Faites votre testament (et pas que) !

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Par Virgile Delporte Modifié le 7 novembre 2019 à 13h12
Heritage Renonciation Enfants Avantage Fiscalite
90%90% des Français décèdent sans laisser de testament.

Les choses semblent figées. Déjà, il y a quelques années, je m’étonnais de la situation. Dans neuf cas sur dix, les successions en France se font sans testament. Pour quelles raisons ? Quels sont ces freins qui empêchent un geste aussi simple que la rédaction d’un testament, et plus globalement de préparer sa succession et de protéger ses proches ?

Incontestablement, la mort reste tabou pour beaucoup, et rares sont ceux qui acceptent de se projeter dans un monde dont ils sont absents. Mais l’explication n’est-elle pas ailleurs ? Dans la conviction de beaucoup qu’ils n’ont pas assez pour qu’un testament puisse se justifier ? Dans la certitude que les choses sont déjà tracées et que nul n’a vraiment la possibilité de prendre la main et de « personnaliser » sa succession ? Ou dans la peur, réelle ou fantasmée, d’une lourde fiscalité à laquelle ils cherchent à échapper ?

Impossible de cerner avec certitude ces raisons qui font que 90 % de nos concitoyens disparaissent sans laisser de testament. En revanche, une chose est certaine. Pour inverser cette mécanique funeste, il est essentiel d’informer tout un chacun, de faire de la pédagogie. Car, faire son testament est sans conteste le meilleur moyen d’avoir connaissance de son patrimoine et de faire les meilleurs choix pour soi et pour ses proches, de son vivant et tout au long de sa vie.

En finir avec les préjugés

Commençons par démonter une idée reçue. Préparer sa succession n’a rien de complexe. Rien de plus simple que de faire un testament, dans la majorité des cas. Tout d’abord, et même si on ne peut que recommander de faire appel à un notaire, rien ne vous y oblige. Si vous décidez d’y aller seul, il s’agira d’un testament olographe que vous devrez rédiger à la main, dater et signer. Si vous choisissez de vous faire accompagner par un notaire pour sa rédaction, il s’agira soit d’un testament olographe, également le plus courant, soit d’un testament authentique. Il vous faudra ensuite choisir de l’enregistrer chez votre notaire – ou sur une plateforme en ligne – ou pas, en pensant bien, dans ce cas, à prévenir vos proches de son existence… Quelle que soit l’option choisie, le coût reste lui marginal au regard de la sérénité que vous gagnerez.

Autre préjugé bien ancré dans l’inconscient collectif : la fiscalité. À en croire une étude récente menée par le Credoc pour le compte de France Stratégie, beaucoup de nos concitoyens semblent ignorants et imaginent un système quasi confiscatoire. Or, la réalité est toute autre. Si l’aversion des Français pour la fiscalisation des successions est avérée, deux exemples illustrent à merveille ce décalage :

Les personnes interrogées sur la succession entre conjoints fixent en moyenne son taux à 22 %. Ahurissant quand on sait qu’il est en réalité nul depuis 2007.

Si on leur demande d’estimer le taux moyen pour la transmission en ligne directe. L’estimation moyenne est supérieure à 10 % alors que la réalité, en 2016, se situe autour de 3 %. Pas étonnant puisque beaucoup ignorent que, dans ce cadre, les 100.000 premiers euros transmis ne sont pas imposables.

Le testament c’est maintenant !

Qu’on le veuille ou non, la succession nous concerne tous un jour ou l’autre. Toujours selon la même étude du Credoc, 33 % des Français ont déjà bénéficié d’une transmission (supérieure à 5.000 euros). Preuve qu’elle est même une préoccupation pour la plupart d’entre nous, nous sommes 70 % à espérer transmettre un capital à nos proches.

Il est pourtant frappant de constater, à l’inverse, le décalage qui existe chez les Français entre leur connaissance de leur patrimoine financier – économies, placement, épargne salariale, etc. – et leur relative ignorance de leur patrimoine successoral. Prenons l’exemple de Pierre, propriétaire d’un appartement de 65 mètres carrés à Paris. Pierre a bien sûr connaissance de sa valeur potentielle à la revente. Mais que sait-il de sa valeur successorale, des frais dont ses ayants-droits devront s’acquitter s’il disparaît ? Que se passe-t-il pour le capital qui resterait à rembourser à la banque ? Qui hériterait : sa femme, ses enfants, son ex-femme ? Beaucoup de questions auxquelles il ne sait pas répondre.

On le voit, impossible de ne pas s’intéresser à sa succession, de se dire « après moi le déluge ». Et ce n’est pas qu’une histoire d’argent. Transmettre, c’est beaucoup plus qu’un capital financier. Faire un testament c’est transmettre un capital familial – meubles, photos, livres, etc. – et des souvenirs qui n’ont pas de prix ; c’est choisir et partager en amont pour éviter les tensions et les déchirements entre proches.

Faire son testament, c’est aussi se protéger soi-même et les siens. C’est anticiper, prévoir les surprises et les accidents de la vie. Prenons un couple. Peu importe son statut. Inévitablement vient la question de la succession en cas de disparition de l’un ou l’autre. Comment se protéger mutuellement ? Faut-il prévoir une donation au dernier vivant ? Comment protéger ses enfants ? Les clauses bénéficiaires des contrats d’assurance vie ou de prévoyance sont-elles à jour ? Les questions sont nombreuses et demandent une réponse. Le testament est source de sérénité.

Mais, préparer sa succession, c’est aussi se donner l’opportunité de choisir, de marquer son attachement à une personne (hors ligne directe par exemple) ou à une cause – via une ONG, une fondation ou une association – par le biais d’un legs. Quelle que soit votre situation, vous disposez de la quotité disponible qui vous permet d’attribuer une part de vos biens à une personne physique ou morale de votre choix. Le pourcentage est bien entendu fixé par la loi qui veille à ce que vos ayants droits ne soient pas lésés.

Enfin, puisque votre vie sera longue et belle, préparer sa succession c’est connaitre et maitriser votre patrimoine tout au long de votre existence, en modifiant, en ajustant et en mettant à jour votre testament et ses différentes dispositions. Pour être certain, par exemple, que le ou la bénéficiaire de vos assurances-vie est encore le bon, trente ans après avoir souscrit. À moins que vous ne souhaitiez faire plaisir à votre première fiancée, à votre premier mari ou à votre père disparu bien avant vous… Votre vie n’est pas un long fleuve tranquille. Votre testament et l’ensemble de vos dispositions doivent lui ressembler.

Si la loi Pacte est venue récemment rebattre quelques cartes sur la transmission d’entreprise en la rendant plus simple et moins taxée, une chose est sûre : ce n’est pas d’une nouvelle loi dont nous avons besoin. Tout est déjà là. C’est à chacun de prendre conscience de l’importance de la succession et du testament. A nous professionnels de rompre le silence en informant et en faisant preuve de pédagogie. Car, à défaut de prolonger notre vie, le testament, et l’anticipation au sens large, ont la vertu de la rendre plus sereine.

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