Travail : comment va évoluer l’emploi en France

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Par Jacques Martineau Publié le 22 mai 2015 à 5h00
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10,6 %Le taux de chômage en France atteint 10,6 % de la population active.

Face à la nouvelle donne économique mondiale et générale des marchés, c'est bien en termes de survie de l'entreprise que le problème se pose. Mais c'est, tout autrement, en termes de renaissance, d'adaptation, d'innovation et d'anticipation qu'il faudra le résoudre sur fond de mutation permanente.

On ne réinvente pas la société, elle se bâtit d’elle-même

C'est pourquoi le travail et l'emploi vont continuer à se modifier profondément dans leur forme, leur contenu et sur le fond, et ce, quels que soient le niveau et la durée du retour d’une faible croissance. La référence au passé, à la croissance facile et au statuquo social, ne tient plus. La dimension sociale du travail est elle-même en pleine métamorphose. Elle est en train de prendre le pas sur le reste des priorités. Les modèles de développement et leurs formules toutes faites sont caducs. On ne réinvente pas la société, elle se bâtit elle-même, en s'adaptant, avec plus ou moins de fortune, à partir de ses atouts et de ses aspirations, en tirant partie au mieux de ses échecs. Cela ne se fait pas sans à-coups et sans heurts.

La diminution progressive mais réelle de la consommation de masse et le transfert de la production de masse vers les pays nouvellement industrialisés pour des raisons évidentes de faible coût de production dû au niveau de vie, aux salaires, à la couverture sociale et aux besoins individuels. Cet élément déclencheur est essentiel dans l'accélération sensible du processus de grande mutation de l'emploi et de ses conséquences dans les pays industrialisés, dans lequel il s'inscrit naturellement.

Alors, est-il possible de comprendre les mécanismes qui vont régir l'évolution du travail et de l'emploi et de les maîtriser ? Il faudra décoder les évolutions en cours qui indiquent les tendances de demain; accepter le changement comme générateur d'autres changements; ne pas chercher à appliquer demain les schémas de pensée d'aujourd'hui.

Evolution de l’emploi et des métiers

L'emploi et le travail seront, soit à forte valeur ajoutée technologique (dans le numérique et en robotique), économique (biens et services) ou d’accompagnement social (services de proximité aux entreprises et aux personnes), soit ne seront pas, exception faite des activités industrielles protégées considérées comme non délocalisables.

Au passage, il faudra revaloriser les métiers traditionnels et en inventer d'autres. Car le développement du travail manuel et de l'artisanat n'est surtout pas à négliger (production locale par intégration des besoins et des compétences). Par ailleurs, dans le vaste secteur des services, la plupart des nouveaux emplois potentiels aura besoin d'une main d'oeuvre qualifiée, mais certainement pas surqualifiée.

Le secteur industriel n'a pas libéré toutes ses ressources en matière d'emploi. On a une fâcheuse tendance à considérer que dans ce secteur le marché de l'emploi va continuer à se dégrader. De fait, il va se transformer en allant vers plus de qualification. L’apprentissage en est la clé pour faciliter l’accès à la connaissance et à l’emploi pour les jeunes. La recherche et le développement (R & D) sont à l'évidence des éléments essentiels, insuffisamment exploités, pour sortir les entreprises industrielles de la crise actuelle. C'est de cet investissement immatériel sur le savoir que viendront les richesses de demain. La France possède sur ce terrain des atouts incontestables. Aux entreprises d'en tirer le meilleur profit. A l'Etat de les y aider ou de les encourager. Pour peu que nous soyons en mesure de développer un véritable marketing des produits de la recherche et de ses résultats, nous pourrons disposer alors d'une réserve d'activité et d'emploi très importante. Ce capital de matière grise, à très forte valeur ajoutée, est probablement l'une de nos meilleures armes face à la concurrence. C'est aussi l'une des garanties de notre indépendance.

Dans le secteur tertiaire des services et à un moindre niveau dans le secteur industriel, des créations d'emplois de toutes natures et en nombre sont donc possibles. Mais leur typologie favorisera d'autres critères qui prendront de ce fait de plus en plus d'importance. Les salariés devront accepter la volatilité de la demande, le travail à temps partiel ou à temps partagé, des contraintes nouvelles de disponibilité et de mobilité, la variabilité des rémunérations, alternant des périodes de suractivité, d'activité et de temps libre. Ils devront intégrer la notion de télétravail à distance ou à domicile, peut-être apprendre à travailler pour plusieurs employeurs ou encore comme intérimaires ou pour leur propre compte. L'hétérogénéité du secteur tertiaire signifie que tous ne seront pas logés à la même enseigne, le développement et la croissance seront disparates. Il faudra pouvoir s'adapter et changer de métiers et d'activité.

Les conditions pour réussir

Mais qu’il soit clair et sans équivoque, c’est la société qui se fait. Elle n’est plus en condition de se faire dicter son évolution. Si les garde-fous sont essentiels, ils ne s’imposent pas. En conséquence, derrière toutes ces nouvelles exigences pour les salariés et pour la société, quel est l'enjeu : le maintien du niveau de vie pour tous ou de l'activité et du travail pour tous ?

Ce sont à nouveau les problèmes de modulation du temps de travail, de la flexibilité de l'emploi et des salaires, de la pérennité de la couverture sociale et de l'exclusion qui se posent. La solidarité nationale pour les plus démunis jouera un grand rôle. L'économie de marché ne saura être la réponse unique dans ce domaine. C'est la nécessité d'un nouveau contrat de travail qui se fera jour, à la fois plus souple et plus exigeant. Il sera très éloigné du contrat traditionnel, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer. La notion même d'entreprise comme la relation d'employé à employeur et le rôle des syndicats seront inévitablement bousculés et remis en cause.

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Après un long parcours scientifique, en France et outre-Atlantique, Jacques Martineau occupe de multiples responsabilités opérationnelles au CEA/DAM. Il devient DRH dans un grand groupe informatique pendant 3 ans, avant de prendre ensuite la tête d'un organisme important de rapprochement recherche-entreprise en liaison avec le CNRS, le CEA et des grands groupes du secteur privé. Fondateur du Club Espace 21, il s'est intéressé aux problèmes de l'emploi avec différents entrepreneurs, industriels, syndicalistes et hommes politiques au plus haut niveau sur la libération de l'accès à l'activité pour tous. Il reçoit les insignes de chevalier de l'Ordre National du Mérite et pour l'ensemble de sa carrière, le ministère de la recherche le fera chevalier de la Légion d'Honneur.

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