SMIC : les branches qui sous-payent les salariés bientôt sanctionnées ?

Alors que 11% des branches professionnelles affichent encore des minima inférieurs au SMIC, la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté, le 27 octobre 2025, un amendement socialiste pour sanctionner les employeurs concernés. Objectif : en finir avec des pratiques qui entretiennent la précarité et fragilisent le principe même du salaire minimum.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 29 octobre 2025 7h59
SMIC : les branches qui sous-payent les salariés bientôt sanctionnées ?
SMIC : les branches qui sous-payent les salariés bientôt sanctionnées ? - © Economie Matin
11%Selon le ministère du Travail, 11% des branches affichaient encore en octobre 2025 au moins un niveau de rémunération conventionnelle inférieur au salaire minimum.

Des branches encore à la traîne face au SMIC

Le 27 octobre 2025, la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a donné son feu vert à un amendement porté par les députés socialistes pour contraindre les branches professionnelles à revoir leurs grilles de salaires. Le texte prévoit une réduction des allègements de cotisations sociales pour les entreprises relevant de branches dont les minima salariaux sont inférieurs au SMIC. Une mesure jugée nécessaire alors que, malgré les relèvements successifs du salaire minimum, plusieurs secteurs continuent d’appliquer des conventions collectives avec un salaire en-dessous du SMIC.

Ce constat n’est pas nouveau : certaines branches professionnelles n’ont toujours pas aligné leurs grilles sur le SMIC, pourtant revalorisé à plusieurs reprises depuis 2023. Selon le ministère du Travail, 11% des branches affichaient encore en octobre 2025 au moins un niveau de rémunération conventionnelle inférieur au salaire minimum. Ces chiffres confirment que le phénomène persiste, malgré les rappels à l’ordre du gouvernement.

Dans le détail, cinq grandes branches — notamment dans les secteurs du nettoyage, de l’hôtellerie-restauration ou encore de l’aide à domicile — n’ont pas encore relevé leurs minima au niveau légal. Un constat qui interroge sur l’efficacité des dispositifs existants. L’article L.3231-3 du Code du travail impose pourtant que les grilles de salaires soient ajustées après chaque revalorisation du SMIC, faute de quoi les négociations de branche doivent s’ouvrir dans les trois mois. « Nous ne pouvons plus accepter que des salariés soient payés en dessous du minimum légal », a souligné la députée socialiste Christine Pirès Beaune lors de la présentation de l’amendement.

Le ministère du Travail rappelait déjà en 2024 que 12 branches se trouvaient dans cette situation. Un an plus tard, la proportion reste quasiment inchangée, preuve d’une résistance persistante dans certains secteurs à faibles marges. Les revalorisations automatiques du SMIC, indexées sur l’inflation, expliquent en partie cette inertie : les conventions collectives n’évoluent pas aussi vite que la hausse mécanique du salaire minimum.

Un amendement aux allures de rappel à l’ordre

L’amendement adopté par la commission des Affaires sociales veut frapper là où cela fait mal : dans les exonérations de charges. Les députés socialistes proposent de réduire les allègements de cotisations sociales accordés aux employeurs relevant de branches où les minima sont inférieurs au SMIC. Le mécanisme s’appliquerait de manière proportionnelle au nombre de niveaux de rémunération non conformes, avec pour ambition de pousser les organisations patronales à réviser rapidement leurs grilles.

L’idée est de lier les avantages fiscaux à la conformité sociale. Selon l’exposé des motifs, les entreprises bénéficiant de ces allègements « ne sauraient être récompensées si elles ne respectent pas la hiérarchie salariale légale ». Cette mesure complète les sanctions déjà prévues par la loi du 16 août 2022, qui permet au ministère du Travail de fusionner ou restructurer les branches ne respectant pas leurs obligations de négociation. Pour les syndicats, c’est un signal politique fort. « Il faut mettre fin à cette tolérance qui entretient les inégalités », pointe un représentant de l’UNSA, rappelant que la jurisprudence impose aux branches de garantir un salaire supérieur au SMIC dès le premier niveau de qualification.

Toutefois, cette disposition ne fait pas l’unanimité. Certains employeurs redoutent un effet boomerang sur la compétitivité des petites structures, notamment dans les secteurs où la main-d’œuvre est peu qualifiée et où les marges sont faibles. Le MEDEF plaide plutôt pour une concertation progressive et des délais adaptés, estimant que la contrainte financière risque d’aggraver les tensions dans les métiers déjà en pénurie.

Une lente évolution, mais un espoir de convergence

Les pouvoirs publics affirment vouloir réduire à zéro le nombre de branches dont les grilles salariales restent en dessous du SMIC. En 2022, plus de 40% des branches étaient encore concernées. Un an plus tard, elles n’étaient plus qu’une douzaine selon les chiffres du ministère. La tendance est donc clairement à la baisse, même si le rythme reste lent.

Depuis 2023, chaque revalorisation du SMIC – en moyenne 2% tous les six mois sur la période – a créé un effet mécanique de rattrapage difficile à absorber pour certaines conventions collectives. Ce décalage structurel alimente les critiques des syndicats, qui y voient une forme de dumping social interne. De son côté, le gouvernement défend une approche incitative : la ministre du Travail, Catherine Vautrin, a indiqué vouloir « accompagner les branches vers la conformité, sans les pénaliser excessivement », tout en reconnaissant qu’« il n’est pas acceptable qu’un salarié perçoive un salaire inférieur au SMIC, quelle que soit sa branche ».

Les débats à l’Assemblée nationale s’annoncent houleux lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, dans lequel l’amendement devrait être intégré. Mais, malgré les tensions politiques, le cap est désormais clair : aligner les grilles sur le salaire minimum avant fin 2026. Si la mesure est adoptée en séance, elle pourrait marquer un tournant dans la régulation des minima salariaux et redonner un sens au principe fondateur du SMIC, celui d’un plancher social universel.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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