Tuberculose : malgré un vaccin vieux de 100 ans, la maladie revient en Europe

La tuberculose, que l’on croyait endiguée refait surface chez les plus jeunes. Les autorités sanitaires européennes constatent une hausse persistante des cas, notamment chez les enfants. Des données précises viennent éclairer un phénomène préoccupant.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 17 avril 2025 14h10
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172 000 En 2023, plus de 172 000 cas de tuberculose, nouveaux ou récurrents, ont été recensés dans les 53 pays couverts par le bureau régional Europe de l’OMS.

Le 24 mars 2025, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) ont publié un rapport conjoint mettant en évidence une augmentation significative des cas de tuberculose infantile en Europe. D’après ce rapport, en 2023, les enfants de moins de 15 ans ont représenté 4,3 % des cas signalés dans la région OMS Europe, soit une hausse de 10 % par rapport à 2022.

Tuberculose : une maladie qu’on pensait endiguée

Cette augmentation s’inscrit dans un contexte global où la charge tuberculeuse reste stable en apparence mais se déplace vers des groupes plus vulnérables. En 2023, plus de 172 000 cas de tuberculose, nouveaux ou récurrents, ont été recensés dans les 53 pays couverts par le bureau régional Europe de l’OMS. Dans l’Union européenne et l’Espace économique européen (UE/EEE), 37 000 personnes ont été diagnostiquées, soit 2 000 de plus que l’année précédente. Le rapport souligne que cette hausse chez les enfants se prolonge depuis maintenant trois années consécutives.

« Mettre fin à la tuberculose n’est pas un rêve. C’est un choix. » a déclaré Hans Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe, dans un communiqué publié le 24 mars 2025 sur France Info.

Santé infantile : un traitement incomplet dans un cas sur cinq

L’un des indicateurs les plus préoccupants concerne la qualité de la prise en charge thérapeutique. Selon le rapport ECDC/OMS, dans les pays de l’UE/EEE, un enfant sur cinq touché par la tuberculose n’a pas de trace documentée de fin de traitement. Cette lacune pose la question de la complétude du parcours de soins et du suivi des cas, particulièrement dans les formes multirésistantes. Le taux de succès du traitement pour la tuberculose multirésistante est de 59,7 % dans l’ensemble de la région OMS Europe, et de 56,3 % dans l’UE/EEE. Des résultats bien en deçà de la cible fixée par l’OMS à 90 %.

L’empreinte sociale de la maladie

La tuberculose reste fortement corrélée à des déterminants sociaux défavorables. La Haute autorité de santé (HAS) en France rappelle que les personnes vivant dans des conditions précaires, les populations migrantes, ou encore les sans-abris sont particulièrement exposés. En 2023, la France a enregistré 4 866 cas, avec une augmentation de 16,7 % par rapport à 2022. Parmi eux, 80 cas concernaient des formes multirésistantes.

Certaines régions, notamment l’Île-de-France, la Guyane ou Mayotte, concentrent des taux d’incidence significativement plus élevés que la moyenne nationale. Par ailleurs, la co-infection tuberculose/VIH reste un défi sanitaire important : en 2023, plus de 15 % des patients diagnostiqués étaient également porteurs du VIH, soit environ 600 personnes dans l’UE/EEE, et 19 000 dans l’ensemble de la région OMS Europe.

Enjeux politiques et appel à renforcer la prévention

Les recommandations formulées par les instances sanitaires insistent sur l’urgence d’améliorer les stratégies de prévention, de renforcer le dépistage et d’élargir l’accès aux schémas thérapeutiques les plus récents, notamment oraux et plus courts. Pamela Rendi-Wagner, directrice de l’ECDC, souligne que « le temps d’agir pour mettre fin à la tuberculose, c’est maintenant. Le coût de l’inaction aujourd’hui sera payé par nous tous demain ».

Le déficit mondial estimé dans la lutte contre la tuberculose s’élève à 11 milliards de dollars, selon l’OMS. Une réduction des financements internationaux, conjuguée aux effets persistants de la pandémie de Covid-19 sur les systèmes de santé, pourrait freiner encore davantage les efforts de contrôle et de traitement.

Un enjeu sanitaire européen aux implications économiques

Au-delà des enjeux médicaux, cette résurgence de la tuberculose infantile pourrait avoir des conséquences économiques non négligeables. Les coûts liés au traitement des formes pharmacorésistantes, aux hospitalisations prolongées, et aux pertes de productivité futures sont susceptibles d’alourdir les systèmes de santé publique.

Le rapport OMS/ECDC appelle les États membres à concentrer les efforts sur les pays à haute priorité, à améliorer l’accès aux soins pour les populations à risque, et à développer des collaborations transfrontalières afin d’endiguer la propagation des souches les plus complexes.

Perspectives : outils disponibles, engagement attendu

Des progrès ont été réalisés, notamment en matière de diagnostic et de traitement. Des schémas thérapeutiques sans injection, plus courts et plus efficaces, sont en cours de déploiement. Des vaccins sont en phase de développement avancée. L’OMS et l’ECDC rappellent qu’il existe aujourd’hui les moyens techniques pour contenir cette maladie. Encore faut-il qu’ils soient mobilisés à grande échelle.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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