les fonctions régaliennes du pays. Ils sont les enseignants, les personnels hospitaliers, les personnels des administrations publiques, ceux qui s’occupent des routes, de l’environnement, de la santé publique, de la cohésion sociale, de la sécurité intérieure et extérieure, etc… Tous ces corps de métier ne sont pas déficients. Ils montrent même une efficacité certaine. Les carrières dans la fonction publique sont liées à plusieurs éléments : un faible niveau de rémunération, la garantie de l’emploi, des conditions de retraite avantageuse au regard des autres régimes, des accès à des avantages sociaux facilités.

Compte tenu de l’évolution de la société (26 293 700 emplois en France), ils représentent aujourd’hui un peu plus de 20 % de la population. Derrière ces 20 % de la population, il y a le cout direct des traitements des fonctionnaires et les couts indirects des matériels et infrastructures nécessaires à leur activité. Il faut également rajouter le cout des retraites et des maisons de retraite, les couts des formations, (etc…) dédiés aux fonctionnaires… Cet ensemble va constituer l’ensemble de ce « trop cher » que Valérie Pécresse ignore en fustigeant le temps de travail.

Les réformes successives (justice, santé, administration fiscale, …) entreprises sous la présidence de Nicolas Sarkozy avaient pour but de rationnaliser les services rendus par les fonctionnaires en diminuant le nombre d’infrastructures nécessaires à l’exercice, d’une part et d’autre part, à une réadaptation de la répartition de ces services en fonction de l’évolution de la démographie. D’autre part, le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux avait pour but de faire baisser la masse salariale des administrations. Aujourd’hui, malgré cela, le problème persiste et le diagnostic est le même : trop cher, trop lourd, trop lent.

Il est à noter qu’une divergence de point de vue existe entre les deux opinions exprimées : comment traiter ce mal ?

Pour François, le problème vient entre autres des mille-feuilles administratifs et politiques. Cette situation peut être combattu en fédérant les divisions administratives, idée que l’on a vu apparaitre par exemple dans le cadre de la réorganisation des régions, des départements, des cantons voire des communes ou bien dans le cadre de la restructuration des centres hospitaliers. Dans un second temps, viendra la réorganisation du travail des fonctionnaires.

Pour Valérie, la première chose à faire consiste à faire travailler les fonctionnaires plus en les payant de la même façon.

Dans la déclaration de Valérie apparaît un élément étonnant : « (…) Il faut dépenser moins et augmenter le pouvoir d’achat. (…)». Tout le monde est d’accord avec cette réflexion. Le problème est qu’augmenter le temps de travail sans augmenter le salaire ne fait pas augmenter le pouvoir d’achat. Donc, il manque dans sa déclaration cette partie. Faire augmenter la productivité d’un fonctionnaire se fera-t-elle uniquement en lui disant de travailler 39 heures ? Autre question à laquelle aucune réponse n’est apportée. Il y des métiers dans lesquels il est aussi assez déconseillé d’augmenter outrageusement le temps de travail, par exemple les infirmières. Pour qui s’est fait poser une intraveineuse comprend tout à fait qu’une infirmière après 24 Heures de garde ne pourra pas envisager de faire une heure de travail supplémentaire sans mettre en danger la vie du patient… donc, Valérie suit François en proposant une solution qui n’en sera peut-être pas une, car les besoins en prestation publique de la population ne vont pas augmenter pour autant. Cela risque de créer un nouveau sentiment diffus de fainéantise des fonctionnaires qui seront inactifs (peut-être) le temps de présence supplémentaire.

Donc d’accords sur le fait qu’il existe un problème relatif à la charge que représente l’administration en France, ils se séparent sur le mode de traitement. Il est certain que quel que soit le gouvernement qui sortira des urnes aux prochaines élections, les fonctionnaires et les administrations publiques devront réaligner leur situation par rapport aux salariés du secteur privé, ne serait-ce que pour éviter une crise sociale.

La problématique à résoudre aujourd’hui est plus complexe qu’un « yaka » et devrait faire l’objet d’un choix difficile pour ces millions de personnes, qui, quoi qu’en en dise, apporte tous les jours des solutions. Ces derniers temps, il est vrai que certaines lourdeurs ont dégradé la qualité du service rendu. Tiens, tentons de donner un axe de réflexion à François et Valérie car c’est bien commun que ces services apportés : «  Adaptons les administrations dans leur organisation, leurs principes et ses salariés dont les structures datent dans le meilleur des cas de la fin des années 60, pour le pire de l’époque Napoléonienne, aux technologies disponibles pour les rendre encore plus efficaces qu’elles ne le sont aujourd’hui. » Car quel pays peut se vanter d’avoir un réseau routier, un système éducatif, une santé, une sécurité aussi développés que ces services le sont chez nous. Peu !! Nous avons besoin de fonctionnaires efficaces, diligents, et dont la qualité de service est en regard du prix payé. Il y donc bien un accord entre François et Valérie, mais ils se séparent sur les moyens de le faire vivre. Il serait temps qu’ils comprennent que cela est du ressort de notre intérêt à tous et qu’ils se mettent d’accord.

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Jean-Paul Gomez est économiste. Il est également auteur de nombreux articles parus dans la presse.

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