Edward Snowden: Amnesty International l’a rencontré à Moscou…

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Par JOL Press Modifié le 22 juillet 2013 à 13h48

Jeune informaticien américain de 30 ans, Edward Snowden est inculpé, depuis le 22 juin 2013, d'espionnage, vol et utilisation illégale des biens gouvernementaux par les autorités américaines. Le motif : il a révélé des informations classées top secrètes de la NSA concernant la captation des métadonnées des appels téléphoniques aux Etats-Unis, ainsi que le système d'écoute sur Internet du programme de surveillance PRISM. En fuite, il se trouve à Moscou dans le terminal F de l'aéroport Cheremetevo. Il attend toujours la réponse des autorités russes à sa demande d'asile déposée le mardi 16 juillet.

Sergueï Nikitin est le chef du bureau moscovite d'Amnesty International. Vendredi 12 juillet, il a pu rencontrer le fugitif, Edward Snowden, le lanceur d'alerte le plus célèbre au monde. Il témoigne de cette rencontre insolite dans un couloir d'un aéroport moscovite. Entretien.

JOL Press : Vous avez rencontré Edward Snowden. Dans quel état d’esprit était-il ?

SergueÏ Nikitin : J’ai rencontré Edward Snowden vendredi après-midi à l’aéroport Cheremetevo de Moscou. Il m’a semblé aller bien et ne semblait pas particulièrement stressé. Je pense que dans sa position je me trouverais sans doute dans un état d’esprit bien différent. A peine, si son visage était un peu pâle.

Il a commencé la rencontre par une déclaration de 10 à 15 minutes, puis il a répondu aux questions des participants.

JOL Press : Qui participait à cette rencontre ?

Sergueï Nikitin : Des officiels russes et quelques représentants d’association de lutte en faveur des droits de l’Homme.

JOL Press : Que savez-vous de ses conditions de vie à Cheremetevo ?

Sergueï Nikitin : C’est une question que nous posions tous mais que nous n’avons pas été en mesure de lui poser. Il ne nous a donné aucun détail sur ses trois semaines dans l’aérogare.

Selon l’explication officielle, il résiderait dans une sorte d’hôtel au cœur de Cheremetevo, dans le terminal F. Pour preuve, sa déclaration préliminaire a été interrompue à plusieurs reprises par des annonces – du type de celles que l’on entend dans tous les aérogares – et il a fait remarquer qu’elles ne le dérangeaient plus car il s’y était habitué au cours des trois dernières semaines.

La rencontre n’a pas eu lieu dans une salle mais dans une partie d’un couloir de ce terminal F, une portion entourée de barrières et de rideaux. Nous n’avons pas vu de passagers passer derrière ces rideaux, c’était un coin isolé du reste du terminal.

JOL Press : Vous vous trouviez dans la zone sous douanes ?

Sergueï Nikitin : Oui, nous avons dû passer tous les contrôles de sécurité comme si nous allions prendre l’avion.

JOL Press : Vous avez rencontré Edward Snowden vendredi 12 juillet. S’attendait-il alors à ce que la Russie lui accorde l’asile politique ?

Sergueï Nikitin : C’était sa première apparition publique, la première fois qu’il rencontrait des représentants d’organisations, et la première fois aussi qu’il annonçait son intention de demander l’asile politique à la Russie.

Personnellement, je m’y attendais. Et cette intuition a été confirmée lorsque j’ai constaté qui participait à cette rencontre.

Un cocktail unique… Il y avait des membres de la Douma, l’ombudsman de la Fédération de Russie, un avocat pro-Kremlin, un autre avocat, célèbre défenseur des activistes militant pour le respect des droits de l’Homme, et deux représentants d’organisations non gouvernementales, dont moi-même pour Amnesty International. Un cocktail unique, des officiels de haut rang et des représentations de défenseurs des droits de l’Homme.

J’ai immédiatement pensé qu’il allait annoncer son intention de demander l’asile politique et que la présence d’ONG permettrait d’attester qu’il n’y avait pas été forcé, qu’il était totalement libre.

JOL Press : Vous pensez donc qu’il y aurait eu préalablement des négociations, lui garantissant un accueil favorable des autorités russes ?

Sergueï Nikitin : Une fois de plus, ce n’est que mon sentiment personnel mais j’imagine effectivement que cela avait fait préalablement l’objet de discussions. Les autorités russes ont-elles prodigué des conseils à Edward Snowden, je l’ignore. Mais comment autrement aurait-il pu, en trois semaines, devenir à ce point au fait des arcanes du pouvoir russe et savoir qui inviter en une telle occasion ?

JOL Press : Comment expliquez-vous qu’il ait fallu trois semaines avant d’arriver à cette solution ?

Sergueï Nikitin : C’est une réelle interrogation. Trois semaines semblent effectivement une bien longue période pour prendre une telle décision. Je n’ai pas d’explications.

Il est possible qu’à l’origine il ait eu d’autres intentions… Sans doute a-t-il été échaudé par la péripétie qui est arrivée au président bolivien dont l’avion a été fouillé à Vienne. Il a sans doute réalisé que s’il s’envolait vers l’Amérique latine – ce qui sera, à n’en pas douter sa destination à terme – son avion serait sans doute intercepté et sa sécurité mise en danger.

JOL Press : De votre point de vue, peut-on imaginer qu’il ait eu à « acheter » l’asile politique en s’engageant à fournir des informations aux Russes ou est-ce aller trop loin ?

Sergueï Nikitin : Je ne sais pas, mais c’est sans doute une possibilité. On peut tout imaginer et cela ne me surprendrait pas outre-mesure. Pour autant, je n’ai pas de preuves.

JOL Press : Quelles pourraient être les motivations des autorités russes dans cette affaire ?

Sergueï Nikitin : Si l’on se réfère à la déclaration des parlementaires et des officiels pro-Kremlin, juste après le meeting à l’aéroport, il est clair que les autorités entendent dénoncer l’attitude des États-Unis en matière de respect des droits de l’Homme. Pour elles, l’affaire Snowden est une preuve supplémentaire de la violation des droits de l’Homme dans un pays qui s’autorise à donner des leçons à la Terre entière. C’est un argument de plus pour la propagande russe dans sa longue lutte « froide » contre l’impérialisme américain.

Ironiquement, les autorités russes se retrouvent dans le même camp qu’Amnesty International, en première ligne dans la défense des droits de l’Homme. Nous n’oublions pas que la liberté d’expression est un sujet brûlant ici en Russie. Les droits de l’Homme et le respect de la liberté d’expression sont des questions universelles dont aucun pays ne peut s’affranchir.

JOL Press : Edward Snowden a-t-il réagi au refus de l’Union européenne et de ses membres – la France en particulier – de lui accorder l’asile politique ?

Sergueï Nikitin : Il s’est effectivement montré critique à l’égard de l’Union européenne et il a notamment lancé l’idée d’une pétition dénonçant l’attitude des Américains mais aussi des Européens. Avec Amnesty International, nous le soutenons.

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