Logement neuf : la priorité de Macron aux grandes aires urbaines
Les politiques de tous bords semblent s’accorder sur un point : pour endiguer la crise du logement en France, il est impératif de construire.
Toutefois, Emmanuel Macron s’est démarqué par sa volonté de concentrer les moyens de l’État en matière de logement neuf, sur les grandes aires urbaines.
En juillet 2016, le premier ministre Manuel Valls signe le “pacte État-métropoles” qui montre la volonté de l’État de miser sur les grandes villes comme moteur de croissance. D’autre part, la loi n°2013-569 du 1er juillet 2013 donne la possibilité au gouvernement français de prendre des mesures législatives qui permettent d'accélérer les projets de construction de logements.
Qu’est-ce qui justifie cette focalisation des aides de l’État sur les grandes aires urbaines ? Cette concentration du soutien étatique auprès des métropoles s’inscrit-elle dans le champ de l’habitat ? Comment Emmanuel Macron pense-t-il établir la priorité des métropoles en matière de logement neuf ? Quels sont les enjeux et les conséquences pour de grandes métropoles régionales, à l’instar de Toulouse, en termes d’investissement immobilier ?
La France se développe à partir de ses métropoles
L’organisme public France Stratégie, en charge de la réflexion sur la “France 2017-2027” a publié en 2016 un rapport sur les priorités à octroyer aux politiques territoriales. Il ressort de ce rapport que le choix le plus judicieux pour l’avenir du pays est d’investir davantage de ressources publiques dans les grandes métropoles. Les experts expliquent qu’aux vues du contexte budgétaire tendu, la solution consiste à ”concentrer l’investissement sur les métropoles [...]“. Pourquoi accorder cette priorité aux grandes agglomérations ?
Les études qui concernent les évolutions de la population par aire urbaine de résidence le prouvent, la France n’échappe pas à cette règle qui se vérifie dans le reste du monde : son développement se fait à partir de ses métropoles, phénomène qui devrait se poursuivre à l’avenir. Comment cela se traduit-t-il ?
Les grandes villes françaises sont celles qui concentrent la population ainsi que la richesse économique. Entre 2000 et 2010, ce sont les quinze métropoles françaises (Lille, Rouen-Normandie, Grand-Paris, Brest, Nantes, Rennes, Bordeaux, Toulouse, Montpellier-Méditerranée, Aix-Marseille Provence, Nice-Côte-d’Azur, Grenoble-Alpes, Lyon, Grand Nancy, Strasbourg) qui ont attiré le plus grand nombre de jeunes diplômés, générant trois quart de la croissance de la France. Le cas de Paris est typique : avec 18.8 % de la population française en 2016, la capitale percevait 30 % des salaires versés en France. Pour comparaison, les zones rurales (12.4 % de la population en 2016) percevaient 6.4 % des salaires.
Les métropoles seraient donc des moteurs de croissance, à condition de promouvoir une “alliance des territoires” (association France urbaine). Cette affirmation peut être soutenue par le constat de Magali Talandier (économiste, spécialiste en urbanisme et aménagement du territoire) : “On ne constate pas de situation où une métropole se porte bien alors que c'est catastrophique autour, et inversement. [...]. En fait, on remarque une communauté de destin”.
Le pacte État-métropoles, point de départ du favoritisme métropolitain
Fort de ces enseignements, l’État à travers l’ancien premier ministre Manuel Valls, a pris ses dispositions en signant milieu 2016, un pacte État-métropoles. Ce pacte vise à soutenir les quinzes métropoles françaises dans leurs stratégies d’innovation pour construire la ville de demain. Grandement tourné vers des problématiques telles que le développement des transports en commun (troisième ligne de métro à Toulouse) et le décongestionnement de la circulation (projet “Ecobonus mobilité” à Lille), les reconversions en termes d’urbanisme (transformation de la raffinerie de Reichstett à Strasbourg), l’emploi ou encore le tourisme - entre autres - le pacte État-métropoles est un premier pas de l’État pour soutenir le développement des métropoles françaises. À Toulouse, outre l’aide au déploiement des transports, le pacte prévoit la réalisation d’un incubateur d’innovation et d’une plateforme collaborative à Fleurance, l’aménagement d’un centre d’affaires et de télétravail (Gimont) ainsi que l’implantation de l’office de tourisme de “Gascogne-Lomagne” dans les anciennes écuries du palais épiscopal de Lectoure. À Bordeaux, le pacte État-métropoles intègre l’aménagement d’un réseau cyclable, d’un itinéraire de bus à haut niveau de service (BHNS) sur l’opération d’intérêt métropolitain (OIM) “Bordeaux Inno Campus” ainsi que des expérimentations quant à la mobilité et au développement durable (deuxième phase de la nouvelle voie Marcel Dassault). Ces politiques favorisent d’ores et déjà des projets d’envergure à Bordeaux et dans sa périphérie : création du nouveau quartier “Brazza”, reprise urbaine du site des usines Marie Brizard, tours écologiques en bois...
Ainsi, le logement, pierre angulaire de l’accès à l’emploi, des défis environnementaux et de la fracture sociale et territoriale qui menace le pays, fait figure de sujet absent du pacte État-métropoles alors même que l’entité métropole se présente comme le point de concentration de la population.
La politique du logement Hollande était pensée à l’échelle des communes
François Hollande a demandé au gouvernement, au cours de son mandat, de prendre des mesures urgentes afin de faciliter les projets de construction sur le territoire français. La loi n°2013-569 du 1er juillet 2013, qui permet l’accélération des projets de construction par des mesures législatives, est la conséquence de cette injonction présidentielle. À la suite de cela, le gouvernement annonce en juin 2014, la mise en oeuvre de mesures pour relancer la construction. Ces mesures s’articulent autour de quatre priorités : favoriser l’accès la propriété, simplifier les règles de construction, maintenir l’effort de construction de logements sociaux et renforcer la mobilisation de foncier public.
À l’heure du bilan, il est notable que le gouvernement Hollande a enclenché une politique volontariste sur le plan du logement neuf, autorisant la construction de 453 200 logements en 2016 (+ 14,2 % par rapport à 2015). Par ailleurs, l’objectif du “plan 40 000” - qui prévoyait la construction de logements étudiants - sera atteint fin 2017 (cf. Compte rendu du conseil des ministres du 25 janvier 2017). Si le gouvernement Hollande parle de densifier le logement neuf en zone urbaine, pour construire en fonction des besoins, l’État a par ailleurs signé un partenariat avec 90 % des communes en retard sur la construction de logements sociaux. Autrement dit, l’impératif national de solidarité semble devoir se répartir sur tout le territoire. La loi Égalité et Citoyenneté vient d’ailleurs renforcer les outils en faveur de la construction de logements sociaux dans les communes qui en manquent. C’est donc à l’échelle de la commune (et pas seulement de la métropole) que l’État a jusqu’ici pensé sa politique en matière de logement.
Comment lier l’importance économique des métropoles à la politique gouvernementale sur le logement neuf ? Comment faire en sorte que les français retrouvent un accès à des logements décents à des prix abordables ? Que propose Emmanuel Macron en termes de politique du logement et comment cela va-t-il se traduire au niveau national puis local ?
Concentrer les moyens de l’État pour investir utilement
Pour résoudre la question de l’accès au logement, Emmanuel Macron met l’accent sur deux exigences :
- prendre en compte les besoins spécifiques des citoyens (étudiants, séniors, travailleurs mobiles, familles aux faibles revenus) en partant de leurs situations concrètes,
- concentrer les moyens de l’État où ils sont utiles, pour viser l’efficacité.
Partant du constat que nous vivons actuellement dans un monde où le paradigme est la mobilité (divorce, déménagement, changement d’emploi, vieillissement, arrivée ou départ des enfants), où les normes de la construction sont nombreuses et le droit de l’urbanisme complexe, où en dépit des investissements de l’État, le mal-logement est légion, Emmanuel Macron formule plusieurs propositions pour parvenir à une offre de logements abordables qui rendra plus aisée la mobilité sociale.
Cibler les populations spécifiques
Emmanuel Macron ne souhaite pas toucher à la stabilité de dispositifs défiscalisants comme la loi Pinel ou encore le prêt à taux zéro, qui ont fait leur preuve. Le dispositif d’investissement locatif Pinel pourrait tout de même se voir réévalué en fonction du zonage.
La politique du logement d’Emmanuel Macron ne s’inscrit pas non plus dans l’exacte lignée des mesures de l’ancien gouvernement. En effet, son objectif est de cibler davantage les populations qui ont du mal à se loger, dans le locatif notamment (ménages à faibles ressources par exemple). Pour ce faire, Emmanuel Macron souhaite créer une “intermédiation locative” qui tend à mobiliser les bailleurs sociaux (et éventuellement, les investisseurs institutionnels et les personnes physiques) dans l’achat de logements privés à destination locative, avec des loyers maîtrisés. Pour les particuliers propriétaires de ces biens, cela pourrait donner lieu à un statut fiscal spécifique.
D’autre part, les actifs en mobilité professionnelle pourront bénéficier de la construction de 160 000 logements (80 000 ciblés pour les jeunes, 60 000 pour les étudiants et 20 000 pour les jeunes actifs). Pour renforcer cette mesure, le président table sur la création d’un ”bail mobilité” permettant à ces actifs de changer régulièrement de logement sans y laisser trop d’argent (pas de dépôt de garantie, durée d’engagement réduite). La création de ce bail permettra également de ralentir le phénomène de détournement des locations en faveur du marché touristique (logement de courte durée via des plateformes marchandes).
Cibler les métropoles
Au-delà de ce ciblage des populations en difficulté, le nouveau président veut également concentrer l’effort de construction dans les zones qu’il a qualifiées de “tendues”. À travers cette décision, il met de côté les objectifs nationaux traditionnels de construction à l’échelle nationale. L’ancien ministre de l’économie avait affirmé au cours d’un débat organisé par le réseau d’agences immobilières ORPI : ”Je ne crois pas aux objectifs nationaux, nous n’avons pas besoin de construire partout.”
Son idée : construire moins en investissant mieux, en particulier dans les zones où se situent les besoins en matière d’emploi. Pour exemple, ce sont 70 000 logements qui sont prévus à la construction en Île-de-France chaque année (contre 45.000 actuellement) et 45.000 en PACA (contre 30.000 aujourd’hui).
En construisant davantage dans ces zones spécifiques, Emmanuel Macron compte enclencher une pression à la baisse sur les prix de l’immobilier alors que la hausse des dernières années a rendu complexe l’accès au logement. Il parle à ce sujet de “choc d’offre pour tasser les prix là où les besoins sont les plus grands”.
Le développement de l’offre de logements prend donc une place centrale dans la politique du nouveau gouvernement. L’amplifier mettra, selon le président, fin à un système d’aide aux effets inflationnistes (les APL en particulier).
Quelles sont ces zones qui bénéficieront en priorité de la construction de logements ? Pour être éligibles, elles devront faire la preuve d’une priorité absolue qui se définit en fonction des enjeux d’emploi et d’infrastructures de transport. C’est notamment le cas d’aires urbaines comme la région parisienne, la région PACA et l’agglomération toulousaine.
Toulouse au coeur de l’investissement immobilier
Dans une interview donnée dans La Tribune n°205, Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse expliquait : “il existe des innovations et des structures qui ne peuvent voir le jour ailleurs que dans les métropoles car c'est là que l'on trouve la recherche, l'enseignement supérieur et tous les ingrédients qui permettent le développement économique et la création d'emplois”
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Outre la capitale et la région PACA, l’agglomération toulousaine a également été qualifiée par Emmanuel Macron de zone tendue. Selon le palmarès Explorimmo des villes où il fait bon investir, Toulouse enregistre une hausse de sa démographie (+5,93 %), de l’emploi (+4,15 %) et de ses effectifs étudiants (+2,4 %). Cela constitue un argument majeur en faveur de l'accroissement prioritaire des constructions à Toulouse. Selon l’Observatoire IMMO9, on y dénombrait déjà plus de 300 résidences en cours de commercialisation et visibles sur la plateforme toulousaine d’immobilier neuf.
Dans les faits, il sera question pour le nouveau gouvernement, d’interpeller les élus locaux qui ne joueraient pas le jeu des autorisations de construire ou qui mettraient de côté le quota de 25 % de logements sociaux réglementaires. Ainsi, à Toulouse et ses environs, dans le cas d’opérations d’intérêt national (comme c’est le cas de la construction de logements sociaux), l’État pourra se substituer à la ville pour délivrer les permis de construire. Il pourra également décider d’alléger les règles de constructibilité et d’accélérer les procédures (avec limitation des possibilités de recours).
Pour renforcer la politique du logement, Emmanuel Macron s’engage également en faveur d’un moratoire sur les normes de construction et sur l’adoption d’une politique plus volontariste pour libérer des terrains disponibles.
En somme, les métropoles attirent toujours plus d’habitants, de richesses, de projets. Pour s’adapter à cet état de faits, le gouvernement Macron propose une stratégie réaliste : mettre en adéquation la politique nationale du logement avec l’accroissement démographique des grandes aires urbaines, ce qui passe par la priorisation des métropoles en matière de logements neufs.
Cela laisse-t-il présager un assouplissement des critères d’attribution du statut de métropole afin que toutes les régions puissent bénéficier de la croissance économique et de la préférence en matière d’habitat (Dijon, Orléans, Saint-Étienne, Toulon, Clermont-Ferrand et Tours sont candidates au statut de métropole).