« Accepter toute offre d’emploi dite raisonnable fait partie des engagements que vous prenez lors de votre inscription. Le refus d’une offre raisonnable d’emploi à deux reprises, sans motif légitime, vous expose à une radiation. »
- Guide de recherche d’emploi, page 4.
En deux ans, Pôle emploi m’a envoyé une seule offre d’emploi.
Sur ce point, je ne blâme personne. Parce que c’est vrai, j’avais « mon réseau » et, même si certains mois étaient plus compliqués que d’autres, je m’en sortais avec mes petits boulots dans tous les sens. La plupart du temps, j’étais plutôt dans la catégorie C (si vous avez bien suivi : ceux qui ont travaillé plus de 78 heures).
En deux ans, donc, une seule offre d’emploi.
Mais quelle offre ! Elle ne correspondait pas vraiment à mes recherches et surtout elle était périmée ! Datée du 22 janvier pour une candidature à envoyer avant le 31 décembre de l’année précédente.
Par acquit de conscience, et surtout par peur d’avoir des problèmes avec Pôle emploi, j’ai quand même appelé l’employeur. Le recrutement était peut-être toujours en cours ? Mais à la seconde où j’ai parlé du poste, on m’a renvoyée dans mes 22 :
« Je vous arrête tout de suite, le poste est pourvu depuis un moment, vous savez ! On a fait les entretiens début janvier et on a recruté quelqu’un. »
Alors, à défaut de rédiger une lettre de motivation, j’ai écrit une lettre à Pôle emploi car si je ne donne pas suite à l’offre sans me justifier, je m’expose à être radiée. C’est ce que m’indique le courrier en bas de page, avec toujours ce petit ton très aimable. C’est dingue, cette impression de se faire engueuler à chaque fois qu’on reçoit du courrier !
J’ai donc pris ma plus belle plume et j’ai justifié. En substance, ça donnait quelque chose dans ce genre-là :
L’emploi proposé n’est pas vraiment dans mes cordes et, finalement, c’est heureux. Je n’ose imaginer ma déception si cette offre avait été le job de ma vie, l’offre tant attendue.
Personne n’a jugé bon de me répondre. Mon motif a dû être jugé suffisamment légitime.
Il faut bien différencier les offres « imposées » des offres suggérées. Les offres dites raisonnables sont directement adressées au demandeur d’emploi, en fonction des critères définis au premier rendez-vous avec le conseiller (à l’élaboration du fameux PPAE). Le DE doit alors postuler à l’emploi, sous peine de sanction. Deux refus sans motif légitime mènent à une radiation de « 15 jours à 12 mois en fonction de la nature des manquements constatés et de leur répétition ».
Les offres suggérées, elles, sont envoyées au demandeur d’emploi par son conseiller ou via une alerte mail qui fonctionne grâce à des mots-clefs. Et évidemment il y a le site Internet de Pôle emploi sur lequel on peut naviguer et qui vante fièrement ses centaines de milliers d’offres disponibles.
Quiconque a déjà exploré l’océan de métiers proposés par le ROME (répertoire opérationnel des métiers et des emplois) ou a déjà reçu des offres de son conseiller le sait : elles peuvent réellement être intéressantes mais sont parfois un brin :
- Fantaisistes :
Dans le cadre d’une de nos animations commerciales (Sic) nous recherchons un profil animateur/ journaliste qui sera en charge d’interviewer les contacts sur leurs plus belles histoires de dessert et de les réécrire en poème devant le contact. Étudiant en journalisme accepté.
- Incompréhensibles et fourre-tout :
Métier du ROME K 1601 - Gestion de l’information et de la documentation. Gestion des archives, soutien auprès de l’équipe des services généraux et maintenance, reprographie, gestion du courrier, livraisons, déménagements de mobilier, manutention 1er niveau, plomberie etc… EXCEL EXIGÉE, bonnes notions de bricolage.
- Douteuses :
« Allez au restau et faites-moi des factures ! » Voilà comment un employeur a proposé de rémunérer Marie, une journaliste quinquagénaire qui avait répondu à une annonce envoyée par son conseiller. « C’était pour une revue people distribuée dans les magasins d’une ville à environ 250 km de chez moi. » Dans un autre genre, elle s’est aussi retrouvée « dans un sushi shop en zone industrielle pour rencontrer le patron. Il voulait créer une revue sur papier glacé qui vanterait les beautés de la région. Mais elle n’a jamais existé ».
Quand elle a revu son conseiller, Marie lui a signalé que certaines annonces n’étaient pas très sérieuses. Il lui a alors reproché de ne pas avoir créé sa société (au premier rendez-vous, il lui avait proposé d’ouvrir un atelier d’écriture).
« Et là, je ne sais pas pourquoi, je me suis mise en colère, raconte Marie. C’est la dernière fois que je l’ai vu. Je n’ai plus été convoquée, sauf deux ans plus tard. »
Ceci est un extrait du livre « La machine infernale : Racontez-moi Pôle Emploi » écrit par Cécile Hautefeuille paru aux Éditions du Rocher (ISBN-10 : 2268091716 ISBN-13 : 978-2268091716). Prix : 16,50 euros.
Reproduit ici grâce à l'aimable autorisation de l'auteur et des Éditions du Rocher.