La loi sur la transition énergétique : une nouvelle dynamique, une dernière chance

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Par Frédéric Weiland Modifié le 29 novembre 2022 à 10h08

Alors que le projet de loi sur la transition énergétique a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, il convient de se poser les bonnes questions en vue de son examen par le Sénat au premier trimestre de l'année prochaine. Si le constat d'ensemble est positif, le projet de loi demeure imprécis sur la part faite aux solutions d'efficacité énergétique. Comment les démocratiser ? Comment encourager et financer leur adoption ? Tentons d'alimenter le débat avec quelques pistes de réflexion.

A l'heure des incertitudes économiques et environnementales, le projet de loi est un signal positif. L'objectif ambitieux, mais réaliste, de réduction de la consommation énergétique de 50% en 2050 (par rapport à 2012) est assorti d'un objectif intermédiaire de 20% en 2030. C'est essentiel pour assurer d'une part une dynamique immédiate, car sans objectif à court terme il n'y a pas de sentiment d'urgence, et d'autre part une adhésion populaire au projet, car sans objectif atteignable il y a découragement.

L'efficacité énergétique constitue l'un des piliers de la transition énergétique, mais avec 27 mentions seulement dans le texte -contre 57 pour les énergies renouvelables et 120 pour les transports- et quasi aucune mesure concrète pour l'adoption de solutions d'efficacité énergétique active par les entreprises, elle paraît presque aux abonnés absents. L'efficacité énergétique est pourtant un facteur majeur de réduction des charges qui pèsent sur les ménages et de compétitivité pour les entreprises. Le suivi des consommations est un investissement rentable en quelques années seulement, qui permet de faire évoluer les comportements et d'atteindre jusqu'à 20%, voir 30% d'économies d'énergies.

Notons à ce titre que le projet de loi a besoin d'être clarifié en ce qui concerne les modalités d'accès aux données de consommation mesurées par les nouveaux compteurs communicants (Linky, PME-PMI, Gazpar, etc.). L'accès à ces données est un paramètre clé de la production de services innovants par les prestataires de services de management de l'énergie, dont on sait le rôle moteur en termes de pédagogie sur la consommation d'énergie.

Mutualiser pour financer

Comme on l'entend souvent, la transition énergétique pose des problèmes de financement. C'est aussi le cas pour l'efficacité énergétique active : le coût de mise en œuvre d'une infrastructure de suivi et de pilotage des énergies dans les bâtiments existants est encore trop souvent un frein. Quelles solutions de financement envisager pour rentabiliser ces investissements ? Nous pensons que la réponse réside dans la mutualisation de ces infrastructures dans le but de proposer des services à valeurs complémentaires. Abattons les silos, et pensons « synergies » entre les différents leviers : efficacité énergétique, gestion des flexibilités, production renouvelable, stockage, faisant tous partie de projets intégrés permettant des économies d'échelle. Il faut donc penser à l'après signature de la loi : comment le gouvernement pourra-t-il encourager ces synergies entre les différentes ressources énergétiques disponibles ?

Une évolution culturelle nécessaire

Au-delà du financement, nous voyons au moins deux difficultés culturelles qu'il faudra surmonter pour accélérer la transition énergétique. La première, c'est l'attachement au patrimoine : en France, on se heurte vite à des résistances dès que l'on parle de rénovation de bâtiments anciens. Par conséquent, il est difficile de proposer des travaux en profondeur pourtant essentiels à l'isolation des bâtiments et à l'amélioration de leur performance énergétique. Peut-être faut-il regarder du côté des Etats-Unis par exemple, où du fait d'une histoire plus courte, le rapport au patrimoine bâti est moins passionné. Du fait d'un attachement moindre, la population et les corps intermédiaires sont plus ouverts aux travaux de rénovation. Nous pensons qu'il faut simplifier les contraintes administratives relatives aux modifications des bâtiments. Saluons le projet de loi qui fait un pas en ce sens avec des pouvoirs étendus aux régions.

Deuxième difficulté : l'adoption populaire des solutions d'efficacité énergétique active. Objet encore très technique, le public et les entreprises sont encore loin de s'en être pleinement emparés et le sentiment est encore partagé qu'il s'agit d'un sujet réservé aux experts. Bien sûr, ceux-ci sont nécessaires pour accompagner et guider en vue de prendre les bonnes décisions. Toutefois, il y a nécessité à rendre l'information énergétique plus simple, plus lisible, plus conviviale –sinon ludique- pour les clients, ce afin de favoriser la conduite du changement. Il y a un enjeu à rendre l'énergie plus intelligible pour les non experts, comme on pu le faire par le passé certains acteurs du monde informatique comme Apple par exemple.

La transition énergétique a le mérite de donner un nouveau souffle aux ambitions de développement durable qui avaient été initiées par le Grenelle de l'environnement. Les ambitions sont réalistes ; assurons-nous qu'elles soient réalisées car il sera difficile de mobiliser une troisième fois.

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Frédéric Weiland est Directeur Général Adjoint de NetSeenergy, filiale du groupe EDF en pointe du développement des télé-services de management de l'énergie pour « Smart Building / City ». Il intègre le groupe EDF en 1996 pour conduire le développement des réseaux de distribution en France et à l'international. Il travaille notamment au développement de projets innovants, visant à favoriser l'accès des populations rurales des pays en développement à des services énergétiques propres et financièrement abordables, ainsi qu'à des solutions « bas carbone » d'efficacité énergétique pour la gestion de patrimoines immobiliers et l'aménagement urbain durable. Frédéric Weiland est diplômé de l'Institut National Polytechnique de Grenoble (INPG) et de l'Institut Européen d'Administration des Affaires (INSEAD. , Frédéric Weiland intègre le Groupe EDF en 1996 pour  

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