Politique de santé ou santé politique ?

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Par Patrick Crasnier Modifié le 6 mai 2013 à 14h02

Le nouveau syndicat des médecins libéraux, la CSML, n'a de cesse depuis sa création d'alerter l'ensemble de la profession et les malades sur les dérives graves de notre système de santé.

Le financement de la santé et de son système archaïque est mort presque totalement. Les politiques sont en train de donner ce système aux mutuelles richissimes qui se frottent les mains de cette manne. Les médecins alertent aussi sur la dégradation de ce qui était leur art et qui devient, petit à petit, une industrie aux mains des technocrates.

Jusqu'à présent les médecins avaient la liberté de choix dans leur pratique, ils avaient appris de leurs maîtres à écouter, analyser, diagnostiquer et faire la synthèse. Art difficile s'il en est mais pour lequel nombre de pays reconnaissaient que nous avions « l'une des meilleures médecines du monde ».

Puis, est venue dans un premier temps une politique de la santé basée sur l'économie et le chiffre, plutôt que sur la maladie, la prévention. Alain Juppé avait lancé la mode, le terme adéquat n'était plus l'art de la médecine et ses progrès merveilleux, mais « les économies de santé » comme si l'ensemble de nos médecins devait travailler à l'économie, sans s'économiser bien sûr.

Cette dérive n'a cessé d'évoluer : des cotisations « sociales » de plus en plus chères, reposants presque exclusivement sur le monde du travail, des remboursements de moins en moins réels. Face aux « économies de santé », les français subissaient le « coût de la santé ». Il faut appeler les choses par leur nom : la santé à un coût, et ce coût l'Etat ne veut pas en assumer le prix.

Aujourd'hui le bilan est lourd. Les médecins sont démotivés, fatigués, et dégoutés de si peu de reconnaissance de leur art. L'informatique entrée en catimini dans les cabinets sous prétexte de télétransmission est maintenant sur le point de remplacer le cerveau du médecin.
De l'art, la médecine devient une science informatisée, l'ordinateur fera le diagnostic avec ce qu'on lui aura donné à manger. Le médecin devra s'y plier ou alors, les foudres de la sacro sainte sécurité sociale s'abattront sur lui.

Il n'est pas question ici de poursuivre des coquins mais de braves médecins qui toute leur vie ont fait ce qu'ils pouvaient faire pour sauver des vies, rendre les gens moins malades et surtout exercer leur art avec dévotion et honoraires tous petits. (Le prix moyen européen d'une consultation est de 45 euros, en France le système politique de santé a fixé cet acte à 23 euros non revu depuis des années sous prétexte d'économies).

Alors la rébellion est très proche d'éclater, le corps médical en a assez d'être payé trois fois moins qu'un coiffeur ou qu'un plombier, les jeunes quittent cette profession ou bien refusent de s'installer en libéral, de peur de ne plus payer les charges de leur cabinet. Le tableau est noir, les médecins libéraux font face à tous les investissements de matériel pour travailler, qui ont régulièrement augmenté alors que leurs moyens de fonctionnement ont constamment diminué.

Bientôt les cabinets médicaux fonctionneront a l'économie comme l'Etat, plus « d'abaisse langue » mais une petit cuillère pour tous, plus de papier sur la table d'auscultation (trop cher). Peut-être que bientôt les patients devront aussi apporter leurs seringues à usage unique ou autres matériels puisque personne ne veut les payer, les médecins étant de plus en plus incapable d'assumer ces charges en constante augmentation.

Du côté des patients, plus de choix médical (c'est déjà fait). Les mutuelles imposeront les lieux où leur remboursement s'exercera : bien sûr des lieux « économiques » car la médecine à deux vitesses est déjà installée et elle ne fera que progresser.

Comme le corps médical ne reçoit que des menaces et des « injonctions », il n'est pas loin le temps où il quittera ce qui est appelé « une convention », mais qui n'en a que le nom car refusée par les médecins. Le jour où les médecins auront tous quitté le système de soin national, les malades regretteront de ne pas les avoir soutenus quand il en était temps.

La seule bonne nouvelle dans toutes ces informations déprimantes sur la santé en France, c'est la condamnation de l'Etat Français par l'Europe. Depuis dix ans au moins, l'Etat Français ment à tout le monde en affirmant que le monopole de la sécurité sociale est obligatoire.

Depuis les accords de Maastricht, c'est faux. Chacun peut s'assurer où il veut et de nombreuses compagnies d'assurances étrangères sont capable de prendre en charge les frais de santé de tous (professions indépendantes mais aussi salariés). Les professions indépendantes depuis 2012 quittent en masse ce système cher et qui ne rembourse plus rien.

En tuant notre système de santé, les politiciens depuis 20 ans ont aussi tué la solidarité qui y était attachée. La solidarité ne peut s'exercer qui si ceux qui payent largement pour tout le monde y trouvent aussi leur compte. Là c'est l'inverse, plus le Français qui a les moyens paye et moins il bénéficie de ce système de financement de la santé. Seuls ceux qui ne payent rien ont tout et ce n'est plus possible.

Quelle que soit la solution, notre système est bien mort.

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Patrick Crasnier est diplômé en sciences humaines 3eme cycle en psychopathologie, après de longues années passées en cabinet libéral comme psychanalyste, blessé lors d’un attentat terroriste cesse cette activité en 1995. Continue comme photojournaliste, journaliste radiophonique (activités menées conjointement avec celle de psychanalyste depuis 1983) puis comme journaliste rédacteur au journal Toulousain et à l’écho des entreprises. Actuellement photojournaliste correspondant pour l’agence de presse panoramic et rédacteur dans plusieurs revues.

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