En cette journée mondiale sans tabac du 31 mai, partisans et opposants au développement du vapotage comme moyen de se sevrer progressivement vont encore une fois afficher leurs divergences. Et les seconds, pour venir appuyer leurs dires, vont brandir des études à charge, toutes venues des Etats-Unis. C’est là que le bât blesse. Il en va de la lutte anti-tabac comme d’autres grands sujets : l’Amérique – que nous aimons tant par ailleurs – aime à imposer son point de vue à l’ensemble de la planète à commencer par sa sœur ennemie, l’Europe.
La vape, outil de sevrage tabagique
Sur le sujet du vapotage et de sa capacité ou non à être un outil efficace contre le sevrage tabagique progressif, les Etats-Unis ont eu le mérite de lancer très tôt des études pour tenter d’en mesurer les effets réels sur une base d’expérimentation, humaine surtout, la plus large possible. L’Europe a tardé à faire de même et la seule étude européenne digne de ce nom, réalisée par les Britanniques – on ne parlait pas encore de Brexit -, s’est faite sur une base d’échantillons plus limités que celles pratiquées outre-Atlantique.
Mais il en va des études comme de tout, et les scientifiques, notamment depuis Rosenthal, connaissent bien le biais de l’effet « expérimentateur », le cadre dans lequel vous effectuez les travaux influe forcément sur les résultats que vous obtenez et surtout sur leur analyse.
Or, en matière de vapotage, les Etats-Unis diffèrent profondément de l’Europe et notamment de la France. Chez nous, nous n’observons pas de vapotage passif ni d’effet passerelle ni problèmes cardiovasculaires ou autres dangers pour la femme enceinte. Pourquoi ? Car la vape est un outil dédié au sevrage tabagique. En France, il est même le premier moyen de quitter le tabac ! La cigarette électronique et ses e-liquides ne sont donc pas l’antichambre du tabagisme, elles en sont au contraire le remède. Nous ne vivons pas de phénomène de « mode » de la e-cigarette, à grand renfort de marketing et de « tuning » - derrière lequel on retrouve là encore, comme par hasard, la main des grands cigarettiers américains, inquiets de voir leur manne fondre progressivement et désireux de prendre le contrôle sur toute alternative.
L'Europe protège les consommateurs
On notera au passage que ces modes autour du vapotage, encouragées par « Big Tobacco », sont aussi l’occasion de promouvoir des adjuvants aux e-liquides, y compris à base de cannabis, dans un cadre législatif et réglementaire trop flous à nos yeux. Là encore, l’Europe a la vertu de mieux protéger ses consommateurs – une molécule comme le THC est ainsi interdite en France - même s’il est légitime de débattre de l’évolution de nos réglementations.
Dès lors, il n’est pas étonnant que les études américaines appliquées à ces mœurs de vapotage très différentes et disons-le moins vertueuses que les nôtres aient abouti à de sérieuses mises en garde sur le recours à la e-cigarette dans le sevrage tabagique. Et leur « résumé » voire leurs caricatures véhiculées par Internet ont encore plus grossi le trait voire popularisé toute une série de contre-vérités et de « fake news ».
Gageons que ces mêmes études réalisées en Europe permettront d’obtenir des conclusions bien différentes. Ce travail est aujourd’hui lancé et la mobilisation s’opère. La communauté scientifique indépendante, en particulier en France avec la participation de l’APHP, mais aussi des HUS et des Suisses, s’est emparée du sujet. Dans plusieurs grands centres universitaires médicaux de métropoles françaises (pas moins de dix-huit), des travaux sont à l’œuvre afin de mesurer ce rôle du vapotage dans le sevrage tabagique ainsi que les effets réels de la nicotine sur l’organisme. Nous en aurons les résultats dans quelques temps. Il faudra être patient pour consolider les données et surtout ne pas s’arrêter là.
Dans les prochaines années, il faudra que ces forces se regroupent, se fédèrent, pour aboutir, du point de vue français et européen, à une conclusion incontestable, à un véritable discours de preuve au service de ce vrai enjeu de santé publique : Le vapotage comme moyen clef de sevrage tabagique puis nicotinique.