On n'en est plus à une surprise près dans ce pays. Après Jean Sarkozy, fils de président de la République, candidat malheureux à la présidence de l'EPAD (Etablissement public d'administration de la Défense) à l'âge de 23 ans, voici Thomas Hollande, 29 ans, fils de président de la République, avocat des salariés de l'entreprise de transports Mory Ducros, qui a déposé le bilan vendredi dernier.
Choquant ? Non, bien entendu, un avocat, fût-il fils de président de la République, a bien évidemment le droit d'accepter de défendre n'importe quel client, y compris un comité d'entreprise, la spécialité de LBBa, le cabinet d'avocats qui l'emploie. Sauf que dans le cas présent, Thomas Hollande, qui s'est présenté hier au tribunal de commerce de Pontoise, défend les intérêts du comité d'entreprise de Mory Ducros. Et que dans cette affaire, 5000 emplois sont en jeu. Mory Ducros est le plus gros dépôt de bilan en France depuis dix ans, et un marqueur majeur de la capacité du gouvernement à sauver les entreprises en difficulté... ou pas.
Thomas Hollande, fils du président, en situation de conflit d'intérêt ?
Dans ce dossier, deux ministres, Arnaud Montebourg, en charge du redressement productif, et Frédéric Cuvillier, en charge des transports, sont à la manoeuvre. Mory Ducros a été placé en redressement judiciaire pour six mois, et un administrateur judiciaire sera prochainement nommé. Ce qui veut dire que le gouvernement dispose de six mois pour trouver un ou plusieurs repreneurs, et sauver le maximum d'emplois possibles. Comment ? Avec la batterie classique d'outils à sa disposition : Exonérations ou reports de charges, avantages fiscaux, aides directes ou indirectes, et entrée de la Banque Publique d'Investissement au capital.
Et c'est là que le bât blesse. On a du mal à imaginer que Thomas Hollande puisse pendant six mois se couper de tout contact avec son président de père. Pour demander un conseil. Transmettre une information. Solliciter un appui. De même, on imagine mal les ministres en charge du dossier, tout comme les préfets des départements dans lesquels Mory Ducros est implanté, ou encore l'administrateur judiciaire, malmener l'avocat du comité d'entreprise... Sans parler des éventuels repreneurs qui n'oseront pas proposer des conditions trop sévères - licenciements, abandons de créances - de peur de se mettre à dos l'avocat du comité d'entreprise / fils du chef de l'Etat.
5000 emplois en jeu chez Mory Ducros
Bien entendu, on peut aussi voir dans cette situation une aubaine pour les salariés de Mory Ducros, qui, en le choisissant comme avocat, ont réussi un coup de maître, en s'assurant du concours du meilleur avocat possible pour défendre leur cause. Il est vrai que Thomas Hollande n'est pas lié par le serment du "moi, Président de la République"...