Quantitative easing : les merveilleux effets sur l’économie américaine

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Par Philippe Béchade Publié le 14 octobre 2015 à 5h00
Quantitative Easing Effets Economie Usa
62 %62 % des Américains ont moins de 1 000 dollars sur leur compte épargne.

Un peu plus de 7 ans après l’entame d’une campagne d’injections monétaires comme l’humanité n’en avait jamais connu (entre 3 700 Mds$ et 5 000 Mds$ injectés par la FED en comptant ou non le maintien de la taille du bilan à 4 500 Mds$), la FED ne semble pas parvenue à revitaliser la croissance ni à instaurer un véritable « effet de richesse ».

Il n’y a plus grand monde pour penser que la classe moyenne s’est follement enrichie au détriment des ultra-riches, lesquels n’ont plus que leur Bugatti Veyron et leurs yachts de 50 mètres pour pleurer.

La classe moyenne appauvrie aux États-Unis

D’après une enquête qui vient d’être divulguée mardi par Google Consumer Survey – et réalisée par GOBankingRates.com auprès d’un échantillon de 5 000 ménages – il apparait que seulement 38% des Américains (environ 100 millions de personnes, les nourrissons et les enfants sont exclus du calcul) possèdent plus de 1 000 $ sur leur compte épargne pour faire face à des dépenses d’urgence.

Et si 38% d’Américains disposant de plus de 1 000 $ vous semble constituer une intolérable spoliation des riches (mais que va-t-il donc leur rester ?) sachez qu’en plaçant le curseur à 20 000$, il n’y a plus que 5% des citoyens à être en mesure de s’offrir une berline allemande d’occasion ou un demi lingot d’or sur un coup de tête.

Plus sérieusement, ce sont donc pas moins de 62% des Américains (180 millions de personne au bas mot) qui se contentent d’un montant inférieur à 1000 $ sur leur compte d’épargne… et 21% d’entre eux ne disposent même pas d’un tel compte, ni de quelques liquidités sur leur compte courant et sont « dans le rouge » dès le 2 du mois !

En cas de coup dur, de dépense de santé imprévue, de vol ou de destruction de leur véhicule, les « sans épargne » ne peuvent que compter sur un recours à l’endettement, sur le soutien des amis et de la famille… et si toute forme de don ou de crédit est inaccessible, il n’y a plus qu’à siphonner les « comptes retraite ».

Et si vous pensez que Google finances et GOBankingRates.com ont utilisé une méthodologie qui noircit le tableau, un organisme concurrent, baptisé Bankrate.com, a établi que le même pourcentage de très exactement 62% de citoyens américains n’ont pas plus de 1 000 $ d’économies en cas d’urgence.

Une paupérisation…que même la FED constate

Même la FED a découvert que 57% d’Américains vivent plusieurs fois par an… à découvert ! Cependant, certains répondront qu’une enquête tout aussi sérieuse vient de démontrer que le nombre d’Américains bénéficiant des Food Stamps (une version moderne de la soupe populaire) a reculé de 1 million en 1 an.

Fichtre, cela fait un sacré nombre de « pauvres » en moins chaque mois (près de 83 000, l’équivalent de la capacité maximum du Stade de France) : un tel recul mensuel de la misère doit être un sacré signe de bonne santé de l’économie américaine !

Que nenni, car voilà encore une véritable escroquerie intellectuelle qui nous laisse sans voix : le nombre de personnes recensées comme bénéficiaire du programme « Food Stamps » a diminué parce que les conditions d’éligibilité ont été durcies (être pauvre ne suffit plus : il faut être miséreux), les tracasseries administratives ont été délibérément compliquées pour décourager une partie des demandeurs. Voilà comment les fameux « QE » ont enrichi la middle et la lower class américaine ; voilà comment l’administration américaine contribue efficacement à réduire la pauvreté apparente.

Allez, tous en cœur : « tout va beaucoup mieux qu’à fin 2008, que c’est bon de se sentir plus riche »… Il n’y a plus que quelques rares dissidents comme Donald Trump pour accuser Barron’s (un magazine financier) de sous-estimer de 5 Mds$ (de 20%) la fortune qu’il peut mobiliser à tout instant pour financer sa campagne présidentielle.

Une réalité de moins en moins compatible avec l’actuelle bulle financière

Voilà… tout ce qui précède est destiné à illustrer le fait que le moteur de la consommation a coulé aux États Unis, que près de 2 Américains sur 3 survivent avec des moyens pécuniaires très limités, parce que 92% des actifs financiers et de la liquidité disponible sont monopolisés par les 10% du haut de la pyramide, que 95% de la richesse additionnelle créée via la planche à billet a été confisquée par les 1% les plus riches.

Des « plus riches » et des ultra-riches qui jouent entre eux à leur table de super-Monopoly, suralimentés en liquidités virtuelles par la FED… mais qui ne trouveront aucune contrepartie au sein des 99% de la population si jamais il leur prenait la fantaisie de revendre leurs obligations ou leurs actions parce qu’ils sont désormais convaincu qu’il n’y a plus d’upside (de potentiel à la hausse).

Et c’est exactement là que nous en sommes aujourd’hui. Encore très proches du sommet de la multi-bulle la plus démesurée de l’histoire du capitalisme, les plus riches tentant depuis 6 mois de se délester du maximum d’actifs virtuels avant que tout le monde réalise qu’il n’y a plus d’acheteurs… ou alors à un prix d’ami : pensez à ces 62% d’Américains veulent en avoir pour leurs 1 000 $ !

En Europe, placer 1 000 € en bourse pourrait valoir le coup si le CAC40 était sur les… 3 250 pts, c’est à dire un niveau de valorisation conforme à la moyenne historique et compatible avec une croissance qui pourrait être de 1% en moyenne d’ici 2020.

La bourse de Paris est-elle repartie pour les 5 000 pts d’ici Noël ? Si la FED fait miroiter un nouveau « QE » au lieu de monter ses taux, pourquoi pas… et encore, ce ne serait franchement pas bon signe. En attendant, les compteurs se sont de nouveau bloqués vers 4 730 pts sur le CAC ce mercredi et le S&P 500 a ricoché sous les 2 000 pts au point près : c’était peut-être la meilleure porte de sortie depuis le 9 septembre dernier, espérons que ce ne soit pas la dernière !

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Philippe Béchade rédige depuis dix ans des chroniques macroéconomiques quotidiennes ainsi que de nombreux essais financiers. Intervenant quotidien sur BFM depuis mai 1995, il est aussi la 'voix' de l'actualité boursière internationale sur RFI depuis juin 2002. Analyste technique et arbitragiste de formation, il fut en France l'un des tout premiers 'traders' mais également formateur de spécialistes des marchés à terme. Rédacteur aux Publications Agora, vous trouvez chaque jour ses analyses impertinentes des marchés dans La Chronique Agora. Il est également rédacteur en chef de la lettre Pitbull.

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