Emprunts toxiques : élus qui rient, banques qui pleurent…

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Par Laure De Charette Modifié le 17 avril 2013 à 3h44

Les élus ont eu froid dans le dos. Encore un peu et les emprunts toxiques que des centaines d'entre eux avaient cru bon de souscrire auprès de banques en réalité peu scrupuleuses étaient validés sur le plan légal. C'est ce qu'ils craignaient, après des informations parues la semaine dernière dans Le Figaro. Que nenni : Bercy leur a promis hier qu'il n'y aurait pas de loi de « validation ». En somme, les élus pourront donc tenter de se débarrasser de leurs emprunts toxiques en attaquant en justice les fameuses banques. Une centaine de contentieux judiciaires sont justement en cours.

L'affaire remonte au début des années 1990. Des élus se voient alors octroyer des prêts à des taux fixes incroyablement bas (moins de 2%) pendant quelques années, avant qu'ils ne s'envolent quand ils deviennent variables. Ces nouveaux taux ne sont pas indexés sur l'inflation, comme c'est traditionnellement le cas, mais sur l'évolution des parités de change entre différentes monnaies, le yen, le dollar, le franc suisse, etc. "Des indices totalement exotiques, comme l'explique l'association Acteurs publics contre les emprunts toxiques, par rapport à la vie d'une collectivité locale, dont les budgets sont libellés en euros !" Aujourd'hui, les renégociations avec les banques s'avèrent d'autant plus difficiles qu'elles ont entre-temps revendu sur les marchés financiers les produits vendus aux organismes publics pour couvrir leur risque. Résultat, les remboursements plombent les comptes et grèvent les budgets. Impossible de s'en débarrasser : il faudra rembourser, parfois au-delà de 2030.

Mais le 8 février dernier, une brèche s'ouvre : le tribunal de grande instance de Nanterre annule les taux d'intérêts de trois prêts contractés par le conseil général de Seine-Saint-Denis auprès de la banque Dexia. Non pas tant d'ailleurs parce qu'il les considère comme usuraires mais en raison tout simplement d'un vice de forme. Toujours est-il que le tribunal ordonne que les taux en cours, qui avaient atteint des proportions anormales, soient remplacés par le taux légal.

Le gouvernement, qui a reçu hier les représentants des élus concernés, vient donc de creuser cette brèche, au grand dam... des banquiers ! Ces derniers sont donc priés de faire rapidement des propositions "sérieuses et attractives" aux collectivités. Au total, l'addition pourrait être comprise entre 10 et 20 milliards d'euros pour les banques. Mais aussi, et c'est là que les choses se compliquent, pour l'Etat : une partie de ces prêts, pour un montant d'environ 6 milliards d'euros, avaient en effet été consentis indirectement sur fonds publics... En somme, si des élus obtiennent gain de cause, le contribuable va devoir régler une partie de la facture.

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Journaliste depuis 2005, Laure de Charette a d'abord travaillé cinq ans au service France du quotidien 20 Minutes à Paris, tout en écrivant pour Economie Matin, déjà. Elle est ensuite partie vivre à Singapour en 2010, où elle était notamment correspondante du Nouvel Economiste et où elle couvrait l'actualité politique, économique, sociale -et même touristique !- de l'Asie. Depuis mi-2014, elle vit et travaille à Bratislava, en Slovaquie, d'où elle couvre l'actualité autrichienne et slovaque pour Ouest France et La Libre Belgique. Elle est aussi l'auteur de plusieurs livres, dont "Chine-Les nouveaux milliardaires rouges" (février 2013, Ed. L'Archipel) et "Gotha City-Enquête sur le pouvoir discret des aristos" (2010, Ed. du Moment). Elle a, à nouveau, rejoint l'équipe d'Economie Matin en 2012.

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