Un fonctionnaire du ministère de la Santé démissionne et dénonce le système

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Par Patrick Crasnier Publié le 23 février 2016 à 5h00
Ministere Sante Demission Fonctionnaire Rapport
120La conférence nationale de santé comprend 120 membres représentant le paysage médicale français.

Dans la semaine qui vient de s’écouler, un évènement que les instances politiques voudraient garder secret a été découvert. La démission à grand bruit de Thomas Dietrich, haut fonctionnaire du ministère de la santé, dénonçant dans son courrier les dysfonctionnements de ce ministère.

« Permettez-moi, Monsieur le directeur général, l’ultime honneur de ne pas vous saluer ! » c’est en ces termes que Thomas Dietrich termine sa lettre de démission, reflétant sa colère contre l’institution. Cette lettre datée de vendredi dernier, 19 février, met un terme aux fonctions de secrétaire général de la conférence nationale de santé (CNS) de l’auteur. En l’adressant au directeur général de la santé Benoit Valley, ce diplômé de sciences po mais aussi « romancier » jette un énorme pavé dans la mare. Cette courte lettre de démission était en effet accompagnée d’un rapport de 28 pages dénonçant les dérives de cette organisation appelée « conférence nationale de santé » (rien à voir avec la conférence de santé ayant eu lieu la semaine précédente.) Le nom porté sur la première page de ce rapport est édifiant :

Démocratie en sante, les illusions perdues

Dans ce rapport, daté lui aussi du 19 Février, et que j’ai pu consulter, Thomas Dietrich dénonce l’absence de toute démocratie au sein du ministère de la santé. Les propos utilisés sont étonnants, il dénonce « une mascarade de démocratie de la santé montée de toute pièce par les politiques. » Affirmant que le ministère de la santé n’attache aucun intérêt a ce que pensent les Français sur les grands sujets que sont la vaccination, la fin de vie ou bien l’e -santé.

La conférence nationale de santé est un organisme crée en 2004 par une loi, constitué de 120 membres représentant d’une façon globale le paysage de la santé en France. Professionnels de la santé, élus, usagers, assureurs, laboratoires, ayant pour mission de rendre des avis « éclairés » et totalement indépendants aux parlementaires et au ministère de la santé, d'organiser des consultations nationales et de rendre un rapport annuel public. Il est facile de comprendre la colère de ce haut fonctionnaire, dépendant directement d’un ministère de la santé qui ne « supporte pas » les avis donnée par ces spécialistes. La conférence nationale de santé est entrée en disgrâce de façon plus totale avec les avis donnés sur la fin de vie qui, d’après la ministre, «n’allaient pas assez loin.» Le couperet tombant lorsque cet organisme proposa une grande consultation sur la vaccination, effrayant le ministère.

Se comparant à Don Quichotte, l’auteur du rapport écrit en préambule : «  j'ai sans doute chargé autant de moulins à vents que l'hidalgo de la Manche et leurs grands bras chargés de toiles m'ont à chaque fois précipité dans la boue. » Croyant a cet idéal de démocratie, permettant à tous ceux qui œuvrent ou bénéficient de la santé en France, de participer à la co-construction des politiques de santé publique. Sa déception fut a la hauteur de ses espérances, ce qui lui fit écrire ce terme de « mascarade » voyant que tous ceux qui donnent de leur temps pour faire avancer cette démocratie de la santé en sont les dindons de la farce. Affirmant que le CNS n’est que le faire valoir des politiques laissant croire à une horizontalité des décisions alors qu’elles n’ont jamais été autant verticales.

La suite de ce rapport important est dans la même veine, regrettant que ses écris aient été rayés d’un trait de plume avec la mention « pas assez administratif » Qualifiant son supérieur de « censeur soviétique » La suite de cet édifiant rapport, très intéressant et très bien écrit, passe en revue tout ce qui ne fonctionnait plus dans cet organisme voué à la désintégration. Dénonçant les pressions dont il fut victime, obligé de faire relire ses rapports par le cabinet du ministre, avant censure bien entendu. Etant même convoqué pour se faire interdire une lettre d’information de la CNS sur l’éventualité d’une grande consultation nationale sur la vaccination. Suite à cet « incident » la ministre confiât un rapport sur la vaccination à une député socialiste assistée pour une éventuelle consultation des Français par Alain Fisher, membre du comité de campagne de Martine Aubry lors des primaires de 2011. On voit là toute l’importance du CNS, censuré même dans ses lettres d’informations prévues pour être envoyées aux parlementaires et à la presse.

Il est aisé de comprendre que cette démission fracassante est une pierre dans le jardin du ministère de la santé qui n’a que très moyennement apprécié. On a même pu lire une réponse de la hiérarchie à cette lettre de démission et à ce rapport. Réponse grave car ne contestant nullement la vérité des faits, faisant juste un rappel a l’interdiction de diffuser ce texte ailleurs que dans le sérail de l’administration. Réponse venue bien sur beaucoup trop tard la diffusion de la lettre et du rapport ayant été faite par internet.

Inutile de dire que pour l’instant la réaction des médias est plus que silencieuse, il est certain que ce silence ne pourra pas durer. Parallèlement à cela l’union Française des médecins libéraux (UFML) par le biais de son président Jérôme Marty s’est emparée du sujet. Affirmant sur leur site internet et dans les réseaux sociaux que ce rapport éclaire ce que les médecins libéraux dénoncent depuis trois ans. L’absence de concertation avec les professionnels de santé, le refus de toute démocratie, prenant pour exemple la conférence de santé organisée après que la loi ait été passée en force. C’est donc avec force et sérieux que l’UFML a pris le problème en mains. Suite à ce rapport, Jérôme Marty demande aux députés et sénateurs d’opposition de se saisir de cette affaire dans une commission d’enquête parlementaire. Ceci afin de faire toute la lumière, ce qui pourrait bien déboucher sur la démission forcée de Marisol Touraine et, pourquoi pas, sur l’abrogation d’une loi qui a été votée en l’absence de toute démocratie. L’UFML d’ailleurs, force de mobilisation et de proposition des médecins libéraux dans leur ensemble, s’apprête à publier une liste de réformes nécessaire à la santé en France.

Censurer et couper les vivres d'une organisation crée par la loi de 2004, voila ce que nos politiques ont trouvé de mieux pour tuer la démocratie de la santé. Espérons qu'il existe encore une opposition.

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Patrick Crasnier est diplômé en sciences humaines 3eme cycle en psychopathologie, après de longues années passées en cabinet libéral comme psychanalyste, blessé lors d’un attentat terroriste cesse cette activité en 1995. Continue comme photojournaliste, journaliste radiophonique (activités menées conjointement avec celle de psychanalyste depuis 1983) puis comme journaliste rédacteur au journal Toulousain et à l’écho des entreprises. Actuellement photojournaliste correspondant pour l’agence de presse panoramic et rédacteur dans plusieurs revues.

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