L’épanouissement au travail dans le secteur du retail : mission impossible ou enjeu stratégique ?

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Par Marion Oliveira Modifié le 24 septembre 2019 à 17h40
France Absenteisme Entreprises Salaries
108En France, le coût de l'absentéisme au travail a été évalué à 108 milliards d'euros par an, d'après l'institut Sapiens.

Publié le 26 août dernier, le rapport annuel sur l’absentéisme au travail de Gras Savoye Willis Towers Watson révélait une nouvelle hausse de l’absentéisme en France entre 2017 et 2018. Dans le secteur du commerce de détail, le taux d’absentéisme est de 4,86 %2, un taux plus élevé que la moyenne nationale et en constante augmentation. Cette situation n’est pas sans conséquence sur les structures, notamment d’un point de vue financier. En 2018, l’institut Sapiens avait ainsi évalué le coût de l’absentéisme en France à 108 milliards d’euros par an. Désengagement, impression d’un manque de considération ou encore perte de sens du salarié pour son travail, les explications à ce phénomène ne manquent pas. Cependant, challengé par des pure players aux structures de coûts plus optimales, le secteur du retail a-t-il encore les moyens de mettre l’humain de côté ??

Pour une organisation, miser sur l’humain nécessite d’avoir du temps : du temps pour encadrer, pour écouter, pour accompagner, pour former, pour valoriser, mais aussi du temps pour gérer toutes les problématiques inhérentes aux ressources humaines (changements de planning, absentéisme, turnover…). Malheureusement, dans le secteur du retail, le temps est une denrée rare, et sans doute la ressource dont on manque le plus. Laissez-moi vous livrer quelques exemples concrets… Culturellement, dans le commerce de détail, on a peur de la hiérarchie : combien de managers ont passé des heures, voire des jours, à mobiliser leur équipe parce qu’un « big boss » venait visiter le magasin ? Ces heures ne trouveraient-elles pas meilleure utilité, par exemple pour accompagner, former son équipe et préparer la visite… des prochains clients ? Et justement, puisque l’on parle formation : combien de fois un nouveau client est-il arrivé en magasin en demandant des précisions sur un nouveau produit, produit sur lequel le collaborateur n’avait pas encore été formé, faute de temps ?

Pour parvenir à tirer leur épingle du jeu face aux mastodontes du digital, les distributeurs devraient peut-être envisager de changer de méthode et de se recentrer sur leurs clients. Leur client principal, celui auquel toutes les ressources internes sont dédiées, ne devrait-il pas en effet être le consommateur final ? Plus précisément, les collaborateurs ne devraient-ils pas travailler avec pour objectif premier de satisfaire ce consommateur final, et non plus le « big boss » ? Mais pour que cette transition puisse se faire, pour que les cultures puissent évoluer et s’orienter véritablement vers le client, il faut que l’ensemble de l’équipe puisse se rendre plus disponible et reporter son attention vers ce dernier…

Or il ne faut pas se leurrer : dans le commerce de détail, les managers passent leur temps à tenter de solutionner des problèmes de qualité, de logistique… et d’effectif. L’absentéisme et le turnover sont en effet les gros fléaux du secteur. Les responsables doivent donc, en permanence et souvent dans l’urgence, réorganiser les équipes afin de pallier le manque d’effectif sur tel ou tel rayon, voire rechercher puis former la nouvelle perle rare qui rejoindra les troupes. Sauf que, tous concentrés qu’ils sont à résoudre ces problèmes, ces managers en oublient l’essentiel : s’occuper de leurs équipes ! Une sensation de délaissement qui favorise le désengagement des salariés… Ces mêmes salariés qui sont au contact direct des clients.

Certaines enseignes ont créé le management de la considération, avec une plus grande implication des équipes dans les décisions. Mais après tout, n’est-ce pas logique que cette prise de décision se fasse davantage au niveau de ceux qui côtoient chaque jour directement les clients ?

Face à la concurrence acharnée des pure players, dont les structures de coûts sont plus allégées, les acteurs de la distribution sont tous en train de réduire leurs frais de personnel, afin de rester compétitifs. En parallèle, pour se démarquer de ces mêmes pure players, les distributeurs n’ont d’autre choix que celui de davantage choyer leurs clients… Leur seule option est donc d’apprendre à (re)faire confiance à ceux qui les connaissent le mieux, qui travaillent au plus près d’eux : leurs équipes. Dès lors, il est indispensable que ces dernières soient motivées, impliquées et volontaires…

Cette transformation, en cours chez certaines enseignes, est déjà pleinement réalisée chez d’autres. Prenons ainsi l’exemple de Décathlon, qui s’est classée l’an dernier, pour la deuxième année consécutive, en tête des entreprises les plus plébiscitées par leurs salariés, et qui pourrait donc faire figure de « cas d’école » pour le secteur. Quelle est leur recette pour susciter autant l’engouement et l’adhésion de leurs collaborateurs ? Je pourrais la résumer en quatre mots : bienveillance, autonomie, évolution et convivialité. Mais ce serait alors oublier un autre élément qui me semble essentiel : la raison d’être de l’enseigne. Quel que soit son niveau hiérarchique, chaque collaborateur de Décathlon partage une même raison d’être, celle de rendre accessibles au plus grand nombre le plaisir et les bienfaits du sport. Et c’est pour moi cela, la vraie clé de leur succès. Tous ces collaborateurs savent ce pourquoi ils se lèvent chaque matin. Ils ont tous cette même envie de partager, auprès de leurs clients, leur passion du sport.

Vous l’aurez compris… Non seulement s’épanouir au travail n’est plus aujourd’hui une mission impossible, mais c’est même devenu une nécessité, un enjeu stratégique pour le secteur du retail. En favorisant le bien-être de ses employés, en construisant avec eux la raison d’être qui les motivera chaque jour à donner le meilleur d’euxmêmes pour satisfaire au mieux les clients, on met en place un cercle vertueux. Ces mêmes collaborateurs, considérés et valorisés, pourront alors devenir véritablement acteurs du développement de l’entreprise et créateurs de valeur. Et vous, êtes-vous prêts au changement ?

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 CEO et co-fondatrice de la start-up Merito.  Après des études à Dauphine, Marion débute sa carrière en tant que consultante en transformation digitale chez Capgemini Consulting. Elle rejoint ensuite Leroy Merlin en tant que manager terrain, une fonction qui la place quotidiennement face aux problématiques d'absentéisme en magasin, avec tous les impacts que cela peut avoir sur le chiffre d’affaires. C’est riche de cette expérience et avec la volonté de proposer de nouvelles solutions aux acteurs du retail qu’elle choisit en 2016 de cofonder, avec Pierre Maury et Edouard Baudry, la start-up Merito, une plateforme digitale dont la mission est de permettre aux retailers d’augmenter la productivité des équipes sur le terrain, tout en optimisant les coûts.

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