Précarité : 1 étudiant sur 3 saute des repas, 1 sur 5 cesse ses études

La précarité étudiante s’installe comme une réalité incontournable en France. Le dernier baromètre Cop1-Ifop, publié le 29 septembre 2025, met en lumière des chiffres alarmants : repas sautés, recours massif à l’aide alimentaire, isolement psychologique, renoncements aux études. Derrière les statistiques, c’est un système éducatif affaibli par les inégalités qui se dessine, malgré les alertes répétées des associations étudiantes.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 30 septembre 2025 7h00
Jeune Precarite Logement Difficultes
@shutter - © Economie Matin
16%16 % des étudiants ont eu recours à l’aide alimentaire en 2025

Le 29 septembre 2025, l’Ifop et l’association Cop1 ont dévoilé la troisième édition de leur baromètre annuel sur la précarité étudiante. Cette enquête nationale montre qu’en dépit d’une baisse légère du recours à l’aide alimentaire, la pauvreté persiste et continue de peser sur l’égalité des chances dans la société française. Les étudiants jonglent entre survie économique, alimentation sacrifiée et rêves académiques bafoués, confirmant que la crise ne faiblit pas.

Précarité étudiante et alimentation : des repas manqués, des inégalités renforcées

Les chiffres publiés par l’Ifop sont glaçants. 34 % des étudiants sautent régulièrement des repas faute de moyens, un taux encore supérieur à celui observé dans la population générale (29 %), bien que légèrement inférieur à l’an dernier (36 %). Dans le même temps, 16 % des étudiants ont eu recours à l’aide alimentaire, en baisse par rapport à 2024 (20 %), mais toujours à un niveau insupportable pour un pays riche. Cette précarité alimentaire fragilise la santé des jeunes adultes et creuse une inégalité sociale qui compromet leur avenir.

Le baromètre montre que les conséquences dépassent la simple faim : 32 % des étudiants aidés par des associations ont déjà redoublé, contre seulement 17 % chez ceux qui n’ont pas eu recours à cette aide. Ce différentiel de 15 points illustre un lien direct entre pauvreté et échec académique selon l’Ifop. La présidente de Cop1, Léonore Maunoury, s’indigne : « Si les associations jouent un rôle essentiel en apportant des réponses d’urgence et de proximité, elles ne peuvent à elles seule pallier des carences structurelles », relaye Le Figaro Étudiant.

« Précarité » et orientation : arbitrages douloureux, santé mentale en chute

La précarité pèse également lourd dans les choix académiques et donc sur le futur des étudiants. Selon l’Ifop, 30 % des étudiants ont dû renoncer à l’établissement de leur choix, 27 % ont changé d’orientation et 22 % envisagent d’interrompre leurs études, uniquement pour des raisons financières. Ces décisions forcées dessinent une société où la réussite universitaire dépend trop souvent du portefeuille plutôt que des compétences, un symptôme criant d’inégalités structurelles.

À ces contraintes matérielles s’ajoute une détresse psychologique inquiétante. 66 % des étudiants déclarent ressentir surtout des émotions négatives, et 34 % se disent seuls, contre 19 % dans la population générale. Pourtant, le dispositif Santé Psy Étudiant n’est utilisé que par 35 % des étudiants concernés, tandis que 41 % ignorent son existence

Les étudiantes sont particulièrement touchées : 23 % vivent une précarité menstruelle, et 42 % ont déjà renoncé à des soins gynécologiques, avec un pic de 40 % de précarité menstruelle parmi les bénéficiaires de Cop1. « Cette troisième édition du baromètre IFOP/Cop1 révèle une situation paradoxale », note François Legrand, directeur d’études à l’Ifop. Une normalisation s’installe, où de maigres progrès statistiques masquent une misère persistante.

« Précarité » normalisée : une urgence de société

Les indicateurs pointent une réalité insoutenable : la précarité étudiante n’est plus conjoncturelle, elle devient structurelle. Elle mine l’égalité républicaine, fragilise la santé, réduit les perspectives professionnelles et consacre la reproduction des inégalités. Les solutions de survie existent, mais elles ne suffisent pas. Les repas sociaux, les guichets d’urgence et les associations comme Cop1 apportent des réponses indispensables, mais limitées. « Il est temps d’engager une réponse concertée et ambitieuse, à la hauteur des besoins des étudiants, pour garantir à chacun des conditions de vie et d’études dignes », insiste Léonore Maunoury.

Sans politiques structurelles (logement abordable, revalorisation des bourses, lutte contre la pauvreté alimentaire, accès universel aux soins) la précarité continuera de dicter les trajectoires des étudiants et leur futur. Et avec elle, c’est la promesse d’une société plus juste qui s’effrite.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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