Les complémentaires santé face à une nouvelle taxe : ce que change le vote de l’Assemblée nationale

L’Assemblée nationale a tranché : une taxe exceptionnelle sur les complémentaires santé sera appliquée en 2026. Malgré de fortes réserves et plusieurs rebondissements parlementaires, la mesure s’impose désormais dans le budget de la Sécurité sociale. Elle doit rapporter un milliard d’euros, mais elle suscite déjà de vives inquiétudes chez les mutuelles et leurs clients, alors que les tarifs ont fortement augmenté ces derniers mois.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 5 décembre 2025 15h30
Les Complementaires Sante Face A Une Nouvelle Taxe Ce Que Change Le Vote De Lassemblee Nationale
Les complémentaires santé face à une nouvelle taxe : ce que change le vote de l’Assemblée nationale - © Economie Matin

Le 4 décembre 2025, les députés ont approuvé une taxe ciblant les complémentaires santé, après l’avoir supprimée en première lecture. Cette décision marque un tournant dans la stratégie fiscale du gouvernement, qui cherche à renforcer les recettes de la Sécurité sociale tout en maîtrisant le coût croissant de l’assurance santé. Adoptée par 151 voix contre 131, la mesure doit générer environ 1 milliard d’euros de ressources dès 2026. Cependant, elle bouleverse l’équilibre économique des mutuelles et interroge sur son impact réel pour les assurés.

Une taxe votée dans un climat tendu au Parlement

La taxe sur les complémentaires santé n’a pas été adoptée sans heurts. Elle avait d’abord été supprimée en première lecture par les députés, qui redoutaient son effet sur les cotisations. Toutefois, le Sénat a profondément modifié le texte et l’a réintroduite. Ensuite, la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, le 1er décembre, a rétabli la contribution, revenant ainsi sur la position initiale de la majorité. Ce revirement démontre que les débats budgétaires, particulièrement lorsqu’ils touchent à la santé, connaissent souvent des évolutions rapides et complexes. Par ailleurs, la séance publique du 4 décembre a confirmé ce choix, avec une majorité élargie rassemblant Renaissance, LR, MoDem, Horizons, Liot et un PS revenu sur son premier vote, selon Nice-Matin le 5 décembre.

Ce vote a aussi mis en lumière des lignes de fracture persistantes. Plusieurs élus ont estimé, dans l’hémicycle, qu’un impôt limité à l’année 2026 risquait d’affaiblir la stabilité future des recettes de la Sécurité sociale, selon les comptes rendus de l’Assemblée nationale du 4 décembre. D’autres ont dénoncé une taxe inefficace, potentiellement répercutée sur les assurés, en dépit des garanties proposées par la majorité. Enfin, les discussions ont montré que la fiscalité appliquée aux mutuelles reste un sujet sensible, compte tenu de son rôle crucial dans le financement des soins.

Une contribution présentée comme “exceptionnelle”

Si le gouvernement insiste sur le caractère ponctuel de cette taxe, les oppositions rappellent que la structure fiscale des complémentaires santé est déjà lourde. La taxe vient en effet s’ajouter à la taxe de solidarité additionnelle (TSA), laquelle atteint déjà 14 %. De plus, la mesure repose sur un argument budgétaire précis : selon Nice-Matin, le rapporteur général Thibault Bazin affirme que la contribution se justifie par une augmentation d’environ 8 % des tarifs des mutuelles en 2024, hausse anticipant un relèvement du ticket modérateur finalement abandonné.

Les mutuelles rejettent catégoriquement cette interprétation. Leur principal argument est simple : toute taxe prélevée sur les cotisations risque mécaniquement d’alourdir le budget des ménages. « Ce n’est jamais qu’une TVA sur la complémentaire santé. Donc elle sera répercutée aux adhérents », déclare Eric Chenut, président de la Mutualité Française.

Quels impacts pour les complémentaires santé et leurs assurés ?

La taxe adoptée par l’Assemblée nationale s’appliquera sur l’ensemble des mutuelles et assurances santé en 2026. Son rendement — estimé entre 1 milliard et 1,1 milliard d’euros selon les sources — doit contribuer à l’équilibre du PLFSS. Toutefois, cette somme considérable interroge directement les capacités financières des organismes complémentaires. Beaucoup estiment qu’ils ne pourront absorber ce choc sans revoir leurs tarifs, malgré l’appel politique à ne pas reporter cette charge sur les assurés.

Pour empêcher une hausse des prix, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du député socialiste Jérôme Guedj, qui vise à bloquer les tarifs des complémentaires en 2026. Toutefois, cette décision comporte un risque juridique. Thibault Bazin alerte sur une possible censure constitutionnelle, l’encadrement des prix pouvant porter atteinte à la liberté contractuelle des assureurs.

Un besoin urgent de recettes nouvelles

La taxe sur les complémentaires santé s’inscrit dans un contexte de tension budgétaire. Le PLFSS 2026 cherche à compenser l’augmentation continue des dépenses de santé, notamment hospitalières et médico-sociales. Générer 1 milliard d’euros dès l’année prochaine est devenu indispensable pour éviter d’alourdir encore davantage le déficit de la Sécurité sociale. De plus, cette contribution repose sur un choix politique assumé : faire participer les acteurs privés à l’effort financier, au moment où les dépenses publiques augmentent plus vite que les recettes.

Le Sénat avait lui-même plaidé pour cette ressource supplémentaire afin de préserver les équilibres financiers du système. Toutefois, les députés reconnaissent que cette solution n’est que temporaire et qu’elle ne garantit en rien la stabilité des recettes au-delà de 2026.

Une contribution exceptionnelle qui interroge la stratégie fiscale de long terme

Si la taxe sur les complémentaires santé a été présentée comme exceptionnelle, plusieurs parlementaires se demandent si elle ne préfigure pas une évolution plus durable du financement de la Sécurité sociale. Le compte rendu de l’Assemblée nationale du 4 décembre révèle que plusieurs élus redoutent un précédent dangereux : créer un impôt annuel pourrait devenir une facilité budgétaire. En outre, l’expérience des taxes temporaires devenues pérennes nourrit une certaine méfiance.

De plus, certains analystes craignent que multiplier les prélèvements sur les complémentaires santé réduise leur capacité d’innovation, pourtant essentielle pour accompagner le vieillissement de la population ou le développement des soins numériques.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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