Un simple amendement technique s’est transformé en séisme budgétaire. Dans la nuit du 6 novembre 2025, l’Assemblée nationale a adopté par erreur la suppression de la C3S, un impôt rapportant plus de cinq milliards d’euros à la Sécurité sociale.
PLFSS 2026 : la C3S supprimée, un cadeau à 5 milliards pour l’industrie

Jeudi 6 novembre 2025, lors de l’examen du budget de la Sécurité sociale, les députés ont voté la suppression de la C3S. Ce vote inattendu, acquis par 117 voix contre 113 selon LCP, provoque un manque à gagner évalué à 5,4 milliards d’euros par an pour la Sécurité sociale.
La C3S : un impôt à 5 milliards d’euros pour les caisses de l’Etat
La C3S est un impôt de production instauré en 1970. D’après Service-public.fr, elle est due par toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 19 millions d’euros et s’applique à hauteur de 0,16 % du chiffre d’affaires hors taxes. Elle finance principalement la branche vieillesse de la Sécurité sociale. Selon LCP, cette contribution rapporte environ 5,4 milliards d’euros par an, un chiffre cohérent avec l’estimation 2024 de 5,1 milliards avancée par l’Institut Montaigne.
Lors du débat budgétaire, un amendement du député macroniste Charles Sitzenstuhl a été déposé pour ouvrir une discussion sur les impôts de production. L’élu Renaissance expliquait qu’il s’agissait d’« un amendement d’appel » qui « n’avait pas vocation à passer car nous n’avons pas les moyens de nous payer aujourd’hui la suppression de la C3S », souligne le HuffPost. Mais la mécanique parlementaire a dérapé : après avoir retiré son texte, un autre député l’a repris et soumis au vote.
Le résultat, tombé peu après 23 heures, a sidéré l’hémicycle : 117 voix pour, 113 contre et 10 abstentions. À cet instant, la suppression pure et simple de la C3S était actée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026. La ministre de la Santé Stéphanie Rist a immédiatement réagi : « C’est un amendement à cinq milliards », a-t-elle lancé.
Un cadeau des macronistes aux entreprises
Les bénéficiaires économiques d’une telle suppression sont clairement identifiés : les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 19 millions d’euros. Pour une société réalisant un milliard d’euros de chiffre d’affaires, l’économie atteindrait 1,6 million d’euros par an. Ces montants sont loin d’être symboliques. Pour l’industrie française, qui plaide depuis des années pour alléger les impôts de production, la suppression de la C3S serait une bouffée d’oxygène. L’Institut Montaigne souligne d’ailleurs que cette taxe « n’a pas été supprimée jusqu’ici précisément parce que son rendement reste indispensable ».
Cependant, cette fois, l’adoption ne résulte pas d’un choix économique concerté mais d’un enchaînement de circonstances. Dix députés macronistes ont admis avoir voté « pour » par erreur, croyant s’opposer à la mesure, preuve du sérieux des travaux dans l’hémicycle. Dans le même temps, le Rassemblement national et une partie de la droite ont apporté leurs voix, assurant la majorité de 117 contre 113. Ce télescopage a provoqué un tollé immédiat dans les rangs présidentiels.
Le rapporteur général Thibault Bazin a dénoncé une dérive : les députés « sont en train de déraper totalement » et devront « corriger le tir », a-t-il prévenu. Le président de la commission des Affaires sociales, Frédéric Valletoux, a lui aussi réclamé une seconde délibération, évoquant « une certaine confusion autour du débat ». Une demande acceptée, ouvrant la voie à un nouveau vote, explique LCP.
L’auteur de l’amendement s’est dit « surpris » de voir son texte adopté. Charles Sitzenstuhl a rappelé qu’il n’avait jamais souhaité supprimer la C3S dans le cadre du budget 2026 et a plaidé pour un débat plus global sur la fiscalité de production. Le gouvernement, lui, s’est empressé d’annoncer qu’une rectification interviendrait avant la promulgation.
Une confusion parlementaire révélatrice
L’épisode illustre les risques d’une procédure parlementaire sous tension. Dans la séquence du PLFSS, des dizaines d’amendements sont examinés à la chaîne, souvent tard dans la nuit. Le cas de la C3S montre qu’un retrait d’amendement n’empêche pas sa reprise par un autre député, ce qui peut inverser une position sans alerte préalable.
Cette erreur de manipulation révèle aussi les clivages latents autour des impôts de production. La droite et le RN défendent leur suppression intégrale au nom de la compétitivité industrielle, tandis que la majorité présidentielle prône une trajectoire plus progressive. En face, les députés de gauche dénoncent un « cadeau fiscal » fait aux grandes entreprises au détriment des comptes sociaux. Le HuffPost souligne que la suppression de la C3S aurait pour effet immédiat de réduire les recettes vieillesse de plus de 5 milliards d’euros, sans financement de remplacement.
