Quand l’infirmière s’en va en guerre

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Par Jean-François Bouscarain Modifié le 30 mai 2020 à 8h55
Infirmiers Liberaux
127.747La France compte 127.747 infirmiers libéraux.

Qu’auriez-vous choisi à notre place ? Partir à la guerre sans arme ou vous y rendre et découvrir, au moment de dégoupiller, que l’arme est grippée ? Voilà qui résume bien le dilemme des 18.000 infirmiers libéraux d’Occitanie.

Pourtant, la « vocation de l’autre », comme j’aime l’appeler, ne fait pas de nous des kamikazes ou des adeptes du Harakiri version COVID-19. Non, elle nous pousse à aller au front et, à défaut d’artillerie suffisante, à nous battre avec nos propres armes, à nos corps défendants. Des corps déjà bien épuisés d’ailleurs…

Covid l’a fait : la fatigue des technocrates apparaît en plein jour

« Buzyn a tardé à parler », « L’Etat aurait du composer des stocks », « C’est la faute aux Chinois »… Ça tape dans tous les sens, mais l’heure n’est pas à la chasse aux sorcières, elle est à l’urgence sanitaire, à l’approvisionnement en masques et autres équipements de sécurité ! Suffit de bricoler des masques avec 3 élastiques et un chiffon ! Il faut des stocks en masse et une administration « chef des armées » capable d’assurer un commandement digne de ce nom pour le deuxième volet : « le déconfinement », qui une fois encore va se faire avec et par les Infirmières Libérales.

Les infirmiers libéraux s’en vont en guerre pour de long mois. Leur chant martial ? « Les experts du domicile, c’est nous ! ». Je l’ai martelé, lassé de voir les grands principes, les doctrines des bureaux écraser une fois encore le bon sens, celui du terrain, celui de ceux qu’on sollicite aujourd’hui de toute part pour écouter leurs solutions miracles. Comme si la masse invisible des soignants devenait soudainement visible !

Le coronavirus nous offre une tribune et fait renaître l’espoir qu’on écoute enfin nos recommandations en matière de télé-soin, de protocoles, d’outils nouveaux… Le coronavirus démontre que l’Infirmiere Libérale est responsable et agile, et mérite mieux que cette volonté permanente de nous voir administrés ! Osons rêver, osons prendre du galon. D’autant qu’on ne peut s’y résoudre : les infirmier(e)s libéraux, sont la seule réponse en cas de très forte pandémie, les seule(e)s qui ont le savoir-faire du domicile, de la vie à la mort ! Ou plutôt « à la vie, à la mort » devrais-je dire…

Début de la guerre de tranchée

Mais le pire, car il y a pire, c’est que les idées moribondes courent. À une vitesse folle… Plus rapides que le Covid ! Je parle de ces « déserteurs du soin » qui voudraient inventer de nouveaux modèles pour salarier nos exercices, avec comme concept permanent du paiement à la capitation. Honte à eux : ils s’acharnent en cette période de « guerre », au pied des ministères en feu, pour faire avancer en douce leurs petits idéaux destructeurs et dégommer les infirmiers libéraux qui ne ne rentreraient pas dans les rangs… Qu’ils n’oublient pas la détermination des infirmier(e)s à rester libres. Qu’ils n’oublient pas qui jouera le plus grand rôle dans la réforme du grand âge qu’appelle de ses vœux notre président… Qu’ils ne s’aventurent pas à réécrire l’histoire ! Sourds hier, les technocrates qui tendent l’oreille aujourd’hui, redeviendront sourds demain, c’est certain. Mais ce qui ne tue pas rend plus fort. Et en rentrant du champ de bataille, ce que nous attendons, nous infirmiers, ce ne sont pas des médailles mais la prise en compte de notre savoir-faire inégalé a tous les niveaux des prises de décisions.

« La médaille, nous l'avons », en n'étant même pas conviés au Ségur de la Santé. C’est comme oublier un monstre du Cinéma vivant en plein festival de Cannes.

Et pourtant si tous les processus ont fonctionné, c’est grâce au mérite, l’agilité, la responsabilité, qui se cache derrière chaque contremaître du soin : les Infirmières Libérales. Mais l’état préfère organiser un grand Festival de Cannes de la Santé et rendre aux structures HAD, SSIAD, CPTS (10 fonctionnelles dans l'Hexagone) la palme du meilleur acteur ! Ceux-là même qui nous ont volés le scenario , car ils s’inspirent de notre savoir-faire. Pire, je le qualifierais d’un vol institutionnel.

Si tout cela frise la malhonnêteté , c’est une grave erreur de penser que les Infirmières n’auraient pas compris ou qu’elles ne se rebêleront pas demain face aux dogmes affichés, en cela aidés par les usagers du soin eux-mêmes, qui ont bien été les seuls à les voir à leur coté lors de cette pandémie.

Ecraser nos larges compétences, au service des usagers du soin de ville est une erreur, une de plus.

Il est grand temps de changer le Jury.

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Jean-François Bouscarain est Président de l’Union Régionale des Professionnels de Santé (URPS) Infirmiers Libéraux d’Occitanie et Président Régional de la FNI.

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