Entre aspirations à une meilleure qualité de vie et contraintes budgétaires, les choix des Français en matière de santé en 2025 révèlent des tensions inattendues. Une récente étude tente de décrypter ces comportements à la croisée du bien-être et du portefeuille.
Santé : près de 7 Français sur 10 font gaffe aux prix faute d’argent

Le 24 avril 2025, l’Observatoire E.Leclerc des Nouvelles Consommations, en partenariat avec Ipsos, a dévoilé une étude saisissante sur la relation complexe qu’entretiennent les Français avec leur santé. À l’issue d’une enquête réalisée les 18 et 19 mars 2025 auprès de 1100 adultes représentatifs, les résultats illustrent une situation où, plus que jamais, l’équilibre entre bien-être et contraintes économiques s’avère précaire.
Quand la santé vacille : une perception ébranlée
À première vue, les Français affichent un relatif optimisme : 86 % considèrent leur état de santé « plutôt bon ». Pourtant, cette impression masque une réalité moins reluisante. Ce chiffre accuse une baisse de cinq points par rapport à 2019, avant la pandémie de Covid-19. En première ligne, les plus jeunes (18-24 ans) voient leur confiance en berne (-9 %), suivis des 45-59 ans (-8 %).
La santé mentale, longtemps reléguée au second plan, s’impose comme une source de mal-être persistante. Plus de 40 % des Français déplorent des troubles du sommeil, une récupération musculaire difficile ou une résistance au stress insuffisante. Chez les 18-24 ans, la situation est encore plus préoccupante : la capacité à gérer le stress plafonne à 5,6/10, et le sommeil n’obtient que 6,3/10 en moyenne.
Les femmes ne sont pas épargnées. Elles continuent de déclarer des niveaux de bien-être inférieurs à ceux des hommes. Comme le souligne l’étude : « Résistance au stress (6,5 contre 5,9) et capacité à bien dormir (6,6 contre 6,2 pour les femmes) ». Derrière ces chiffres, c’est une précarisation silencieuse de la santé psychologique qui se dessine.
Santé et portefeuille : un combat inégal
Se nourrir correctement devient un véritable défi financier. Bien que 8 Français sur 10 reconnaissent l'importance capitale d'une alimentation équilibrée, le coût des aliments bons pour la santé est un obstacle majeur pour 65 % d’entre eux.
Si 49 % déclarent adopter une alimentation équilibrée, en hausse de 7 points depuis 2019, les écarts générationnels et genrés persistent. Les hommes privilégient davantage la satiété (14 %) et le plaisir de manger (15 %) contre 10 % et 11 % chez les femmes respectivement. Dans un contexte d'inflation alimentaire soutenue, ces résultats traduisent des stratégies d’adaptation variées, mais souvent subies.
La définition même d’une bonne alimentation évolue subtilement : en parallèle de la chasse au gras, au sucre et au sel, l'attention portée aux apports en vitamines (25 %, +6 % depuis 2021) et au Nutri-score (+4 %) progresse timidement. Mais face aux promotions alléchantes de produits ultra-transformés, combien résistent vraiment à la tentation ?
L'automédication, un réflexe en déclin
Sur le terrain de l’autonomie médicale, les signaux sont contrastés. 72 % des Français se disent capables d'automédication pour les maux bénins, une proportion en diminution par rapport aux années pré-pandémiques.
Le prix des médicaments devient une variable d’ajustement brutale : « Les Français comparent et cherchent à acheter au meilleur prix pour 68 % d’entre eux, quitte à renoncer à se soigner si le prix est trop élevé ». Le simple fait de soigner un rhume ou une douleur articulaire n’est plus un geste anodin : il suppose de calculer, d'arbitrer, parfois de différer, voire d'abandonner.
Cette évolution interroge : comment justifier une santé à plusieurs vitesses quand l’accès aux soins élémentaires devient tributaire du solde bancaire ?
Compléments alimentaires : la solution... ou l'illusion ?
Dans cette quête chaotique du bien-être, les compléments alimentaires s’imposent comme une alternative en plein essor. 52 % des Français en consomment régulièrement, avec une nette surreprésentation chez les jeunes (61 % chez les 18-24 ans) et les femmes (58 %).
Les motivations sont limpides : améliorer le bien-être général (70 %) et renforcer l’immunité (70 %). Cependant, la méfiance n’est jamais loin. L’enquête souligne : « Les raisons de ne pas consommer des compléments alimentaires sont les doutes sur l’efficacité des produits (58 %) et le manque d’habitude (56 %) ».
Autre bémol de taille : 46 % pointent le prix comme frein majeur. Une cure de vitamines ou d'oméga-3 devient ainsi un investissement réfléchi, plus qu’un geste anodin. Ce paradoxe révèle une constante : qu’il s’agisse de pilules ou de paniers bio, la santé est de plus en plus conditionnée par des arbitrages économiques serrés.
