Promesse de vente : comment se rétracter ?

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Par Véronique Mervoyer Publié le 17 mars 2014 à 6h00

Même en présence de promesses unilatérales croisées de vente et d’achat portant sur le même objet, la rétractation opérée par le promettant avant la levée de l’option est exclusive d’une rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, de sorte que l’exécution forcée de la vente ne peut être ordonnée. C’est ce que vient de préciser la chambre commerciale de la cour de cassation le 14 janvier 2014 (Cass., Com., 14 janvier 2014, pourvoi n°12-29.071).

Cet arrêt, important au premier chef dans la vie des affaires quoique non publié par la cour de cassation, s’écarte de la jurisprudence antérieure selon laquelle « l’échange d’une promesse unilatérale d’achat et d’une promesse unilatérale de vente réalise une promesse synallagmatique de vente valant vente définitive dès lors que les deux promesses réciproques ont le même objet et qu’elles sont stipulées dans les mêmes termes » (Cass., Com., 22 novembre 2005, pourvoi n° 04-12.1983, Bull., 2005, IV, n° 234, p. 256 ; voir aussi Cass., Com., 16 janvier 1990, pourvoi n° 88-16.265 ; Cass., Civ. 3ème, 26 juin 2002, pourvoi n° 00-20.244).

Dans l’affaire qui nous occupe, deux entreprises, A et B, avaient décidé de se rapprocher, par étapes. Tout d’abord, la société B devait apporter le fonds de commerce d’une de ses filiales à une des filiales de la société A, puis la société A devait céder à la société B une partie des actions de cette même filiale, et enfin, la cession du solde des actions de cette filiale devait intervenir un peu plus de trois ans plus tard au profit de la société B. Dans le cadre de cette dernière opération, la société A avait consenti à la société B une promesse unilatérale de vente des actions de la filiale en question et la société B avait consenti à la société A une promesse unilatérale d’achat des mêmes actions. Ces promesses avaient été acceptées réciproquement par les bénéficiaires.
Avant l’ouverture de la période de levée de l’option d’achat, la société A a rétracté sa promesse de vente.
La société B a toutefois levé l’option pendant la période prévue à cet effet et a demandé l’exécution forcée de la vente.

Dans un premier arrêt confirmatif, la cour d’appel de Paris a considéré que l’offre de la société A était irrévocable en l’absence de disposition dans la promesse de vente autorisant la rétractation de celle-ci avant l’ouverture de la période de levée de l’option et que la société B ayant levé l’option dans le délai stipulé, soit le 7 janvier 2008, la vente était devenue parfaite à cette date (CA Paris, Pôle 5, Chambre 8, 30 mars 2010, RG n° 09/21286).

La cour de cassation n’a pas suivi ce raisonnement et a considéré que la levée de l’option par la bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation de la promettante excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, la réalisation forée de la vente ne pouvait être ordonnée (Cass., Com., 13 septembre 2011, pourvoi n° 10-19.526).

La cour d’appel de renvoi n’a pas tenté de résister à cette décision et son arrêt est logiquement approuvé quelques années plus tard par la chambre commerciale de la cour de cassation (CA Paris, Pôle 5, Chambre 9, 27 septembre 2012, RG n° 11/20031 ; Cass., Com., 14 janvier 2014, pourvoi n°12-29.071). Elle apporte toutefois la précision suivante : le non respect par la promettante de son engagement jusqu’à son terme doit se résoudre en dommages et intérêts. Au cas d’espèce toutefois, la promettante ne sera pas condamnée à verser une quelconque somme à ce titre, aucune demande n’ayant été formulée précisément sur ce point par la bénéficiaire de la promesse.

La solution retenue, qui affaiblit la force obligatoire de la promesse, est fortement critiquée par une partie de la doctrine qui considère notamment qu’une promesse de vente est par nature irrévocable pendant le délai convenu.

Selon le Professeur Marc Mignot, cette solution « porte atteinte à la morale contractuelle et surtout à la force obligatoire de la promesse. La solution est immorale et favorise la mauvaise foi ; elle est directement contraire à la force obligatoire de la promesse. » (voir obs. Marc Mignot, Gaz. Pal, 12-13 février 2014, n°43 à 44, p. 8).

En attendant la confirmation ou l’infirmation de cette solution, le rédacteur averti précisera éventuellement que la promesse consentie l’est de façon irrévocable…

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Véronique bénéficie d'une expérience en droit des sociétés, en droit international et en droit commercial acquise auprès d'un cabinet d'avocats d'affaires international, en France et à l'étranger. Elle intervient aussi bien en conseil qu'en contentieux, notamment en droit commercial et en droit des sociétés.

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