Taxe superprofits : l’Allemagne s’y colle ; isolé, Bercy joue sur les mots

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 5 septembre 2022 à 14h28
Energie Hausse Contenue Factures 1
200 MILLIARDS €L'IEA estime à 200 milliards d'euros les bénéfices exceptionnels de la crise énergétique.

Après avoir fait mine de ne pas comprendre de quoi il s’agissait, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a dû une nouvelle fois intervenir : l’Allemagne a décidé de taxer, ou plus précisément de mettre à contribution, le secteur de l’énergie pour limiter l’inflation dans le pays. Mais ce n’est pas une taxe, a tenu à souligner Bercy.

L’Allemagne taxe, pardon, met à contribution les superprofits

L’inflation en Allemagne a atteint 7,9% en août 2022 (contre 5,8% pour la France), et le gouvernement a été contraint d’agir : Olaf Scholz, chancelier, a annoncé dimanche 4 septembre 2022 ce qui ressemble fortement à une taxe sur les superprofits des entreprises de l’énergie. « Des producteurs profitent simplement des prix très élevés du gaz qui déterminent le prix de l’électricité », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.

Dans les faits, il s’agit d’un « prélèvement partiel des bénéfices aléatoires » que l’Allemagne espère implanter au niveau européen. Pas question de faire cavalier seul pour le Bundestag, malgré des annonces similaires en Espagne ou encore en Italie. Car la question de taxer les superprofits fait son petit bout de chemin au niveau de l’Union européenne.

Bercy joue sur les mots : ce n’est pas une « taxe »

Dans la foulée des annonces d’Olaf Scholz, le ministère français de l’Économie a envoyé une précision à la presse : « le gouvernement allemand n'a absolument pas annoncé une taxe sur les superprofits des énergéticiens ». Dans les faits, le ministère n’a pas tort : le terme « taxe » n’est pas prononcé par Olaf Scholz. Il s’agit d’une contribution obligatoire sur les bénéfices des entreprises du secteur de l’énergie. Un peu comme la redevance télé qui n’était pas une taxe mais une « contribution à l’audiovisuel public ».

Cette « contribution » qui n’est pas une taxe s’applique, selon Bercy, sur « les entreprises qui bénéficient du prix du gaz alors qu'elles produisent de l'électricité à partir du charbon, du nucléaire ou d'énergies renouvelables ». Pour le ministère de l’Économie, la France fait déjà la même chose : « les mécanismes ne sont pas forcément les mêmes, mais la logique l'est ». En l’occurrence, avec l’Arenh ou les taxes sur les énergies renouvelables.

Pour Bercy, c’est donc « circulez, il n’y a rien à voir ». Et ce alors que l’Union européenne va tenir une réunion au sujet de l’énergie dont les prix explosent depuis le début de la guerre en Ukraine.

De toute manière, Bruno Le Maire ne connaît pas les « superprofits »

Les précisions de Bercy, envoyées en catastrophe après les déclarations d’Olaf Scholz, visent à soutenir le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, farouchement opposé au principe de taxer les superprofits des entreprises durant la crise. Et ce malgré les centaines de milliards qu’ils représentent : l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA) les estime à 200 milliards d’euros pour le seul secteur énergétique européen et pour le seul premier semestre 2022.

Mais Bruno Le Maire l’avait déclaré, mardi 30 août 2022 devant les patrons réunis dans le cadre de la REF, l’université d’été du Medef. Il ne « sait pas ce que c’est qu’un superprofit ». Une phrase qui, désormais, l’isole en Europe : si l’Allemagne change de ton et que le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, y est de plus en plus favorable, la France pourrait se retrouver à devoir défendre seule les rentes des entreprises durant la crise.

Or, politiquement, c’est risqué : les Français qui souffrent en première ligne de l’inflation record risquent de ne pas comprendre...

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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