Les start-ups sont mortes, longue vie aux entreprises

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Par Rédaction Modifié le 21 juin 2021 à 13h55
Startups Entreprise Balance Vie
10%La marque Lou Yetu visée par le #balancetastartup estime que 10% de son chiffre d'affaires provient d'Instagram.

Depuis son lancement en 2020, le mouvement # Balancetastartup, recueil de messages sur les conditions de travail dans les jeunes entreprises digitales, enflamme les réseaux sociaux. Au fil des témoignages de ces soldats du numérique, le candide découvre un monde d'une grande dureté à peine dissimulé sous les couleurs cool qui décorent la devanture de la « nouvelle » économie.

Harcèlement moral, cadences infernales, turnover incessant, mépris pour le droit du travail… Le compte Instagram ne compte plus les descriptions des dépressions des déçus, certains diront des perdants, de l'économie 2.0. Les moins de trente ans qui composent l'essentiel des forces de ces sociétés à vocation disruptive payent le prix de l'innovation permanente. Car « devenir une licorne », c'est-à-dire une entreprise digitale particulièrement prometteuse, recherchée avec gourmandise par les investisseurs, est une quête aussi exaltante que cruelle et sans pitié, dans un monde où rien n'est jamais acquis. Certaines comme Frichti et Lou Yetu ont été adulées dans les médias, puis critiquées pour leur management un peu erratique. Toujours le problème de la gestion de l'afflux d'argent quand on lève trop vite et trop facilement des capitaux. D'autres ont été montrées du doigt sur les réseaux sociaux, notamment quand le hashtag #balancetastartup a commencé à dénoncer les moins vertueuses, à grand renfort de témoignages.

Et puis il y a celles qui sont passées sous les radars.

Brûler du cash et cramer les gens, point commun des licornes ?

« Je veux abolir la caste du CDI ! » Pascal Lorne a le sens de la formule. Ce n'est pas la moindre des qualités qu'on lui prête : charismatique, visionnaire, entreprenant… Le « serial entrepreneur » typique dirige Gojob, une plate-forme d'intérim. En ces temps d'instabilité économique, sans doute un bon filon. En quelques années, des millions d'euros ont été levés auprès de fonds d'investissement par Gojob. Il fallait brûler du cash. Mais de l'autre côté du miroir, des gens sont partis en dépression, parfois jusqu'à l'internement. Tout cela parce que la start-up passe avant la santé, la vie privée et qu'il faut tout sacrifier à son gourou.

Dans le secteur de l'intérim digital, si l'on en croit Jules Thomas du Monde, les leaders du marché ont su se remettre en question sous l'influence de #Balancetastartup. Elles sont devenues « responsables » en intégrant que le droit du travail a une fonction régulatrice et que le management déshumanisé finit par se retourner contre celui qui le pratique. Des entreprises, en somme, banalement comme les autres. Mais Gojob a su jouer des clauses de confidentialité et échapper au hashtag salvateur, alors même que plusieurs de ses salariés ont été poussés vers la sortie au bord du burn-out.

Et si les start-ups étaient subitement devenues, pour une génération qui aura accepté et assumé les sacrifices de la pandémie, ringardes ? Aussi ringardes que la décennie 80 et ses « années fric ». C'est peut-être bon signe : la nouvelle économie devient adulte. Parmi ceux « qui marchent pieds nus, comme Steve Jobs, dans leur bureau », sans doute quelques génies visionnaires encore méconnus, et pas mal de pirates.

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