Sur le marché en pleine expansion des satellites, les micro-fusées vont changer la donne

Face au nombre de plus en plus élevé de satellites miniatures lancés chaque année, la demande de fusées de taille plus réduite augmente.

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Par Horizon Publié le 19 mai 2023 à 5h30
Fusees Satellites Horizon

De nos jours, nous pourrions difficilement nous passer des satellites. Une grande partie des activités humaines dépend fortement de ce qui se passe au-dessus de nos têtes: de la surveillance des incendies de forêt, de la déforestation et des températures à la surface de l’océan, jusqu’à l’accès aux nouvelles technologies mobiles telles que la 5G dans les zones difficiles d’accès.

Cette tendance croissante est à l’origine de la vague récente de satellites miniatures meilleur marché envoyés sur des orbites basses de 500 à 1 000 kilomètres au-dessus de la Terre par les sociétés SpaceX d’Elon Musk et OneWeb basée au Royaume-Uni.

Moins, c’est plus

Certains de ces satellites, qui suivent par exemple la masse terrestre globale en fournissant force détails, peuvent rentrer dans une boîte à chaussure voire même être plus petits. En moyenne, plus de 2 500 de ces satellites devraient être lancés chaque année au cours des dix prochaines années.

Pour atteindre l’espace à moindre frais, ces petits satellites doivent souvent voyager sur des lanceurs de grande taille. La mise au point de fusées plus petites pourrait offrir un accès plus rapide et plus personnalisé à l’espace et rendre ainsi le marché accessible à un plus large éventail de fournisseurs spécialisés.

« Les petits satellites peuvent voyager sur de gros lanceurs, mais il faut alors gérer des contraintes telles que le délai de mise en orbite, puisqu’il faut réserver longtemps à l’avance un créneau permettant de positionner vos satellites exactement au point souhaité », a déclaré Xavier Llairó, directeur commercial et co-fondateur de Pangea Aerospace à Barcelone, en Espagne. « Les entreprises qui lancent ces satellites doivent disposer d’un accès personnalisé à l’espace ».

Le projet RRTB, financé par l’UE et dirigé par Pangea, s’est attaché à trouver des moyens rentables d’envoyer dans l’espace de petites fusées pouvant transporter jusqu’à 500 kilogrammes de fret. L’équipe espère qu’un moteur permettant de le faire sera prêt d’ici 2025.

La solution, pour cela, est de trouver des moyens de réutiliser ces microlanceurs en limitant les contraintes qu’ils subissent à leur retour dans l’atmosphère terrestre, et de les faire atterrir en toute sécurité. Ces lanceurs réutilisables seraient également plus respectueux de l’environnement que les lanceurs à usage unique.

« Cette réutilisation permet de réduire les investissements, d’utiliser moins de moyens de production et d’augmenter la fréquence des lancements », a déclaré M. Llairó.

À l’heure actuelle, l’Europe ne dispose d’aucune méthode éprouvée permettant d’atteindre cet objectif, selon l’équipe du projet RRTB, qui se termine ce mois-ci après trois ans d’activité.

Premier étage

Le projet RRTB s’est concentré sur la réutilisation de la première partie (ou étage) de la fusée, située à sa base. Cette section génère la majeure partie de la poussée immédiatement après le lancement, puis se détache et retombe sur Terre, souvent dans l’océan. Plus légers, les étages restants de la fusée poursuivent leur chemin pour mettre leur chargement en orbite.

Le premier étage peut cependant être endommagé lors de sa descente à grande vitesse dans l’atmosphère terrestre, ainsi que par l’eau de mer. Les difficultés et les coûts induits par la récupération et le retour de la fusée sur le site de lancement peuvent ne pas en valoir la peine.

« Quand ils tombent dans l’océan, il devient très difficile de les réutiliser », a déclaré M. Llairó.

Selon lui, il faudrait faire en sorte que le premier étage puisse retourner dans l’atmosphère terrestre en toute sécurité et se poser sur un point d’amarrage à proximité du site de lancement ou sur une barge.

Parallèlement, la fusée doit être conçue de sorte à pouvoir transporter une charge utile suffisamment importante pour que l’opération soit viable sur le plan financier.

Afin de trouver des moyens de réduire les dommages causés aux micro-lanceurs lors de leur retour dans l’atmosphère terrestre et de leur atterrissage, l’équipe du projet RRTB a effectué des essais en soufflerie sur le modèle réduit d’une petite fusée.

D’après M. Llairó, l’idéal est d’éviter que les moteurs des petits lanceurs aient à se rallumer lors de leur retour dans l’atmosphère. Cela permettrait aux lanceurs de transporter une charge utile initiale plus importante puisque le poids du carburant à transporter serait plus faible.

Nouvelle tuyère

La tuyère en cloche, c’est-à-dire de forme classique, entourant le moteur de la fusée a donné du fil à retordre à l’équipe du projet qui a obtenu des résultats plus prometteurs avec la tuyère conique. Cette tuyère « aérospike » aide à diffuser la chaleur de manière à réduire les chocs subis par l’engin.

« Elle facilite la pénétration dans l’atmosphère », a déclaré M. Llairó. « Ce n’est pas seulement valable pour les petits lanceurs, ça l’est aussi pour ceux de plus grande taille. C’est une découverte à laquelle nous ne nous attendions pas car ce n’est pas ce que nous cherchions au départ ».

Si les aérospikes consomment également moins de carburant que les moteurs traditionnels, M. Llairó explique que ces avantages étaient jusqu’à présent annulés par la complexité et les coûts associés à leur fabrication, notamment en ce qui concerne le refroidissement. Néanmoins, des techniques comme l’impression 3D, qui est celle utilisée par Pangea, les rendent plus viables.

«La technologie Aerospike va changer la façon dont nous allons dans l’espace et dont nous revenons sur Terre», a déclaré Llairó. « Elle jouera un rôle essentiel pour obtenir des fusées réutilisables ».

Il précise qu’en attendant le moteur que l’équipe prévoit d’utiliser fonctionnera au méthane biosourcé.

Des recherches sont aussi menées pour rendre chaque pièce de la fusée plus réutilisable, par exemple en employant un matériau à base d’aluminium pour les réservoirs de carburant.

«Il faut faire atterrir les fusées sans risque et réutiliser le plus possible de leurs composants pour qu’elles soient viables sur le plan financier», a ajouté M. Llairó.

Prêt au lancement

Si le projet RRTB s’est concentré sur la réutilisation des fusées, la société aérospatiale Orbex, au Royaume-Uni, se prépare de son côté à introduire son propre micro-lanceur à la fois léger et écologique.

Dans le cadre du projet PRIME, financé par l’UE, Orbex a présenté en mai de l’année dernière un prototype de sa fusée de 19 mètres de long, qui devrait être le premier micro-lanceur en orbite complète pour petits satellites en Europe.

La fusée est également conçue de façon à être réutilisable grâce à la possibilité de récupérer les pièces qui ne brûlent pas dans l’atmosphère. Bien que l’entreprise n’ait pas encore expliqué comment elle compte procéder, un porte-parole d’Orbex a déclaré que la méthode serait «totalement inédite».

La société espère pouvoir lancer la fusée Prime dans le courant de l’année, sous réserve de pouvoir réunir certaines conditions, comme l’obtention d’une licence de lancement.

« Nous avons déjà vendu un certain nombre de créneaux de lancement à des fournisseurs de satellites commerciaux, mais nous n’avons pas encore annoncé la date de notre lancement inaugural », a déclaré Chris Larmour, PDG d’Orbex. Il a également été coordinateur du projet PRIME, qui a duré trois ans et a pris fin en juin 2022.

Une fusée plus respectueuse de l’environnement

La fusée fonctionnera au biopropane, un carburant propre fabriqué en tant que produit complémentaire dans le cadre de la production du biodiesel. Il est fabriqué à partir de sources renouvelables telles que des huiles végétales recyclées et de l’huile de cuisson usagée.

Il sera combiné à l’oxygène liquide, un «propulseur cryogénique», c’est-à-dire un gaz refroidi à une température négative et condensé en un liquide hautement combustible.

La fusée ainsi obtenue pourrait réduire les émissions de carbone jusqu’à 96% par rapport à des lanceurs de taille similaire utilisant des combustibles fossiles.

« Grâce à l’utilisation d’un biocarburant renouvelable, Orbex Prime devrait être la fusée spatiale la plus respectueuse de l’environnement au monde », a déclaré M. Larmour.

Les réservoirs de carburant sont en fibre de carbone, un matériau à la fois léger et ultra-résistant.

Orbex estime que la fusée Prime est environ 30% plus légère que les lanceurs traditionnels, ce qui lui permet d’offrir le rendement et les performances supérieures exigés par les petits satellites. Elle est en outre conçue pour ne laisser aucun débris sur Terre et en orbite.

La société espère pouvoir lancer jusqu’à 12 fusées par an depuis sa base spatiale de Sutherland, sur la côte nord de l’Écosse. La base devrait aussi avoir une empreinte carbone neutre tant en termes de construction que d’exploitation.

Sa proximité relative avec Glasgow lui permettra de profiter de l’industrie spatiale en plein essor de la région, la ville produisant plus de satellites que toute autre localité européenne. L’équipe d’Orbex est convaincue que cette situation est idéale pour répondre au mieux aux besoins des acteurs de la région souhaitant mettre des satellites en orbite.

« Le secteur des satellites et le besoin de disposer de lanceurs capables de placer des satellites sur des orbites spécifiques se sont développés ces dernières années et continuent de croître de manière exponentielle », a déclaré M. Larmour. « La demande de matière de lancements spécialisés et durables est donc considérable ».

Par GARETH WILLMER

Les recherches réalisées dans le cadre de cet article ont été financées par l’UE. Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation. 

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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