Rachat d’actifs de la BCE, chronique d’un échec retentissant annoncé !!

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Par Charles Sannat Publié le 5 décembre 2014 à 11h11

L'AFP est toujours impayable dans ses titres et le politiquement correct à moins que ce ne soit les mamamouchis au sens de l'humour particulièrement prononcé ses dernières années, sans parler de leur sens inné de la litote.

Bref, suite à la conférence de presse du grand chef de la BCE, notre banque centrale rien qu'à nous et surtout à tous les autres pays de la zone euro et plus précisément la banque centrale des Zallemands qui sont nos zamis devant l'éternel (béni soit son nom), notre AFP nationale a donc titré fort justement : « La BCE a intensifié ses préparatifs à un possible assouplissement quantitatif... »

Oulalalalala, traduisons. On intensifie des préparatifs en vu d'un possible mais non certain QE... Autant dire qu'on est dans le domaine du conditionnel incertain. Et pour cause.

Paroléé... parolééé...

Bon, je sais, je chante très mal mais tout cela me fait penser à cette chanson que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Depuis que le Père Mario nous a dit qu'il « ferait tout pour sauver l'euro et qu'il fallait le croire ce serait bien assez », les marchés se sont calmés et avec de simple mots Mario a su cacher nos maux économiques. Parfait. Tant mieux. Mais les paroles, comme le bluff, cela ne dure qu'un temps et il arrive inéluctablement le moment des actes. Pour le moment, nous ne voyons rien venir tout simplement parce que le gouverneur de la BCE ne peut rien faire politiquement et économiquement.

Politiquement coincé par l'Allemagne et les recours de justice

Il ne faut pas oublier qu'en janvier 2015, une première décision de la Cour de justice européenne est attendue sur la légalité des programmes OMT (rachat d'actifs) envisagés par la BCE, le tout sous fond de contentieux sur la constitutionnalité des traités et de leur interprétation en Allemagne qui n'est pas d'accord mais alors pas du tout pour que le Mario fasse le mariole en sortant sa planche à billets magique.

Il était donc presque impossible que Draghi fasse une annonce spécifique à moins d'un mois d'une décision de justice. C'était une évidence bien vite oubliée par les « marchés » qui baissent face à l'impuissance de la BCE réduite à « augmenter ses préparatifs »...

Économiquement coincée par les politiques d'austérité budgétaires...

Tout le monde se réjouit à l'avance de voir la BCE racheter massivement des obligations d'État mais cela ne changera rien à la situation économique de l'Europe pour une raison assez simple d'ailleurs sous-entendue par Mario Draghi qui a déclaré que « nous devons garder à l'esprit que les conditions initiales sont d'une grande importance, les États-Unis à l'époque ne sont pas la zone euro à l'heure actuelle »... Et pour cause : à quoi cela sert-il de racheter des obligations d'États déjà détenues par les banques ou les épargnants et dont l'argent a déjà été dépensé alors que dans le même temps on empêche ces mêmes États de faire de la relance budgétaire avec plus de déficit, ce qui dans ce cas-là injecterait de l'argent frais dans le système économique ?

Il y a une immense différence entre acheter une obligation et racheter une obligation. Quand on la rachète, on rachète la créance mais c'est un jeu à somme nul qui n'injecte rien dans le système. Quand on achète une obligation, et si cela correspond à une nouvelle dépense, alors dans ce cas-là on peut injecter de l'argent frais... mais les nouvelles dépenses par les États sont tout simplement interdites par Bruxelles et par l'Allemagne qui font de l'austérité et de la maîtrise des déficits un enjeu majeur.

Il faut donc comprendre que quand bien même la BCE obtiendrait le droit ou la possibilité de racheter des obligations d'États, cela ne changerait pas grand-chose à la non-croissance économique européenne et à la récession ou à la déflation qui nous menace.

Cela empêcherait une attaque des marchés

Si économiquement cela ne changerait presque rien, il n'en reste pas moins que les marchés se retrouveraient impuissants à pouvoir attaquer par exemple la dette d'un État comme l'Italie ou la France puisque la BCE se substituerait alors à ces mêmes marchés. En cela une telle annonce serait de nature à éloigner au moins pour un temps les craintes d'explosion de la zone euro.

Mais il faut être conscient que les marchés testeront la détermination de la BCE et le jour où, imaginons, ils attaquent massivement la dette italienne, cela aurait pour conséquence de grossir le bilan de la BCE uniquement de dettes... italiennes. Profondément injuste pour l'ensemble des partenaires vertueux comme l'Allemagne par exemple qui maîtrise avec une grande efficacité leurs dépenses. Injuste donc inacceptable ! Dans un tel cas, ce serait une prime évidente aux cancres et c'en serait fini de la discipline budgétaire commune.

La BCE est en réalité coincée

Depuis le début, la BCE est coincée. Elle est coincée pour une raison parfaitement simple à comprendre. La zone euro n'est pas une zone économique homogène mais composée de pays à l'économie hétérogène. Par beau temps, tout se passe bien, mais par gros temps évidemment les économies divergent et sans ajustement monétaire possible, les divergences ne peuvent qu'augmenter ainsi que la casse sociale.

L'échec de la zone euro est inscrit dès le départ dans les gènes même de la monnaie unique.

Alors que Mario Draghi a su habilement gagner du temps, l'heure des comptes et des actes se rapproche dangereusement. La zone euro pourrait ne pas survivre à l'année 2015 qui verra le retour des risques souverains européens et de la grande peur de l'éclatement de la zone euro.

Enfin, il convient de noter que Mario Draghi a indiqué que la BCE ne rachèterait pas d'or, « tous les actifs sauf l'or » a-t-il pris soin de préciser. C'est une bonne nouvelle pour ceux qui, avec les dernières rumeurs, avaient peur d'une éventuelle « nationalisation » de l'or des particuliers.

Il est déjà trop tard, préparez-vous.

À demain... si vous le voulez bien !!

Au coffre Le Contrarien Charles Sannat

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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