De la responsabilité des ministres

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Par Jacques Bichot Publié le 1 décembre 2020 à 6h30
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1.000 EUROSLe jugement du Conseil d'Etat impose certes à l'Etat de verser 1 000 ? pour chacune des requêtes.

L'épidémie de coronavirus exige que soient prises des mesures de précaution. Encore faut-il qu'elles ne soient ni stupides, ni injustes.

Or limiter à 30 personnes l'assistance aux messes dans les églises, quelle que soit leur taille, petite chapelle ou grande cathédrale, est à la fois stupide et injuste. Des actions en justice ont donc été engagées auprès du Conseil d'Etat, par différentes personnes et associations, de façon à mettre un terme à cette injonction visiblement dépourvue de bon sens.

Les plaignants ont obtenu gain de cause : Très bien, cela montre qu'il est encore possible de compter sur la justice de notre pays lorsque les pouvoirs publics déraillent. Saluons également la réactivité du Conseil d'Etat, qui a traité l'affaire avec célérité, le juge des référés ayant produit quasiment du jour au lendemain une ordonnance de 13 pages, traitant tous les détails de l'affaire. A une époque où tant de procès traînent des mois, voire des années, constater l'efficacité du juge administratif suprême est réconfortant. La maîtrise du sujet manifestée par le Conseiller d'Etat chargé du sujet, Frédéric Aladjidi, fait plaisir.

Ceci étant, si les citoyens sont rétablis dans leurs droits légitimes, les coupables ne sont pas sanctionnés. L'Etat est condamné à verser une obole (1 000 €) à certains des organismes ayant demandé l'intervention de la justice : c'est probablement insuffisant pour couvrir leurs frais. Mais surtout, aucune sanction n'est prise à l'encontre des responsables des dispositions contenues dans le décret du 29 octobre.

Le ou les ministres concernés ont manifestement deux torts : avoir commis une erreur grossière en imposant une limite uniforme (30 personnes) dans des circonstances extrêmement variées (la superficie de certaines églises se compte en mètres carrés, tandis que celle de telle ou telle cathédrale se compte en milliers de mètres carrés). Or, quand un ministre commet une erreur grossière, il doit être sanctionné, comme le serait - ou devrait l'être - un fonctionnaire qui s'acquitte mal de ses responsabilités.

A cet égard, le jugement est muet. Il impose certes à l'Etat de verser 1 000 € pour chacune des requêtes, ce qui est maigre, mais il ne sanctionne absolument pas les responsables de la disposition jugée illégale. Or, si un ministre commet une bêtise grave et manifeste, il doit évidemment être sanctionné. Ce n'est pas au contribuable de payer les sommes accordées aux plaignants pour les dédommager des frais qu'ils ont engagés ; le slogan « que le pollueur soit le payeur » est plein de bon sens !

Au-delà du dédommagement des plaignants, si le ou les ministres responsables ne sont pas renvoyés du Gouvernement, ils doivent au moins être mis personnellement à l'amende, ou sanctionnés de quelque autre manière. Cela est-il juridiquement possible ? Si, actuellement, ce ne l'est pas, il faut combler cette lacune. La France a besoin de ministres responsables de leurs actes - et, le cas échéant, de leur inaction.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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