Qui ne s’est jamais posé cette question « Qu'est-ce qui est apparu en premier : l'œuf ou la poule ? ». Cette question qui reste pour l’instant sans réponse pourrait bien trouver concurrence dans le secteur bancaire et être remplacée par le paradoxe de l’innovation ou de la réglementation.
En effet, aujourd’hui, on peut être amené à se demander si c’est la réglementation qui pousse les acteurs bancaires et financiers à innover pour répondre aux exigences imposées ou si se sont ces acteurs qui imposent la mise en place de nouvelles réglementations pour cadrer les innovations de plus en plus nombreuses.
Pour essayer de répondre à la question « Qu'est-ce qui apparaît en premier : l’innovation ou la réglementation ? », prenons un exemple d’actualité : l’Openbanking (ici, l’innovation) et la DSP2, Directive sur les Services de Paiement (ici, la réglementation).
L’innovation, un booster pour la réglementation
Au cours des dernières années, les fintechs ont su révolutionner l’expérience utilisateur en proposant de nouveaux services bancaires et financiers simples, innovants et répondant aux attentes des utilisateurs de plus en plus digital natives. On peut citer, par exemple, l’agrégation de comptes (Bankin’, Linxo, etc.) ou l’initialisation de paiement (PayPal, SlimPay, etc.).
Pour offrir une expérience utilisateur « extraordinaire », ces TPP (Third Party Provider) utilisent notamment un procédé appelé « Screen scraping ». Cette technique consiste, après communication par le client de ses identifiants bancaires, à simuler une connexion sur le site de la banque à sa place afin de récupérer l’ensemble des données et de lui restituer ensuite via une autre interface. Ce procédé a fortement fait débat compte tenu de la quantité des données collectées (et pas uniquement celles dont le service a besoin) mais surtout des risques de fraude et de fuites de données éventuels.
Fort de ce constat, la Commission Européenne a adopté la DSP2 le 25 novembre 2015 qui est entrée en vigueur le 13 janvier 2018 pour une application totale le 14 septembre 2019. Cette directive européenne vise à apporter un cadre réglementaire à l’ensemble des acteurs pour protéger les utilisateurs tout en favorisant la concurrence, l’innovation et l’efficience.
La réglementation, une impulsion pour l’innovation bancaire
Pour répondre aux objectifs cités ci-dessus, la DSP2 impose aux banques de donner accès aux informations de leurs clients (après consentement obtenu de ces derniers) via un accès sécurisé à l’aide d’API (Application Programming Interface). Ces dernières permettent d’échanger des données entre 2 applications de manière sécurisée et contrôlée.
En contrepartie d’un accès simplifié et sécurisé aux données bancaires des clients, la directive oblige les TPP à stopper la pratique du « Screen scraping » et à obtenir les agréments auprès de l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution). Ainsi, ces TPP vont pouvoir continuer à proposer des services à forte valeur ajoutée tout en leur permettant de continuer à innover dans un environnement davantage propice.
En parallèle, cette directive permet de challenger les acteurs du secteur bancaire traditionnel. Vécue d’abord comme une contrainte, elle représente une véritable opportunité de revoir leur modèle et de rattraper le retard accumulé du fait de la complexité de leur SI. Grâce à cette mise en conformité, les établissements bancaires vont pouvoir, à leur tour, proposer des services innovants tout en disposant des informations de leurs clients bancarisés dans d’autres établissements. Un atout certain pour répondre aux problématiques de satisfaction et de conquête client.
Au travers de cet exemple autour de l’Openbanking et de la DSP2, il ne semble pas possible d’apporter une réponse tranchée à ce nouveau paradoxe. En effet, l’activité des fintechs et particulièrement les technologies appliquées, ont favorisé l’entrée en vigueur de la DSP2. Et en parallèle, cette directive a favorisé l’innovation en imposant plusieurs normes dont la mise en place d’interfaces de communication via les API.
Il apparait donc clairement que l’innovation booste la réglementation et que la réglementation favorise l’innovation. Il est néanmoins important de préciser que la réglementation ne peut pas créer l’innovation mais qu’elle va pouvoir mettre à disposition un environnement propice.
Pour conclure, nous pouvons dire que, bien qu’il ne soit pas possible de définir d’ordre entre innovation et réglementation, elles sont devenues, au fil du temps, indissociables et promettent de faire bouger les lignes voire de révolutionner le secteur bancaire. Il faudra néanmoins rester vigilant car nous nous trouvons dans un environnement où les innovations se multiplient chaque jour et où il va être de plus en plus difficile de les suivre et de les cadrer.