Mais où va l’entreprise de service public SNCF ?

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Par Bérenger Cernon Publié le 25 août 2017 à 5h01
Intercite Train
567 millions d'eurosEn 2016, le résultat net de la SNCF s'est établi à 567 millions d'euros.

Régulièrement, la SNCF défraye les chroniques. Est-ce de l’acharnement médiatique ou cela est-il réellement justifié ? La question se pose clairement au vu des derniers incidents.

L’incident ayant affecté la gare de Paris Montparnasse est révélateur des problèmes internes de l’entreprise

Cette panne n’est en rien exceptionnelle. Qui n’a jamais eu un problème avec l’informatique dans sa vie après tout ? Cependant, elle démontre plusieurs choses. Tout d’abord que la centralisation des installations augmente significativement le temps de recherche en cas d’incident. Elle démontre aussi que, plus on a d’intervenants sur une installation (notamment avec le recours à la sous-traitance…), plus la résolution du problème devient complexe. Ce fut évidemment le cas pour l’incident de Paris Montparnasse et ça l'est aussi dans bon nombre d’incidents.

Ces pannes sont aussi les conséquences d’un réseau vieillissant qui, pendant plus de 20 ans, a été victime de sous-investissement. De nombreuses installations sont hors de temps et ne sont plus adaptés à la hausse croissante du trafic.

Mais le problème majeur est surtout la gestion de l’incident par l’entreprise : manque de communication entre les services, gestion en « silo », informations contradictoires entre les applications, prises de décisions plus que tardive, etc. Nous avons eu le droit à un immense cirque indigne d’une entreprise qui, justement, mise énormément sur sa communication !

La suppression de personnel n'est pas indissociable de tout cela. Elle en est même l'un des facteurs majeurs. Celle-ci est dénoncée depuis de nombreuses années par les organisations syndicales. Pourtant, la direction continue sa casse de l’emploi (plus de 25 000 suppressions de postes en 10 ans).

Résultat : au moindre incident, les usagers sont abandonnés à leur sort et le peu d’agents présent sur le terrain est très rapidement débordé. Ces agents font un travail extraordinaire et s’évertuent d'ailleurs à le faire du mieux possible. Personne ne peut dire le contraire. Seulement, ils n’ont pas les moyens nécessaires pour pouvoir faire leur travail correctement. Que ce soit à Montparnasse ou à Aubagne le constat est exactement le même : des usagers livrés à eux-mêmes et à la recherche d’informations.

Une direction qui mise sur le digital en lieu et place du personnel

La direction SNCF a, depuis quelques années, montré sa volonté de modernisation et a énormément misé sur la digitalisation pour cela. Ce qui peut paraitre être une très bonne chose à la base, montre très rapidement ses limites et surtout les effets pervers de celle-ci. En effet, plutôt que d’apporter la digitalisation comme un appui supplémentaire pour les agents, elle a décidé de miser sur la digitalisation afin de remplacer les agents dans un souci d’économie des coûts.

Tous les usagers du ferroviaire peuvent s’en rendre compte. Nombre de guichets ont été fermés et remplacés par des bornes automatiques, nombre de bulles accueils dans les grandes gares ont été remplacées par des applications pour smartphone, etc. Les exemples se font pour tous les métiers du ferroviaire…

Or, le ferroviaire n’est pas une agence postale ou une entreprise bancaire. Nous faisons rouler des trains et pour cela, nous avons besoin de femmes et d’hommes formés, compétents et mettant leur savoir, leur savoir-faire et leur savoir-être au service des usagers.

Jamais la digitalisation ne pourra être aussi performante et aussi réactive que l’humain lors de problèmes.

La direction oublie son rôle de service public et fonctionne comme une entreprise privée. Elle mise sur le risque calculé pour s’en sortir. Ce dernier péjore l’ensemble du ferroviaire. L’image renvoyée n’en est que plus difficile à assumer et régulièrement, les dirigeants de l’entreprise sont obligés de faire les pompiers de service alors que c’est eux-mêmes, à travers la politique d’entreprise menée, qui, bien souvent, allume les incendies !

Cette digitalisation à outrance montre très rapidement ses limites lorsqu’il arrive des incidents et cela quasi systématiquement. Que ce soit des incidents imputables à la SNCF ou pas, comme cela fut le cas récemment lors des incidents dans le sud de la France.

Une population cheminote en fort renouvellement

Le fort renouvellement dû aux importantes vagues de départ en retraite n’a pas été anticipé par l’entreprise et la transmission de savoirs vient à se perdre dans de nombreux domaines et notamment les plus techniques ! Cette perte de compétence se fait d’autant plus ressentir lorsque des incidents voient le jour. L’entreprise connait de grande difficulté à recruter du personnel qualifié et compétent. À tout cela se rajoute un ascenseur social de plus en plus déficient dans l’entreprise. Nombre de personnes sortent de grandes écoles et occupent directement des postes à responsabilités opérationnelles alors qu’ils n’ont pas assez l’expérience de terrain. Les promotions internes permettaient de pallier ce manque d’expérience.

La privatisation – une solution miracle ?

Certains s’évertuent à mettre en avant la privatisation de SNCF en s’imaginant résoudre ainsi tous les problèmes liés à l’exploitation ferroviaire. Ces gens ne connaissent visiblement rien au ferroviaire !

Un incident sur le réseau impactera la compagnie ferroviaire de cette ligne qu’elle soit privée ou non ! Au contraire, tous ces incidents montrent la nécessité de renforcer le service public et les moyens qu’on lui octroie.

Aujourd’hui, le service public ferroviaire fait partie de l’histoire de ce pays. Il a permis le développement de nombreuses régions et, est un appui économique indiscutable et ce malgré le coût élevé de l’exploitation.

Aucun système ferroviaire dans le monde n’est aujourd’hui bénéficiaire. Seules certaines lignes le sont. S’imaginer que le privé ira là où il n’y a pas d’argent à se faire est totalement utopique. L’exemple du Fret ferroviaire en est d’ailleurs la meilleure démonstration. Leur but sera de faire de l’argent.

Fini le service public, fini l’accessibilité du train à tous, fini le développement du territoire !

Pour conclure, n’oublions pas que sans service public, le TGV n’aurait sans doute jamais vu le jour. Son financement aurait été bien trop élevé à supporter. Et pourtant tous, aujourd’hui, sommes fiers d’avoir le TGV !

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Bérenger Cernon est conducteur de trains sur le RER D et secretaire general du syndicat CGT des cheminots de Paris Gare de Lyon.

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