Le Royaume-Uni durcit les règles d’immigration

Keir Starmer, Premier ministre du Royaume-Uni, a présenté, ce lundi 12 mai, devant la presse puis le Parlement une nouvelle feuille de route sur l’immigration. Ce plan, qualifié de « radical » par ses auteurs, promet un resserrement sans précédent des conditions d’entrée, de séjour et de naturalisation. À peine un an après avoir accédé au pouvoir, les travaillistes tentent de reprendre la main sur un dossier devenu explosif, alors que les sondages s’affolent au profit de l’extrême droite, et que l’immigration nette dépasse les 728 000 personnes entre juin 2023 et juin 2024.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 12 mai 2025 16h00
Royaume-Uni : un plan pour réduire l'immigration
Le Royaume-Uni durcit les règles d’immigration - © Economie Matin

Immigration : un durcissement général du cadre légal

« Nous créerons un système qui est contrôlé, sélectif et juste », a martelé Keir Starmer, cité dans Le Figaro, ajoutant que «  tous les domaines du système d'immigration, y compris (les visas) de travail, de regroupement familial, d'étude, seront renforcés afin que nous puissions mieux les contrôler. La mise en œuvre sera plus stricte que jamais et le nombre d'immigrants diminuera ».

Concrètement, le gouvernement entend doubler la durée de présence requise pour l’obtention d’un titre de résident permanent. Il faudra désormais dix années de résidence continue sur le territoire britannique, contre cinq auparavant. Un seuil jugé dissuasif par certains experts, mais aussi hautement symbolique. Les professions dites « stratégiques » comme les ingénieurs, les personnels soignants ou les experts en intelligence artificielle bénéficieront d’une procédure allégée.

Des restrictions ciblées des visas de travail et étudiants

Autre axe de réforme, le renforcement du contrôle des visas de travail. Selon Yvette Cooper, ministre de l’Intérieur, ces modifications devraient entraîner une baisse de « jusqu'à 50 000 » travailleurs peu qualifiés dès 2026. Une déclaration assortie d’un reproche cinglant aux précédentes administrations : « Pendant des années, notre système a encouragé les entreprises à faire venir des travailleurs moins bien payés, plutôt que d'investir dans nos jeunes », dénoncera Keir Starmer, selon Downing Street.

Le plan prévoit aussi que les employeurs devront désormais justifier d’un investissement dans la formation locale s’ils souhaitent recruter à l’étranger. Une manière, selon le gouvernement, de réorienter l’économie vers une main-d’œuvre domestique plus qualifiée. Les sociétés du secteur du soin, qui emploient aujourd’hui massivement des auxiliaires de vie étrangers, ne pourront plus recruter directement hors du pays. Les conditions d’accès aux visas familiaux seront également renforcées : tout adulte à charge devra désormais prouver un niveau d’anglais suffisant pour être autorisé à entrer sur le territoire britannique.

Immigration : les pays ciblés et les expulsions renforcées

Ce tournant se double d’une orientation géopolitique assumée. Le Royaume-Uni compte durcir l’accès aux visas étudiants et de travail pour les ressortissants de certains pays : le Pakistan, le Nigeria et le Sri Lanka sont explicitement mentionnés. Ces pays sont, selon le gouvernement, surreprésentés parmi les demandeurs d’asile. Ce ciblage n’est pas anodin, il révèle une stratégie de dissuasion calibrée sur les profils jugés à risque migratoire élevé. Sur le plan sécuritaire, une autre ligne rouge est franchie.

Le gouvernement souhaite pouvoir expulser plus systématiquement les étrangers condamnés pénalement. Jusqu’ici, seuls les délits punis d’au moins un an de prison pouvaient entraîner une expulsion. Cette limite pourrait être abaissée ou contournée par des procédures d’urgence, selon les discussions parlementaires en cours. Enfin, la pression migratoire illégale à la frontière maritime reste une obsession de Downing Street. 36 800 migrants ont traversé la Manche en embarcations de fortune en 2024. Plus de 11 000 s’y sont déjà risqués en 2025. Londres entend multiplier les partenariats bilatéraux pour renforcer ses dispositifs de refoulement et conclure des accords de réadmission.

Une manœuvre politique avant tout ?

Le virage opéré par Keir Starmer survient dans un climat politique agité. Le 1er mai 2025, le parti anti-immigration Reform UK, mené par Nigel Farage, a réalisé une percée aux élections locales. Cette poussée populiste, combinée à une désaffection de l’électorat travailliste dans les régions ouvrières, pousse le gouvernement à repositionner sa politique migratoire. Keir Starmer fustige le « bilan catastrophique » des conservateurs, tout en assumant un durcissement que ses adversaires à gauche qualifient déjà de « revirement idéologique ». Certains dénoncent une communication « électoraliste » plus qu’un véritable changement structurel.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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