Reprise économique différenciée parmi les grands pays d’Europe

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Par Sylvain Fontan Publié le 20 février 2014 à 6h30

Les indicateurs (consolidés ou avancés) de reprise économique en Europe se multiplient. Toutefois, il demeure de grandes disparités tant sur la nature que sur l'ampleur de cette reprise parmi les grandes économies européennes : Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Espagne.

Reprise économique en Europe

Le rebond économique actuel n'est pas le premier depuis le déclenchement de la crise globale. En effet, déjà en 2010 et jusqu'au printemps 2011, l'activité avait repris. A ce titre, la BCE (Banque Centrale Européenne) avait même dans la foulée (avril et juillet) resserré sa politique monétaire en augmentant ses taux d'intérêts par crainte d'une remontée de l'inflation. Malgré un rebond de l'activité en Europe, il convient de souligner que cette zone n'a toujours pas retrouvé son niveau d'avant crise avec un PIB (Produit Intérieur Brut) toujours inférieur d'environ 3 %. Dès lors, et compte tenu de la progression démographique positive en Europe, le PIB moyen par habitant a diminué, créant ainsi un effet d'appauvrissement.

Parmi les grandes économies européennes, la moyenne dissimule d'importantes disparités de performances. En effet, il y a tout d'abord l'Allemagne qui continue à se distinguer et qui a depuis longtemps retrouvé son pic d'activité d'avant crise pour le dépasser. Puis, à l'opposé, les deux grandes économies du Sud de l'Europe (Italie et Espagne) décrochent toujours même si le rythme ralentit, mais les signes d'amélioration se multiplient et devraient déboucher sur une inflexion de l'activité économique à la hausse en 2014. Enfin, après deux années de stagnation, la France devrait enfin retrouver son niveau de PIB d'avant crise en 2014.

ESPAGNE

L'Espagne est l'exemple type qui fait espérer une "vraie" reprise en Europe. L'amélioration visible dans les enquêtes et les indicateurs avancés d'activité tels que l'indice PMI ne se limitent plus qu'à l'Allemagne comme cela a été longtemps le cas. En effet, l'amélioration apparaît maintenant également en Europe du Sud, et notamment en Espagne. Dans ce pays, les efforts d'ajustement via la déflation salariale commencent à produire leurs effets sur la compétitivité coût. Dès lors, la compétitivité globale de l'Espagne s'améliore, ce qui permet d'accroître la profitabilité des entreprises et de restaurer les équilibres externes qui s'étaient très significativement dégradés depuis le début des années 2000. L'Espagne exporte ainsi à des rythmes comparables à ceux de l'Allemagne, ce qui a notamment pour effet de stimuler la production industrielle. Un autre signe positif est à noter avec l'apurement de la bulle immobilière. En effet, les prix dans l'immobilier ancien se sont stabilisés après une chute depuis 2008 de presque -50 %.

La population espagnole commence elle aussi à entrevoir les premières améliorations concrètes. L'effet le plus direct est une légère diminution du nombre de chômeurs (malgré un chômage qui demeure encore très élevé à 26 % de la population active). L'amélioration du marché du travail espagnol devrait pouvoir stimuler la consommation et ainsi aider le commerce de détail. Tout cela combiné au délai supplémentaire accordé par la Commission européenne pour atteindre la cible de 3 % du déficit public permet d'anticiper des effets accélérateurs sur la croissance économique. Dès lors, après deux années de récession (respectivement -1,4 % et -1,6 % en 2012 et 2013), l'Espagne devrait retrouver des rythmes de croissance positifs avec respectivement +0,8 % et +1,5 % en 2014 et 2015; soit la meilleure performance économique depuis le déclenchement de la crise.

ITALIE

L'autre grande économie du Sud se trouve dans une situation comparable à celle de l'Espagne même si les résultats sont moins bons. En effet, la situation est globalement identique mais les moindres résultats s'expliquent notamment pat le financement des entreprises et des ménages qui est toujours très difficile, avec des taux d'intérêts élevés et des conditions d'octroi du crédit plus rigides. Par conséquent, l'investissement en Italie recul depuis près de dix trimestres avec une chute de -30 %.

La chute de l'investissement entraîne deux problématiques à horizon temporel différent. En effet, à court terme, cela bride les possibilités de reprise par la demande interne et externe; et à long terme, cela limite le potentiel de croissance, qui est intimement lié aux efforts d'investissement passés. Il convient d'ajouter à cela l'instabilité politique et les blocages internes en matière de réforme. Au final, l'Italie devrait sortir de deux années de récession (respectivement -2,4 % et -1,4 % en 2012 et 2013) pour connaître une croissance positive en 2014 à +0,5% et une croissance plus robuste en 2015 à +1,2%.


ALLEMAGNE

Malgré de bonnes performances économiques, l'Allemagne fait face à deux défis majeurs. En effet, le pays doit réussir à rééquilibrer sa croissance vers la demande intérieure, et notamment la consommation, tout en faisant face à son vieillissement démographique déjà avancé. Si les comptes externes du pays sont toujours très bénéficiaires, la compétitivité de l'Allemagne et ses bons résultats sont aussi liés à la sous-traitance d'une partie de sa production dans les pays à faible coût d'Europe de l'Est. Or les PECO (Pays d'Europe Centrale et Orientale) tels que la Roumanie, la République Tchèque ou la Slovaquie, correspondent aux pays d'Europe où les coûts salariaux augmentent le plus et qui sont appelés à converger vers les standards européens. Dès lors, le rattrapage de ces pays pourrait annuler pour partie les avantages actuels de compétitivité de l'Allemagne, et ainsi diminuer ses excédents extérieurs. Parallèlement, le pays fait face à une concurrence accrue. En effet, des pays comme les Etats-Unis ou le Japon sont entrés dans une logique de "guerre des monnaies" à laquelle vient s'ajouter la forte baisse des coûts de production énergétiques outre-Atlantique grâce à l'exploitation des gaz et pétrole de schiste.

Les effets démographiques sont à plus long terme mais la problématique se pose dès à présent. Le taux de fécondité est parmi les plus faibles d'Europe avec 1,36 enfant par femme alors que le taux de renouvellement de la population (pour conserver une population de même taille) est de 2,1 enfants par femme. Dès lors, l'Allemagne ne renouvelle pas ses générations et doit faire appel à la main d'œuvre étrangère. L'Allemagne réussit jusque-là plutôt bien à attirer les jeunes diplômés d'Europe du Sud mais toute la problématique tient à sa capacité à conserver ses populations sur son sol à plus long terme, et ce à fortiori si la reprise économique se confirme, ce qui laisserait entier le problème démographique. Au final, et malgré un ralentissement économique en 2012 (+0.8 %) et 2013 (+0.6 %), la croissance économique devrait s'accélérer en 2014 et 2015 aux alentours de +1,8 %. Notons cependant que la consommation des ménages est appelée à devenir le principal contributeur de la croissance alors qu'auparavant c'étaient l'investissement et les exportations.

FRANCE & ROYAUME-UNI

La situation de la France est plus spécifiquement traitée ici. Notons cependant que le seul pays d'Europe où l'analyse des indicateurs avancés d'activité économique ne confirme pas une reprise est la France. De plus, ajoutons que le dernier rapport de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) qui fait autorité sur les Investissements Direct Etrangers (IDE) fait apparaître une chute de -77 % en 2013 qui fait suite à une chute de -35 % en 2012, le tout dans un contexte où le montant au niveau mondial augmente, et où tous les pays européens voient leur montant d'IDE augmenter. Le constat posé par la CNUCED accrédite l'idée selon laquelle la France perd de son attractivité.

La situation au Royaume-Uni est presque à l'inverse de celle de la France. D'ailleurs, la politique menée et les résultats obtenus outre-Manche sont à l'opposé de ce qui est observé en France. Les deux principales inquiétudes outre-Manche renvoient au fait que le déficit public soit toujours très élevé et que la reprise soit aussi liée à un effet d'enrichissement sur les biens immobiliers pouvant faire craindre la formation d'une bulle. Malgré ces points de faiblesse, la politique économique britannique affiche des résultats très satisfaisants avec une politique d'attractivité fiscale, combinée à des mesures de soutien de l'économie, à une politique monétaire accommodante et à l'utilisation des gaz de schiste pour abaisser les coûts de production et ainsi améliorer la compétitivité de l'industrie et accroître les exportations. A ce titre, il est intéressant de noter que le Royaume-Uni produit plus d'automobiles que la France alors que jusqu'à peu le Royaume-Uni était considéré comme un désert industriel. Dans ce cadre, le chômage est parmi les plus faibles d'Europe avec 7 % de la population active et une croissance économique qui devrait s'amplifier en 2014 pour atteindre +3,4 %.

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Sylvain Fontan, économiste et créateur du site www.leconomiste.eu   Parcours Professionnel   - Analyste-Investissement (Unigestion - Société de gestion d’actifs) - Analyste-Risque (RWE - Société de trading en énergie) - Analyste-Hedge Fund (BPER - Banque Privée Edmond de Rothschild) - Macroéconomiste (TAC - Laboratoire de recherche privé en économie et finance) - Chargé d’études économiques (OMC - Organisation Mondiale du Commerce) - Chargé d’études économiques (ONU - Organisation des Nations Unies)  

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