Espérance de vie : ce que vos revenus disent de votre durée de vie

L’espérance de vie demeure fortement liée au niveau de vie en France. Les données les plus récentes de l’Insee montrent que les écarts entre personnes modestes et aisées se sont encore accentués ces dernières années, en particulier chez les hommes. Une évolution qui éclaire autrement les inégalités sociales de santé.

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By Aurélie Giraud Published on 16 décembre 2025 10h13
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L’espérance de vie en France varie fortement selon le niveau de vie, le sexe et la région de résidence. - © Economie Matin
13 ANSÉcart d’espérance de vie à la naissance entre les hommes les plus aisés et les plus modestes en France sur la période 2020-2024.

L’espérance de vie est souvent présentée comme un indicateur global de progrès sanitaire. Pourtant, l’étude publiée par l’Insee le 15 décembre 2025 montre que cette moyenne masque des écarts considérables selon le niveau de vie, le sexe et le territoire. En s’appuyant sur des données couvrant la période 2020-2024, l’institut statistique met en lumière une dynamique inquiétante : la longévité progresse chez les plus aisés tandis qu’elle stagne, voire recule, chez une partie des plus modestes.

Espérance de vie : jusqu’à 13 ans d’écart entre hommes aisés et modestes

Les chiffres sont sans ambiguïté. « Sur la période 2020-2024, l’écart d’espérance de vie à la naissance entre les 5% les plus modestes et les 5% les plus aisés est de 13 ans chez les hommes et de 9 ans chez les femmes », indique l’Insee.

Concrètement, les hommes appartenant aux 5% les plus aisés peuvent espérer vivre en moyenne jusqu’à 85,0 ans, contre seulement 72,0 ans pour ceux situés parmi les 5% les plus modestes. Chez les femmes, l’écart est moindre mais reste massif : 88,7 ans pour les plus aisées, 80,1 ans pour les plus modestes.

Le contraste le plus frappant concerne le croisement du sexe et du niveau de vie. « Les femmes parmi les 5% les plus aisées vivent en moyenne 17 ans de plus que les hommes parmi les 5% les plus modestes », souligne encore l’étude de l’Insee  . Un chiffre qui illustre à lui seul la violence des inégalités cumulées.

Une progression de l’espérance de vie qui profite surtout aux plus aisés

L’Insee observe que l’espérance de vie continue d’augmenter avec le niveau de vie, mais de manière de plus en plus marginale à mesure que les revenus s’élèvent. Autour de 1.200 euros mensuels, un gain de 100 euros de niveau de vie est associé à une hausse d’un an d’espérance de vie chez les hommes et de 0,8 an chez les femmes. En revanche, autour de 3.000 euros par mois, ce même gain n’apporte plus que 0,2 an supplémentaire chez les hommes et 0,1 an chez les femmes.

Cette dynamique met en évidence un double constat. D’un côté, des conditions de vie modestes continuent de peser fortement sur la santé et la longévité. De l’autre, quand le niveau de vie est déjà élevé, gagner davantage améliore peu l’espérance de vie. En revanche, les personnes les plus favorisées restent celles dont la durée de vie progresse le plus, contribuant à accentuer les écarts avec les ménages modestes.

Entre 2012-2016 et 2020-2024, l’Insee constate ainsi que l’espérance de vie des 25% les plus modestes diminue, à l’exception des 5% aux niveaux de vie les plus faibles, tandis que celle des personnes plus aisées continue de progresser. Résultat : l’écart global se creuse.

À 50 ans, un risque de décès sept fois plus élevé pour les hommes modestes

Les inégalités ne se manifestent pas seulement à la naissance. Elles s’expriment avec une brutalité particulière à l’âge adulte. « À 50 ans, le risque de décès dans l’année des hommes est 7 fois plus élevé chez les plus modestes que chez les plus aisés », note l’Insee  .

À cet âge, 8,3 ‰ des hommes modestes décèdent chaque année, contre 1,2 ‰ parmi les plus aisés. Chez les femmes, l’écart est légèrement moindre mais atteint tout de même un rapport de 6 à 55 ans.

Ces écarts s’expliquent par l’accumulation de facteurs sociaux et sanitaires : exposition plus forte aux risques professionnels, comportements à risque plus fréquents, accès plus limité aux soins et renoncements médicaux pour raisons financières. L’Insee rappelle ainsi que 3,2% des personnes appartenant aux 20% les plus modestes déclarent avoir renoncé à des examens médicaux pour des raisons financières, contre 1,8% en moyenne dans la population.

Territoires et espérance de vie : des écarts persistants à niveau de vie égal

Même à sexe, âge et niveau de vie comparables, le lieu de résidence joue un rôle. Les Pays de la Loire et l’Occitanie affichent les meilleures performances en matière de longévité, tandis que les Hauts-de-France restent la région où la mortalité est la plus élevée.

À niveau de vie identique, résider dans les Hauts-de-France est associé à un risque de décès supérieur de 17% à celui observé dans la région de référence, selon l’Insee  .

Ces écarts territoriaux renvoient à des facteurs multiples : environnementaux, comportementaux, culturels, mais aussi à l’offre de soins. Ils soulignent que la lutte contre les inégalités de santé ne peut se limiter aux seuls revenus.

Points clés – Inégalités sociales et espérance de vie

  • 13 ans d’écart d’espérance de vie entre les hommes les plus aisés et les plus modestes.
  • 17 ans d’écart entre les femmes les plus aisées et les hommes les plus modestes.
  • À 50 ans, les hommes modestes ont un risque de décès 7 fois plus élevé que les plus aisés.
  • Les écarts d’espérance de vie se sont accentués depuis 2012-2016.
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Aurélie Giraud, juriste de formation, titulaire d'une maîtrise de droit public (Sorbonne, Paris I), est journaliste à Economie Matin, après avoir travaillé comme correctrice et éditrice dans l’édition.

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