Coup de pouce à la rénovation des logements des familles modestes européennes

Dans la ville de Trieste, dans le nord-est de l'Italie, un projet de construction actuellement mené doit servir de modèle pour l'Europe. En périphérie de la ville, au sud-est, huit immeubles de logements sociaux datant du début des années 50 vont être démolis et remplacés par des appartements économes en énergie.

Des espaces verts seront aussi aménagés et ceux qui existent déjà aux abords des nouveaux logements seront améliorés pour renforcer l’attractivité du quartier et favoriser les activités de plein air ainsi que les interactions sociales.

À l’écoute de la communauté

Les bâtiments sont actuellement vides, les résidents ayant été relogés dans d'autres immeubles du parc social de la ville. Les idées d'amélioration recueillies auprès des habitants de la zone seront prises en compte dans le cadre des travaux de rénovation du quartier, qui ont pour but de garantir l’accès des habitants à faibles revenus à un logement sain et à un environnement agréable.

«Ce problème ne concerne pas une seule personne ou une seule famille», a déclaré Cristina Davi, responsable au sein de l’organisme italien de gestion du logement public ATER Trieste. «C’est l’affaire de toute la communauté. Il est important que ses membres aient leur mot à dire à propos de leur espace de vie et des services qui leur sont proposés.»

Située au bord de la mer Adriatique, Trieste compte environ 200 000 habitants et est le plus grand port maritime d’Italie pour le fret. Port maritime le plus important de l’empire austro-hongrois au XIX^e siècle et proche de la frontière italienne avec la Slovénie, la ville a longtemps présenté une importante diversité ethnique et religieuse.

D’après Mme Davi, environ un dixième de la population de Trieste vit actuellement dans des logements sociaux gérés par ATER Trieste. Leur revenu annuel moyen est inférieur à 15 000 €, et beaucoup ont plus de 65 ans ou sont des familles monoparentales.

«En notre qualité d’organisme de logement social, nous devons contribuer à orienter les choix énergétiques des habitants», a ajouté Mme Davi.

ATER Trieste participe à un projet de recherche d’envergure européenne qui a bénéficié d’un financement de l'UE pour accélérer la rénovation des logements des personnes qui ont des difficultés à payer leurs factures d'énergie.

Baptisé SUPERSHINE, le projet a débuté en novembre 2022 et devrait se poursuivre jusqu'à fin mars 2026.

Le projet SUPERSHINE s'inspire de l'initiative du Nouveau Bauhaus européen (NEB) qui vise à rendre la vie en Europe plus durable, plus saine et plus inclusive. L'UE organise un festival NEB à Bruxelles, la capitale belge, du 9 au 13 avril.

Coups de projecteur

Trieste est un microcosme de l’Europe en matière de «précarité énergétique». Celle-ci survient lorsqu’un ménage est contraint de réduire sa consommation d’énergie à un niveau préjudiciable pour la santé et le bien-être de ses membres.

Les facteurs déclencheurs sont notamment les faibles revenus, les coûts élevées de l’énergie et les bâtiments mal isolés. En 2022, d’après l'UE, plus de 9 % des Européens n'étaient pas en mesure de chauffer correctement leur domicile.

«Lorsqu’il est question de précarité énergétique, il faut penser à la façon dont on achète l'énergie et à son origine, mais également à la manière de l'utiliser efficacement», a déclaré Riccardo Coletta, chef de projet senior à l'Agence pour la promotion de la recherche européenne à Rome.

Il est à la tête du projet SUPERSHINE, qui aménage des quartiers urbains modèles se caractérisant par des bâtiments économes en énergie et des réseaux électriques intelligents. Trieste fait office de test, tout comme Herning au Danemark et de Riga en Lettonie.

Le projet étudiera ensuite comment appliquer ces modèles dans quatre autres villes participantes: Setúbal au Portugal, Belgrade en Serbie, Saragosse en Espagne et Istanbul en Turquie.

Les lieux sélectionnés accueillent tous de nombreux logements sociaux.

«Ces lieux devraient inciter d'autres quartiers à avoir la même démarche», a déclaré M. Coletta. «Nous devons avoir une vision plus globale en travaillant avec les habitants des quartiers et trouver un moyen de leur donner les outils et l’argent dont ils ont besoin pour poursuivre les aménagements.»

L’objectif ultime est de constituer des communautés énergétiques dont les membres sont pleinement impliqués dans les décisions relatives à l’environnement dans lequel ils vivent, et dans lesquelles les logements sont plus durables et les abords plus agréables.

À Trieste, le projet couvre 16 logements répartis sur quatre étages dans chacun des huit bâtiments. Parmi les améliorations prévues figurent la pose de panneaux solaires en toiture, un éclairage basse consommation et des menuiseries thermiques.

Autour des bâtiments peuvent aussi être envisagés des jardins avec potager, des parcs communautaires et des espaces de jeu. Pour réduire le risque d'inondation et la charge exercée sur les systèmes d’assainissement urbain, les urbanistes prévoient d’aménager des zones tampons végétalisées et d’utiliser des revêtements en matériaux perméables pour la chaussée.

Les travaux devraient s’achever d’ici fin 2026.

Centres de services

La plupart des habitations et des bâtiments de l'UE datent de plusieurs décennies. Ils doivent être rénovés pour que l’UE puisse atteindre son objectif d'un parc immobilier à émissions nulles d'ici 2050.

Environ 85 % des bâtiments de l’UE ont été construits avant 2000. On estime que 75 % d’entre eux présentent de mauvaises performances énergétiques.

Il est possible d’accélérer la modernisation du parc immobilier européen en créant des centres de services indépendants qui dispensent aux propriétaires et aux résidents des conseils techniques et des informations sur le financement de la rénovation.

Un autre projet financé par l'UE a mis en place ces centres appelés «guichets uniques» à Rotterdam aux Pays-Bas et à Valence en Espagne.

Intitulé Save the Homes, le projet s'est achevé en février 2024 après trois ans et demi de travaux.

Valence et Rotterdam, villes vitrines

À Valence, Save the Homes a créé 27 guichets uniques. Le projet a également évalué les logements d'environ 1 600 habitants de la ville en vue de procéder à des rénovations économes en énergie ou privilégiant les énergies renouvelables. Un grand nombre de ces rénovations sont désormais achevées.

À Rotterdam, le projet a rénové 33 logements.

Réalisées par des entreprises de construction des deux villes, les rénovations ont notamment consisté à poser un isolant économe en énergie sous le plancher et dans les murs et des panneaux photovoltaïques en toiture. Ces travaux ont permis d’obtenir une économie d'énergie moyenne de 50 à 60 %.

«Nous devons vraiment augmenter les rénovations», a déclaré Ana Tisov, qui a dirigé le projet Save the Homes. Elle est aussi chef de projet chez Huygen, un cabinet néerlandais de conseil en ingénierie et en construction.

Elle a déclaré que le projet avait pour objectif d’augmenter le nombre de rénovations de logements permettant d’obtenir une efficacité énergétique de 5 % par an, contre 1 % actuellement.

Selon Mme Tisov, les approches doivent être adaptées en fonction du lieu car, même si leur objectif global est le même, les conditions locales varient.

Par exemple, sensibiliser la population aux avantages des rénovations s’est avéré plus important, mais aussi plus difficile, à Valence qu’à Rotterdam.

Mme Tisov a également expliqué que le parc immobilier était plus homogène aux Pays-Bas qu'en Slovénie, et qu’il était donc plus facile de rénover les logements néerlandais en masse.

«Il est impossible de procéder par copier-coller», a-t-elle ajouté. «Les groupes vulnérables et le parc immobilier ne sont pas les mêmes en Slovénie et aux Pays-Bas.»

Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par le biais du programme Horizon de l’UE. Les opinions des personnes interrogées ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission européenne.

NOUVEAU BAUHAUS EUROPÉEN

Un siècle après sa naissance en Allemagne, l’école d’art, d’architecture et de design du Bauhaus renaît en Europe dans le but d’améliorer la vie urbaine.

Le Nouveau Bauhaus européen (NEB) a pour vocation d’aider les villes de l'UE à devenir moins polluantes et plus attractives grâce à des projets artistiques, culturels et technologiques touchant plusieurs millions d'habitants.

Créé à l’initiative de la Commission européenne en 2020, le NEB a trois objectifs principaux: réduire les dommages environnementaux, notamment le changement climatique, lutter contre les inégalités sociales telles que l’exclusion et embellir les espaces publics.

L’ensemble du projet vise à modifier l’aménagement et l'utilisation des infrastructures et des espaces urbains et sa vision globale est façonnée par la durabilité, l'inclusion et l'esthétique.

Tout en contribuant à atteindre les objectifs politiques de l’UE, le NEB s’appuie sur des initiatives ascendantes mises en place par un large éventail de personnes et d’organisations. Parmi elles figurent notamment des citadins, des groupes artistiques, des experts en architecture et des entreprises locales, des administrations et des étudiants.

La recherche est une caractéristique principale du NEB, avec près de 160 millions d'euros alloués à des projets de l'UE sur la période 2021-2024.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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