L’entretien annuel d’évaluation a-t-il encore sa place au sein de nos entreprises ?

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Par Anne-Sophie Vasseur Publié le 16 février 2020 à 6h41
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65%Une équipe intergénérationnelle permet de moderniser le travail selon 65% des entreprises.

En entreprise, le mois de janvier marque traditionnellement le lancement de la saison des entretiens annuels d’évaluation. Exercice périlleux, attendu avec anxiété par les collaborateurs et parfois tout autant redouté par les managers, ce rituel est actuellement de plus en plus décrié. Au-delà de son aspect chronophage, on lui reproche notamment d’être désormais inadapté face aux nouveaux modes de travail et aux attentes des nouvelles générations de collaborateurs. Mais alors, ce sacrosaint rendez-vous est-il nécessairement voué à disparaître ?

L’entretien annuel d’évaluation, un rendez-vous ancré dans la culture des entreprises

S’il n’est pas obligatoire (contrairement à l’entretien professionnel, qui s’impose à toutes les entreprises et doit avoir lieu tous les deux ans), l’entretien annuel d’évaluation est néanmoins fortement ancré dans la culture des entreprises françaises, pour qui ce rendez-vous formel d’échanges entre manager et collaborateur fait figure de rituel, de passage obligé.

Un moment qui n’en demeure pas moins particulièrement anxiogène pour les salariés, comme le prouve la quantité impressionnante d’articles que l’on peut trouver sur le thème « comment réussir son entretien annuel ? »… Car ce rendez-vous n’est pas à prendre à la légère : il est l’occasion de dresser un bilan de l’année écoulée, mais aussi de définir les objectifs de la période à venir.

Un exercice donc, qui ne s’improvise pas. Du côté du collaborateur, celui-ci doit réaliser un important travail de préparation, d’auto-évaluation et d’introspection afin d’analyser ses principales réussites et les éventuelles difficultés rencontrées. Il doit aussi définir ses axes d’amélioration et les points sur lesquels il pense avoir besoin d’un accompagnement ou d’une formation. Le manager doit quant à lui baser son évaluation sur des faits concrets, être à l’écoute et en mesure de proposer des axes de développement pour l’année à venir.

Pourtant, un temps fort de plus en plus critiqué

Pour autant, ce rendez-vous, jusqu’alors « incontournable » dans la vie des entreprises, est aujourd’hui attaqué de toutes parts. Et cela, pas uniquement pour son côté chronophage, qui en fait un pensum aussi bien pour les managers que pour les collaborateurs…

On lui reproche ainsi son format quelque peu « dépassé », inadapté face aux récentes évolutions du monde de travail. En effet, les entreprises, et ce quel que soit leur secteur d’activité, travaillent de plus en plus en « mode projet », en mode agile. Les collaborateurs sont parfois amenés à mener de front plusieurs projets, et donc à avoir différents managers (un par projet), rendant cette vision de l’entretien « top – down » quelque peu obsolète…

Inadaptation également face aux nouvelles attentes des collaborateurs. Les nouvelles générations, plus mobiles et « volatiles », n’ont désormais plus peur de quitter une entreprise dans laquelle ils ne parviennent pas à s’épanouir. Les employeurs doivent donc non seulement attirer ces talents, mais aussi savoir les garder, et donc les écouter, répondre à leurs besoins, les faire évoluer au sein de la structure. Ces nouveaux arrivants se remettent régulièrement en question, ils ont besoin d’avoir le sentiment de progresser, et réclament des échanges réguliers avec leur manager, sans attendre le point annuel.

Enfin, l’entretien annuel est souvent perçu comme un moment peu qualitatif, au cours duquel le manager endosse son costume de « père Fouettard » pour juger le travail du collaborateur, qui quant à lui tente, tout au long de leur échange, de démontrer par A + B que son implication et son investissement au sein de l’entreprise justifient une petite augmentation de salaire…

Face à la transformation numérique des entreprises, la nécessaire évolution des entretiens annuels

Face à ces critiques et interrogations, faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Personnellement, je ne le pense pas.

Il me semble plutôt nécessaire de repenser ce temps fort, de le faire évoluer pour qu’il soit davantage en adéquation avec les nouveaux besoins des structures et les nouveaux rapports au travail.

S’il est source d’anxiété pour les collaborateurs, l’entretien annuel a pour vocation à être un moment d’échange privilégié avec leur manager. Bien utilisé, il permet de mieux cerner les attentes et besoins du collaborateur, afin de l’accompagner dans son développement personnel et professionnel. Car c’est bien là l’une des clés de la réussite d’un entretien annuel : le manager ne doit plus apparaître comme celui qui va « fliquer » le salarié, mais plutôt devenir son coach, celui qui va lui permettre de progresser, qui va faciliter sa mobilité interne.

Ainsi, ce rendez-vous ne doit pas uniquement avoir vocation à dresser le seul bilan de l’année écoulée. Il doit aussi être le moment où l’on pose des jalons pour la suite, celui où manager et collaborateur échangent ouvertement et librement quant à la façon dont ce dernier se voit évoluer au sein de l’entreprise, mais aussi quant à ses besoins, notamment en termes de formation, pour y parvenir. A son issue, tous deux doivent avoir une vision claire des « next steps », et les respecter par la suite. Alors, le collaborateur n’aura pas l’impression que tout cela « n’a servi à rien ».

L’entretien d’évaluation doit aussi s’adapter aux nouvelles façons de manager, et donc accorder davantage d’importance aux feedbacks réguliers. Ainsi, un nombre croissant d’entreprises ont décidé de conserver ce rendez-vous annuel, mais de le rendre plus qualitatif en organisant, en complément, des évaluations à mi-année, mais aussi des feedbacks « au fil de l’eau », à 360°, afin de s’adapter aux équipes fonctionnant en mode projet.

Dans le cadre de ces évaluations à 360°, le collaborateur peut avoir un retour des collègues avec qui il a travaillé, et donc de ses pairs, mais aussi, dans certains cas, de ses clients ou fournisseurs. On est donc au-delà de la seule évaluation par le N+1, ce qui permet d’avoir une meilleure idée de l’engagement et de la performance du collaborateur. Multiplier ainsi les temps d’échanges et de feedbacks favorise la prise de recul : le collaborateur n’est plus dans une situation de « jugement » par son seul supérieur hiérarchique, il a une vision plus globale de ses forces et de ses éventuels axes d’amélioration.

Encourager le dialogue, démultiplier les échanges collaborateurs – managers, favoriser le feedback continu, être davantage à l’écoute des attentes des nouvelles générations… Et si, face à la transformation digitale de nos entreprises, le secret de l’épanouissement de l’ensemble des collaborateurs résidait tout simplement dans le fait de replacer l’humain au cœur du process de management de la performance ?

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Co-fondatrice et CEO de Javelo

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