Titres-restaurant et courses : le gouvernement recule

Le débat autour des titres-restaurant, lancé lundi 13 novembre 2023, a pris un tournant inattendu… 24 heures plus tard. Alors qu’une restriction de l’usage des titres-restaurant était prévue pour janvier 2024, limitant leur usage aux produits directement consommables, le gouvernement a paniqué devant la polémique suscitée par l’annonce. Au point qu’Olivia Grégoire, ministre déléguée au Commerce, a dû se plier à un rétropédalage en règle, en un temps record.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 15 novembre 2023 à 10h31
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50%Les titres-restaurant sont payés à au moins 50% par l'employeur.

Titres-restaurant : la fin des courses ne passe pas du tout

Olivia Grégoire, ministre des PME, et Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, l’avaient annoncé : le régime spécial pour les paiements en titres-restaurant instauré pour répondre à la Covid-19 puis à l’inflation allait prendre fin. Résultat : l’usage des titres-restaurant devait être restreint à partir de janvier 2024 pour ne plus couvrir les produits nécessitant une préparation, comme les pâtes ou le riz. En bref : les Français n’auraient plus eu le droit de faire les courses de tous les jours avec leurs titres-restaurant.

La décision était attendue : le régime spécial pour les titres-restaurant était prévu dès le départ pour s’arrêter le plus tôt possible. Mais au bout de trois ans d’autorisations exceptionnelles répétées et prolongées, les 5 millions de salariés qui touchent les titres-restaurant avaient pris des habitudes difficiles à changer. Les titres-restaurant sont devenus des alliés contre les fins de mois difficiles, alors que l’inflation en France a battu des records historiques en 2021 et 2022.

Titres-restaurant : la décision du gouvernement vivement critiquée

L’annonce de la fin du régime spécial des titres-restaurant a pris tout le monde de court. Alors que les fins de mois restent difficiles pour les ménages, l’idée de perdre ce pouvoir d’achat a provoqué un tollé. Les titres-restaurant étant payés à 50% ou 60% par l’employeur, ils sont devenus un bonus important pour les salariés. En restreindre l’usage revient à retirer de l’argent directement du portefeuille des concernés.

Pas étonnant que la perspective de cette restriction ait suscité un vif mécontentement parmi les utilisateurs et des associations telles que le Secours Catholique. « Ce n’est pas le moment de retirer du pouvoir d’achat à des personnes qui travaillent, mais qui ont quand même de bas revenus », alerte Joséphine Dubois, chargée du plaidoyer au Secours catholique, dans les colonnes de Ouest-France. « Même si le niveau de l’inflation diminue, cela ne veut pas dire que les prix vont baisser. Ils vont juste augmenter moins vite. »

Du côté des politiques aussi, la critique a été rude : « Mauvais pour le pouvoir d’achat ! Mauvais pour la santé car cela pousse à acheter des plats cuisinés transformés, plus sucrés, plus gras », affirme Fabien Roussel, à la tête du Parti Communiste.

Chez les patrons aussi, la décision de mettre un terme au régime spécial des titres-restaurant ne faisait pas l'unanimité. Le Mouvement Ethic avait vivement critiqué la mesure, le 14 novembre 2023 avant le rétropédalage de l'exécutif. « A partir du 1er janvier 2024, les salariés n'auront plus le droit d'acheter avec leurs tickets-restaurant autre chose que certains produits comme des sandwichs et des salades toutes prêtes. Rappelons que les tickets-restaurant sont payés à 50% par l'entreprise et à 50% par les salariés. Au nom de quoi a-t-on le droit d'intervenir sur cette somme allouée par les tickets-restaurant ? On attaque la liberté de se nourrir comme on le souhaite, de dépenser librement cette somme allouée, tant que cela reste dans le domaine alimentaire évidemment. Que cherche le gouvernement ? », se demandait Sophie de Menthon, la présidente d'Ethic.

Fin du régime spécial des titres-restaurant en 2024 : les seuls contents étaient… les restaurateurs !

La décision de mettre fin au régime spécial des titres-restaurant, et donc de retirer une partie du pouvoir d’achat des ménages, était justifiée par la nécessité de relancer le secteur de l’hôtellerie-restauration. Les restaurateurs, d’ailleurs, se réjouissaient déjà.

Pour Franck Chaumes, président de l’UMIH branche Restauration « cette mesure, même temporaire, est contraire à l’esprit du titre qui a toujours été d’assurer une aide au déjeuner des salariés ». Plutôt que la prolongation du régime exceptionnel, ce dernier estime qu’il vaudrait mieux mettre en place « un chèque alimentaire ». Un appel qui n’a clairement pas été entendu par le gouvernement.

Le rétropédalage en règle du gouvernement sur les titres-restaurant

La polémique a enflé tout le long de la journée du 14 novembre 2023. Et dès le départ, Bruno Le Maire semblait avoir compris le problème. « Si l’inflation baisse fortement, et si nous sommes ressortis de la crise inflationniste, néanmoins l’augmentation des prix alimentaires reste très pénalisante pour des millions de nos compatriotes. Je suis donc favorable à ce que nous prolongions au-delà du 31 décembre 2023 cette disposition », a-t-il affirmé devant la Commission des Affaires économiques du Sénat. Mais il mettait un frein aux ardeurs : il était nécessaire de légiférer. Ce qui paraissait compliqué, à en croire le ministre de l’Economie.

Finalement, ce devait être bien moins compliqué que prévu que de légiférer. Sur M6, Olivia Grégoire a annoncé dès le mardi 14 novembre 2023 dans la soirée, que « les bonnes idées, il faut les prolonger. Rien ne changera pour les Français ». La ministre a donc confirmé que l’usage des titres-restaurant ne changera pas au 1er janvier 2024 : les Français pourront toujours faire leurs courses. Un rétropédalage record et en règle. Le gouvernement a paniqué.

Titres-restaurant pour les courses en 2024 : les restaurateurs se rebiffent

Si les salariés jubilent, les restaurateurs, opposés à cette prolongation de la mesure, se rebiffent. Franck Delvaux a critiqué, dans la foulée de l’annonce d’Olivia Grégoire, la décision de prolonger la mesure. Le titre-restaurant est destiné à « aller au restaurant et pas pour aller faire ses courses, pas pour aller acheter chez le boulanger un gâteau d'anniversaire, ou pour aller acheter le rôti du dimanche chez le boucher », estime-t-il dans les colonnes de FranceInfo.

« Nous sommes fortement impactés. On conteste évidemment cette décision et on essaiera de pouvoir agir et faire en sorte que ça change », affirme-t-il. Les restaurateurs pourraient-ils s’attaquer au pouvoir d’achat des ménages en essayant de faire retoquer la mesure par la voie judiciaire ? En saisissant le Conseil d’État par exemple ?

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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1 commentaire on «Titres-restaurant et courses : le gouvernement recule»

  • Bruno, ce virtuose de l’économie qui voulait mettre la Russie à genoux et qui n’est bon à s’occuper que d’épicerie : c’est tout simplement lamentable.

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