Papier : fabricants et consommateurs se tournent vers des produits plus respectueux de l’environnement

Alors que le secteur industriel consomme beaucoup d’arbres et produit de grandes quantités de déchets, une tendance plus durable semble se dessiner avec l’apparition d’emballages à base d’herbe et de matériaux de construction inédits.

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Par Horizon Publié le 29 juillet 2023 à 9h00
Papier Fabrication Ecologie Environnement Energie Europe Horizon
40%Le papier a augmenté de 40% en un an.

La Suisse est connue pour ses montagnes, son fromage et son chocolat. Ce que l’on sait moins, c’est comment Lindt, le chocolatier suisse, emballe ses friandises de manière plus «verte».

Les emballages en papier utilisés pour certains des produits Lindt contiennent des fibres vertes. Plus qu’une simple touche de couleur, ce vert est dû à l’herbe qui remplace une partie du bois normalement utilisé pour fabriquer le papier.

Souches forestières 

Ce changement est le fruit d’années de recherches menées par le fabricant de papier allemand Creapaper et en partie financées par l’UE dans le cadre d’un projet intitulé Grass Paper.

«Les forêts sont exploitées de façon trop intensive», a déclaré Michael Schatzschneider, directeur financier de Creapaper. «Nous avons donc voulu trouver une alternative au bois dans le domaine de l’emballage, qui peut sembler être un produit de faible valeur mais qui, à lui seul, entraîne chaque année la production de plusieurs millions de tonnes de papier.»

L’industrie du papier est l’un des plus gros utilisateurs de bois au monde, et représente entre 33 et 40 % du commerce mondial dans ce secteur. Rien qu’en Europe, l’industrie de la pâte à papier et du papier génère 179 000 emplois et contribue au produit intérieur brut de l’UE à hauteur de 21 milliards d’EUR.

D’après l’Agence internationale de l’énergie, la production mondiale de papier a atteint le chiffre record de 415 millions de tonnes en 2021. De plus, les déchets associés sont souvent inutilisés.

De la même façon que la production de papier peut réduire son empreinte environnementale, les déchets le peuvent eux aussi en étant utilisés à différentes fins.

Tu ne gaspilleras point

«La production de papier est en hausse», a déclaré Juan José Cepriá, chef de projet de l’entreprise de construction espagnole ACCIONA Infraestructuras. «L’impact sur nos forêts est donc plus important et la quantité de déchets produits est, elle aussi, en augmentation. Nous en sommes à un stade où les fabricants de papier ne savent plus quoi faire de leurs déchets.»

M. Cepriá a coordonné PAPERCHAIN, un projet indépendant qui a pris fin en août 2021. Grâce à un financement de l’UE, ce projet s’est attaché pendant quatre ans à trouver des solutions au problème des déchets. Sur un des sites du projet, en Slovénie, des déchets de papier ont été utilisés dans le secteur de la construction.

De par son caractère montagneux, la Slovénie a souvent besoin de construire des murs de stabilisation pour éviter les glissements de terrain, d’après Karmen Fifer Bizjak, chef du département de géotechnique et des infrastructures de transport à l’Institut national slovène du bâtiment et du génie civil, ou ZAG.

Habituellement, les entreprises de construction utilisent du gravier pour ériger de tels murs. Dans le cas de cette initiative, cependant, le projet a utilisé un nouveau matériau intitulé MUDIPEL, fabriqué à partir de déchets (principalement des cendres et des boues de papier) provenant d’une usine à papier locale.

Actuellement, ces matériaux sont inutilités et sont jetés.

«Transformer la boue de papier et ses cendres en matériau de construction a été un défi», a déclaré Mme Fifer Bizjak. «Le nouveau matériau devait fonctionner de la même manière que l’ancien. Et, en plus de cela, nous devions prouver qu’il n’était pas nocif pour l’environnement.»

Matériau de construction

Le projet devait, par exemple, identifier le mélange optimal de cendres et de boues ainsi que le niveau de compression à appliquer pour que le matériau soit le plus efficace possible.

MUDIPEL a tenu ses promesses. Mme Fifer Bizjak a déclaré que le nouveau matériau était déjà utilisé dans d’autres projets de construction.

«Nous avons prouvé que c’était possible», a-t-elle déclaré. «Nous avons montré aux ingénieurs et aux entreprises de construction que ce produit est viable.»

Selon elle, il dure aussi longtemps que le matériau traditionnel tout en possédant les mêmes propriétés mécaniques.

Le projet PAPERCHAIN a développé cinq de ces processus en Europe.

Au Portugal, le projet a transformé des déchets tels que la boue de chaux en matière première pour fabriquer du béton et de l’asphalte, utilisés par la suite pour construire des routes dans le pays. En Suède, le projet a utilisé des résidus de déchets de papier pour empêcher que s’infiltrent dans le sol les substances chimiques nocives libérées dans le cadre de l’exploitation minière.

«Nous avons déjà réalisé plus de six kilomètres de routes tests avec des déchets de papier», a déclaré M. Cepriá. «Certaines de ces technologies sont prêtes pour une utilisation à grande échelle. Nous pouvons enfin commencer à utiliser les déchets des usines à papier de façon utile pour la société.»

Papier à base d’herbe

En Allemagne, Creapaper est également prêt à lancer son produit enrichi en herbe, au terme du projet financé par l’UE, qui a duré d’octobre 2018 à novembre 2020.

L’entreprise basée près de Bonn compte environ 35 employés. 

«Nous améliorons constamment notre technologie», a déclaré M. Schatzschneider. «Mais aujourd’hui, le plus important pour nous est de convaincre les marques d’utiliser du papier fabriqué à partir d’herbe.»

Creapaper utilise de l’herbe pour fabriquer une pâte qui peut ensuite servir à produire du papier ou du carton, principalement vendu comme matériau d’emballage. Le mélange étant généralement constitué de 30 % de pâte d’herbe et de 70 % de bois, il pourrait permettre d’éviter l’abattage d’un grand nombre d’arbres.

En termes d’approvisionnement, l’herbe est une bonne alternative au bois, selon M. Schatzschneider.

«On en trouve partout, et en grande quantité», a-t-il déclaré. «C’est une ressource disponible dans le monde entier. Les agriculteurs sont déjà habitués à la récolter sous la forme de balles de foin. Nous pouvons en produire beaucoup, et de manière peu invasive.»

En outre, produire de la pâte d’herbe est meilleur pour l’environnement que fabriquer la pâte de bois équivalente, selon M. Schatzschneider. Une tonne de pâte à base d’herbe exige environ 10 litres d’eau, alors que la même quantité de pâte de bois en demanderait environ 1 500.

C’est de cette façon que Creapaper obtient un papier d’emballage teinté de vert. Dans ce domaine, l’entreprise cherche à conclure des accords commerciaux majeurs comme celui passé avec Lindt.

Creapaper enregistre une production en hausse constante et semble confiant quant à sa croissance future.

«Nous nous développons fortement en ce moment», a déclaré M. Schatzschneider. «Le chemin est encore long, mais de plus en plus de marques s’intéressent à notre papier.»

Les recherches réalisées dans le cadre de cet article ont été financées par l’UE.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation. 

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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1 commentaire on «Papier : fabricants et consommateurs se tournent vers des produits plus respectueux de l’environnement»

  • Cet article donne une vision très simpliste. Pour rappel, en France la superficie des forets a augmenté de plus de 20% au cours des 35 dernières années. Les bois utilisés pour fabriquer le papier sont très majoritairement des bois d’eclaicies, et des déchets de scierie. Ces coupes d’eclaicies sont indispensables pour entretenir les forêts, et on voit aujourd’hui ce que donne l’absence d’entretien sérieux depuis des années : des incendies à répétition et souvent aucun moyen d’en limiter la propagation (zones de déboisement dédiées). Ensuite ce qui est qualifié de déchets dans cet article sont majoritairement des sous produits valorisés depuis de très nombreuses années, de différentes manières dont effectivement celles qui sont citées. Alors oui, il y a probablement des pays où le respect de certaines règles élémentaires de gestion de l’environnement ne sont pas respectées, comme pour tout d’ailleurs…. Mais généraliser sans discernement n’est pas très sérieux.

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